France

La Réunion : « L’infarctus chez les moins de 40 ans, banalisé »

Sur l’île de la Réunion, les maladies cardiovasculaires surviennent cinq à dix ans en moyenne plus tôt qu’en métropole. Salazie est l’une des communes les plus exposées de France à l’hypertension, touchant 50 à 80 % de la population.


Sur l’île de la Réunion, les maladies cardiovasculaires représentent un véritable fléau. Elles touchent des patients plus jeunes qu’en métropole, qui consultent souvent tardivement, bien après l’apparition des premiers symptômes. Le docteur Jérôme Corré, jeune chef de service de cardiologie au centre CHU nord de la Réunion, lutte pour améliorer la prévention sur son île.

« On arrive à vélo ou à pied, on parle créole, et tout cela fait qu’on gagne en crédibilité, le message est très fort », déclare-t-il. Accompagné d’infirmiers, Jean-Baptiste, Bertrand et Farah, il a effectué en juin des consultations dans trois cirques de la Réunion (Salazie, Mafate et Cilaos), à la rencontre d’habitants qu’ils ne voient pas à l’hôpital.

Adrien Morcuende, réalisateur et responsable éditorial de CHU Média, a suivi ce soignant durant son périple, avec l’objectif de sensibiliser aux risques cardiovasculaires dans un des départements les plus touchés de France. Le documentaire intitulé *Du souffle aux cœurs* sera diffusé ce mercredi 24 septembre sur Réunion la 1re, une chaîne de France TV, à 19h50, avec d’autres rediffusions à suivre.

**Le département le plus touché pour les AVC**

En novembre 2023, le réalisateur a rencontré Jérôme Corré, qui lui a présenté un état des lieux préoccupant des maladies cardiovasculaires à la Réunion. Ces pathologies apparaissent en moyenne cinq à dix ans plus tôt qu’en métropole. « Un infarctus chez les moins de 40 ans, ici, c’est tous les 10 jours. À Bordeaux, où j’ai travaillé précédemment, c’était un seul par mois. À la Réunion, c’est extrêmement banalisé, c’est très choquant. »

La Réunion est le département français le plus touché par les AVC et l’insuffisance cardiaque, et figure parmi ceux les plus concernés pour ce qui est des infarctus du myocarde. Quelles en sont les raisons ?

**De puissants facteurs de risque**

Le docteur Corré fait état d’une certaine négligence de l’hypertension au sein de la population. Dans le documentaire, il note des tensions très élevées, surtout à Salazie et Cilaos. La population présente une fragilité génétique, liée à son métissage, tant pour l’hypertension que pour le diabète, autant de facteurs de risque des maladies cardiovasculaires.

« À la Réunion, il existe des déserts médicaux un peu partout et les habitants, en raison de leur culture, n’ont pas la volonté d’être médicalisés », remarque également le docteur Jérôme Corré. « On constate que la culture du soin n’est pas la même. Les habitants attendent souvent le dernier moment pour venir. Comme cette patiente du documentaire qui hésite à quitter la salle d’attente bondée. Finalement, elle a attendu et elle a bien fait : elle était au bord de l’infarctus », ajoute Adrien Morcuende. D’autres facteurs défavorables, comme l’obésité, la sédentarité (légèrement plus prononcées qu’en métropole) et la consommation d’alcool, jouent également un rôle important.

**« Personne ne s’occupe d’eux »**

D’autre part, la population locale reste éloignée des initiatives de sensibilisation aux maladies cardiovasculaires. Le docteur Corré a donc contacté l’Agence régionale de santé pour lancer, pour la première fois, en septembre, le mois du cœur. « Il y a 60 actions de sensibilisation sur le territoire, deux marches du cœur, des conférences, des spots en français et en créole, des ateliers culinaires… c’est un niveau de prévention inédit », souligne-t-il.

Salazie est l’une des communes les plus touchées en France par l’hypertension, affectant entre 50 et 80 % de la population. « C’est incroyable ! Les consultations sont très rentables dans le sens où presque toute la population est hypertendue, commente le docteur Jérôme Corré. Et cela passe sous les radars, personne ne s’occupe d’eux. »

Il promeut trois messages de prévention : bouger tous les jours, réduire la consommation de sel et ne pas fumer. « De bonnes habitudes qui offrent 80 % de chances d’être en bonne santé. Ça vaut le coup ! »

En plus du parcours dans les cirques documenté dans le film, il ambitionne de multiplier les initiatives, notamment avec les médecins libéraux.

Il faudra attendre une dizaine d’années pour évaluer l’impact positif de ces actions de prévention sur la population, mais le Dr Corré s’investit déjà pleinement dans ce projet.