La psychologie à la télé : une bonne idée, pas vraiment ?
Le programme « Rendez-vous chez le psy », diffusé sur France 2 en octobre, a suscité des critiques de la part de plusieurs associations de praticiens en raison de son approche jugée « très parcellaire » de la profession. Albert Ciccone, président de Convergence des psychologues en lutte (CPL), a déploré que l’émission soit « très éloignée de la réalité » par rapport à la série En thérapie.
A peine diffusé, le nouveau programme « Rendez-vous chez le psy », présenté sur France 2 en ce début octobre à l’occasion des Semaines d’information sur la santé mentale, suscite déjà des critiques virulentes de plusieurs associations de professionnels de santé.
Décrit par France Télévisions comme « une plongée sans filtre dans la réalité d’une séance thérapeutique », ce format a été dénoncé par certains praticiens qui regrettent un aspect « téléréalité » et une « vision très parcellaire » de leur métier, rapporte Le Parisien.
Ces dernières années, les programmes liés à la psychologie et à la santé mentale se sont multipliés, allant des documentaires aux fictions. Parmi eux, la série En thérapie, diffusée en pleine pandémie de Covid en 2020, a marqué les esprits. La relation entre les psys et le petit écran semble oscillante entre attrait et répulsion.
Dans les années 1980, la journaliste Pascale Breugnot animait le « Psy-show » sur Antenne 2, qui s’inscrivait dans la lignée des reality shows. L’émission abordait les conflits de couple, avec des invités partageant leurs problèmes devant un public et un psychanalyste. Ce concept a suscité des indignations, même à l’Assemblée nationale, selon l’INA.
« C’étaient les premières émissions en France à mettre en scène l’analyse, la détresse et la solution par la psychologie », commente la sémiologue Virginie Spies, qui évoque une télévision très voyeuriste à l’époque.
Un autre type d’émission, présentée par Henry Chapier dans les années 1980, était « Le Divan », dans lequel il recevait des personnalités en suivant les codes de la psychanalyse, une initiative reprise par Marc-Olivier Fogiel en 2015.
Les décennies suivantes ont vu l’émergence de programmes axés sur l’intimité, explorant la souffrance des invités. Des émissions comme « Bas les masques » de Mireille Dumas, « Ça se discute » avec Jean-Luc Delarue sur France Télé, ou « Confessions intimes » sur TF1 incluaient des conseils de thérapeutes. Virginie Spies souligne que cela montre le pouvoir de la télévision, qui se positionne comme une éventuelle solution.
Au fil des années, les psychiatres ont également gagné en visibilité à la télévision, devenant des figures médiatiques, avec des intervenants récurrents tels que Gérard Miller, qui a récemment été mis en examen pour des viols et agressions sexuelles sur six femmes entre 2000 et 2020, dont trois viols sur mineures.
Récemment, le thème de la santé mentale a pris une place plus centrale dans le paysage médiatique, reflétant les préoccupations sociétales et politiques sur ce sujet, qui a été déclaré « grande cause nationale 2025 », tout en contribuant à lever certains tabous.
Au printemps dernier, M6 a par exemple diffusé un documentaire important où plusieurs personnalités, comme Florent Manaudou et Yannick Noah, partageaient leur expérience. Des initiatives ciblant les jeunes, comme « Psychotuto », sur la plateforme Lumni de France Télévisions, ont également été lancées.
Cette semaine, France 2 a franchi une étape en plaçant la thérapie au cœur de son émission inédite « Rendez-vous chez le psy », adaptée d’un format britannique de BBC One. L’émission, où de véritables patients et thérapeutes participent à des séances dans un cabinet reconstitué, vise à sensibiliser sur l’importance de la santé mentale et à banaliser la consultation d’un psy.
Cependant, Albert Ciccone, président de Convergence des psychologues en lutte (CPL), affirme qu’« à la différence de la série En thérapie, qui restituait fidèlement notre activité à travers une fiction, nous sommes ici très éloignés de la réalité ». Des préoccupations éthiques ont été soulevées, notamment concernant le secret professionnel, entraînant un signalement à l’Arcom. Certains spécialistes envisagent même « d’autres actions » potentielles, « y compris juridiques », contre cette émission.
Pour le psychologue et psychanalyste Michaël Stora, il serait pertinent d’expliquer les mécanismes de la psychothérapie à travers un documentaire, mais il reste sceptique quant à la capacité d’un programme télé à rendre compte de la réalité de la thérapie. « Cela reste une expérience très intime où chacun réagit différemment. Ce n’est pas un modèle, la psychologie n’est pas mathématique », indique-t-il, sans avoir vu le programme.
Renaud Rahard, directeur des programmes de Warner Bros, qui produit l’émission, a précisé lors de la conférence de presse qu’il s’agissait d’une « expérience » télévisée, distincte d’une véritable thérapie.
La fiction semble souvent mieux traiter la psychologie. Adaptée du format israélien Betipul de Hagai Levi par Éric Toledano et Olivier Nakache, En thérapie a captivé des millions de téléspectateurs sur Arte en 2020 et 2021. Hagai Levi a eu l’idée « d’une simplicité biblique, mais prodigieuse » d’utiliser « la séance psychanalytique comme cellule dramatique », selon le scénariste de l’adaptation française Vincent Poymiro.
D’autres séries, telles que Mental sur France.tv Slash, Everyone is Fucking Crazy sur Arte.tv, ou encore Empathie sur MyCanal, explorent également la santé mentale et la thérapie. Florence Longpré, créatrice de cette dernière, a souhaité décomplexer l’hôpital psychiatrique, souvent perçu de manière stigmatisante.
Pour Michaël Stora, la fiction peut « sublimer » la question du voyeurisme. Elle permet de donner une histoire riche aux patients, favorisant l’identification et abordant des sujets complexes avec plus de talent et de sensibilité qu’un documentaire.

