La prof condamnée pour avoir inventé des menaces de mort : « J’ai fait la plus grosse bêtise de mon existence »
Nadia K., enseignante au lycée Jean-Monnet de Libourne, a été condamnée à douze mois d’emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans pour « escroquerie faite au préjudice d’une personne publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public » et « dénonciation mensongère à une autorité judiciaire ou administrative entraînant des recherches inutiles ». Le tribunal a également prononcé une interdiction d’enseigner de cinq ans après avoir jugé cette sanction proportionnée aux faits reprochés.
Les gendarmes, la justice, le rectorat, ses collègues et les élèves se sentent trompés. Nadia K., enseignante au lycée Jean-Monnet de Libourne (Gironde), a présenté des excuses à de nombreuses personnes, tant physiques que morales, ce mardi, lors de l’ouverture de son audience en correctionnelle. Cette quadragénaire a reconnu, en garde à vue le 29 avril 2025, avoir envoyé elle-même un message sur le téléphone d’une élève de terminale, le 10 avril 2025, comportant des menaces de mort et de viol à son encontre.
L’enseignante avait déjà reçu trois lettres de menaces de mort à caractère raciste à partir de décembre 2023, où il était notamment mentionné de « l’égorger comme un cochon ». Elle affirme que ces lettres n’ont pas été écrites de sa main. S’agit-il d’une maladresse pour faire avancer l’enquête ou d’aveux incomplets ?
Cette femme, d’apparence frêle et à la santé fragile, n’a pas réussi à convaincre le tribunal correctionnel de Libourne, où elle comparaissait ce mardi. Elle était jugée pour « escroquerie faite au préjudice d’une personne publique ou d’un organisme chargé d’une mission de service public » et pour « dénonciation mensongère à une autorité judiciaire ou administrative entraînant des recherches inutiles » suite aux plaintes déposées après la découverte de trois courriers dans l’établissement le 4 décembre 2023, le 10 septembre 2024, le 12 novembre 2024 et le 23 avril 2025.
Nadia K. a été condamnée à douze mois d’emprisonnement avec sursis probatoire pendant deux ans. Cette décision a entraîné un malaise chez la prévenue à la barre. En plus d’être soumise à une obligation de soins, elle devra indemniser le rectorat, qui était partie civile, ainsi que payer une amende de 5 000 euros. Une audience sur les intérêts civils est prévue en décembre pour évaluer le préjudice du Trésor public.
Bien qu’elle ait été placée en arrêt maladie par son médecin et qu’elle ait bénéficié d’un maintien dérogatoire de son salaire, qui diminue normalement après trois mois, elle nie avoir agi pour obtenir cet avantage financier. « Je n’avais aucun intérêt à le faire, j’adore mon métier et je fais des heures supplémentaires », se défend-elle à la barre. « Je suis handicapée, j’aurais pu demander un aménagement de mon emploi du temps, si je l’avais voulu. »
« Je me souvenais un peu de ce qui était écrit dans les lettres, pour écrire le SMS et j’ai rajouté ce qui me passait par la tête », explique péniblement la quadragénaire. « J’avais juste envie qu’on ne lâche pas l’affaire. » Son avocat, qui a plaidé la relaxe, souligne que les enquêteurs insistaient sur le fait que la procédure serait close sans nouvel élément. « Je n’ai pas écrit ces trois lettres, insiste Nadia K. en conclusion de l’audience. J’ai fait la plus grosse bêtise de mon existence en écrivant ce SMS, et j’en suis sincèrement désolée. »
La présidente du tribunal, Laetitia Dautel, lui fait remarquer qu’en étant capable d’envoyer ce SMS, elle semble en mesure d’écrire les lettres. « J’étais à un point de non-retour », explique l’enseignante en pleurs lors de plusieurs moments de l’audience. Des experts graphologues sollicités au cours de l’enquête ont présenté des conclusions divergentes ; l’un validant des similitudes entre les lettres et l’écriture de la prévenue, tandis qu’un autre a relevé des différences notables. Elle soutient qu’à la suite d’un accident, elle est « incapable de tenir un stylo » de la main gauche, alors que les experts ont conclu que l’auteur, étant droitier, avait utilisé sa main gauche.
L’avocat de la prévenue, maître Séverin Dje, plaide : « Pourquoi choisirait-elle de commettre une infraction alors qu’il serait plus facile de demander un congé longue durée auquel elle a droit en raison de son handicap ? »
« Relancer une enquête en lançant une fausse piste, quel est le raisonnement ? », dénonce Loïs Raschel, procureur de la République de Libourne. Il a prononcé un réquisitoire très sévère, rappelant l’ampleur du dossier et les ressources déployées pour enquêter sur des menaces jugées très sérieuses. « Il a été déployé énormément de moyens », ajoute Guillaume Sapata, l’avocat du rectorat de Bordeaux, mentionnant même l’installation d’un système de vidéosurveillance devant sa salle de classe.
Le procureur estime que l’explication pourrait résider dans le profil psychologique de l’enseignante, qui avait peur d’être laissée pour compte, et qui aurait été « dépassée par ses paroles ». Elle aurait cherché à être au centre de l’attention. « Il peut y avoir un confort à se victimiser. » Dans son audition d’avril 2025, elle aurait même déclaré : « J’avais besoin que quelqu’un s’occupe de moi. »
« À chaque fois que l’on retrouve les courriers, vous êtes au lycée », indique, de manière pragmatique, la présidente du tribunal, soulignant également qu’aucun auteur n’a pu être identifié. La prévenue affirme alors qu’elle a « peur ». Selon le procureur, « ces messages sont liés à la présence de Nadia K. dans l’établissement. Quand elle n’est pas là, elle est contrainte d’utiliser un téléphone. Et il n’y a plus rien depuis son départ. » L’avocat de la prévenue, maître Séverin Dje, déplore le manque « d’éléments matériels de l’infraction » et le fait que l’on parte du principe qu’elle est « une menteuse ».
« C’est un fait grave d’affaiblir les justes causes », conclut gravement le procureur, rappelant que des professeurs ont récemment été pris pour cible dans l’actualité. « Je pense que c’est quelqu’un qui n’a rien à faire dans un établissement scolaire », estime le procureur, qui a requis une interdiction définitive d’enseigner. Le tribunal a considéré que cette sanction était disproportionnée, mais a condamné Nadia K. à cinq ans d’interdiction d’enseigner. La professeure a dix jours pour faire appel.

