France

La mairie de Saint-Ouen annonce un « congé menstruel », mais en a-t-elle le droit ?

L’annonce est tombée le 8 mars, journée internationale des droits des femmes. « Saint-Ouen, première ville de France à expérimenter le congé menstruel », disait le communiqué de presse de la ville de Seine-Saint-Denis. Mais au même moment ou presque, l’adjoint aux ressources humaines de la Ville de Paris faisait savoir que c’était impossible, selon lui, d’un point de vue législatif, alors que les écologistes ont déposé un vœu pour que la capitale expérimente « la mise en place d’un congé menstruel pour les agent.es de la Ville de Paris ne pouvant effectuer leur travail ». Qu’en est-il ?

Saint-Ouen a annoncé expérimenter un congé menstruel grâce au dispositif de l’autorisation spéciale d’absence (ASA). « Les agentes de la Ville auront la possibilité de poser jusqu’à deux journées de congés, d’aménager leur emploi du temps ou de travailler de chez elles, sans qu’aucune journée de carence ne leur soit décomptée. Pour cela, il suffira d’un certificat médical attestant de la maladie ou de règles douloureuses », explique la commune dans son communiqué.

Une impossibilité juridique ?

L’adjoint de la Ville aux ressources humaines, Antoine Guillou, explique que dans « le cadre législatif actuel le droit ne permet pas aux collectivités de définir elles-mêmes des congés ». Il fait référence à la loi de 2019 de transformation de la vie publique, dont la Ville de Paris a fait les frais, puisqu’elle a été contrainte d’augmenter le temps de travail de ses agents et agentes de 1.552 à 1.607 heures travaillées par an (en gros, d’appliquer vraiment les 35 heures), après avoir tenté sans succès de créer de nouveaux congés.

Antoine Guillou a aussi fait savoir qu’il était « tout à fait pour expérimenter » la mise en place d’un congé menstruel et qu’il comptait utiliser le Conseil de Paris « comme espace d’expression pour demander au gouvernement de faire évoluer les choses ».

Saint-Ouen « dans son bon droit »

Bonne nouvelle pour lui, la voie est déjà ouverte. Contacté par 20 Minutes, le cabinet de Stanislas Guerini, le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, fait savoir que « les autorisations spéciales d’absence existent et qu’il est possible d’élargir leur motif de telle sorte qu’une collectivité territoriale ou un employeur public puisse l’interpréter pour octroyer un congé menstruel ».

Précisément, ces autorisations spéciales d’absence doivent faire l’objet d’un décret, toujours pas sorti depuis 2019, et de discussions au printemps. En attendant, un employeur qui veut les utiliser pour créer une sorte de congé menstruel est « dans son bon droit », indique le cabinet du ministre. La Ville de Paris a donc le champ libre.

Une demande grandissante

Mais pour combien de temps ? Car le ministre de la Fonction publique lui n’est pas favorable au congé menstruel. « Nous pourrons mener cette réflexion sur un plan plus large, en tant qu’employeur public. Mais pour l’instant, ce n’est pas le chemin que nous souhaitons prendre. […] Créer un tel congé ne résout pas le problème des femmes, et pourrait même créer une inégalité lors du recrutement » a expliqué Stanislas Guerini dans une interview à Libération. Pas sûr donc que le décret qui va bientôt encadrer les autorisations spéciales d’absence ne soit très propice au congé menstruel…

La demande en faveur d’un tel congé semble en tout cas grandir en France. Deux tiers des salariées françaises y sont favorables, selon un sondage de l’Ifop publié en octobre. A Toulouse, une entreprise le propose à ses salariées, de même qu’au Parti socialiste, ou dans ce centre social à Redon. Le député écologiste Sébastien Peytavie planche sur le sujet avec ses collègues Marie-Charlotte Garin et Sandrine Rousseau. Mais l’idée divise, y compris au sein des associations féministes, Osez le féminisme craignant par exemple une augmentation des discriminations à l’embauche.