France

La Loire est-elle devenue trop transparente à cause de la corbicule ?

Apparue dans la Loire depuis les années 1970, la corbicule est aussi connue sous le nom de palourde asiatique. Elle est maintenant présente dans toutes les régions de France, et aussi mignon son nom puisse paraître, elle est classée comme « espèce exotique envahissante » par les scientifiques. « C’est une espèce qui colonise rapidement, elle pulule dans certains endroits de la Loire », explique Nicolas Poulet, chargé de mission recherche à l’Office français de la biodiversité. Elle serait apparue en voyageant sur les coques des bateaux, passant d’un canal de navigation à un autre : son introduction dans les fleuves français est d’origine humaine, mais involontaire.

Sa principale caractéristique : c’est une palourde filtreuse, c’est-à-dire qu’elle se nourrit de phytoplanctons et des matières en suspension, rendant ainsi l’eau du fleuve plus transparente. « La Loire a retrouvé une luminosité particulière dans certains secteurs », avance Emmanuel Leheurteux, responsable du programme lié aux espèces exotiques envahissantes au Conservatoire des espèces naturelles. Si cela peut être une bonne chose pour le développement de certains végétaux qui profitent des rayons du soleil réapparus, c’est le caractère envahissant de la corbicule qui pose problème.

Un écosystème « modifié »

Son importante capacité de filtrage pourrait entraîner la disparition d’autres espèces de mollusques : « Dans les endroits de la Loire où le fond est tapissé de corbicules, les larves d’autres espèces peuvent être ingérées pendant la filtration », détaille Emmanuel Leheurteux. Sa prolifération a entraîné « des changements structurels » du fleuve : au lieu d’avoir de la vase, on se retrouve avec des tapis de coquilles de corbicules. Ce mollusque a « modifié l’écosystème » du fleuve, renchérit Nicolas Poulet. La palourde asiatique mangeant des phytoplanctons, qui sont à la base de la chaîne alimentaire en eau douce, elle risque aussi de ne plus laisser assez de nutriments aux autres espèces animales du fleuve, en particulier les petits poissons. Et elle n’a pas à être inquiétée, puisqu’elle « se reproduit très rapidement et sans prédateurs », explique Emmanuel Leheurteux : elle peut produire jusqu’à 70.000 larves par an.

Pour autant, la corbicule est déjà tellement installée dans la Loire que rien ne peut être fait pour limiter son développement. Aucune étude scientifique ne s’est encore penchée sur les effets de sa colonisation. Les spécialistes réfléchissent selon des hypothèses : « La corbicule est peut-être en train de rééquilibrer l’écosystème de la Loire, qui a une charge eutrophique trop importante », avance Emmanuel Leheurteux. Depuis son arrivée dans les fleuves français, « on constate une amélioration des nutriments, des nitrates et de la matière organique présente dans l’eau », ajoute Nicolas Poulet. Rassurons-nous : la nature est bien faite. « L’écosystème s’adapte toujours », tempère-t-il.