France

La hausse des taxes dans l’aérien sonne-t-elle le glas des vols intérieurs ?

Les Français ne prennent plus l’avion, ou de moins en moins, pour se rendre dans une autre ville de notre beau pays, la France. Précisons la France métropolitaine. C’est un fait. Deux ans après la suppression de certains vols intérieurs courts, concurrencés par le TGV, le trafic aérien des vols intérieurs ne cesse de reculer. D’après les statistiques de la DGAC, 20,2 millions de passagers ont voyagé vers la France en 2024, soit une baisse de 20 % par rapport à 2019. Les départs depuis Paris vers la province ont accusé la plus forte baisse : l’an dernier, ils étaient 11,7 millions de passagers à embarquer dans un avion depuis Orly ou Roissy-Charles de Gaules, contre 16,3 millions en 2019.

Une chute vertigineuse pour les compagnies aériennes tandis que les vols vers l’étranger explosent. « Le nombre de vols domestiques est revenu au niveau de 1986 », a indiqué Bertrand Godinot, le directeur général d’EasyJet. Malheur. Il ne manquait plus que le gouvernement adopte une nouvelle fiscalité désavantageuse sur l’aviation.

« Cette fiscalité pénalise le tourisme français »

Cette semaine, dans une grande opération de lobbying, les professionnels du secteur, ont tour à tour, exprimé leur préoccupation quant à l’adoption de la nouvelle taxe de solidarité sur les billets d’avion. Pour rappel, la taxe est de 7,40 euros par billet pour les destinations européennes, contre 2,63 euros auparavant.

À l’occasion d’un état des lieux ce mardi 29 avril, la Fédération nationale des acteurs de l’aviation a relevé des « signes préoccupants de perte d’attractivité du marché français et de compétitivité pour les compagnies aériennes ». Conséquence pour la filière d’une « nouvelle hausse des coûts sur le transport aérien ».

Pour Pascal de Izaguirre, PDG du groupe Corsaire, cette taxe nie « l’utilité d’un secteur d’excellence pourtant indispensable à la société et à une économie française de plus en plus tournée vers le tourisme ».

Suppression de lignes régionales

Bertrand Godinot, lui, craint que cette fiscalité « pénalise le tourisme français » avec des billets internationaux « plus attractifs ». La compagnie qui dessert 21 villes françaises rappelle que ses lignes dites « transversales », reliant des capitales régionales, n’offrent pas « d’alternative rapide et abordable ».

L’entreprise britannique a, en conséquence, supprimé certaines destinations françaises pour l’été prochain, et musclé son offre vers l’international avec six nouvelles destinations proposées en 2025. Le groupe anticipe une activité en « décroissance de quelques pourcents » pour les vols domestiques.

Mais cette désertion du marché français n’est pas nouvelle pour la compagnie orange et blanche. Entre 2019 et 2024, EasyJet a perdu environ un million de sièges sur les vols domestiques et cessé de nombreuses lignes régionales comme Paris-Montpellier, Beauvais-Nice ou Biarritz-Paris. Dans une interview à nos confrères de Challenge, le groupe avait déclaré qu’il préférerait se concentrer sur « le maintien et le développement des lignes les plus prisées ». En particulier à l’étranger, vers des destinations dites « ensoleillées » comme l’Espagne, la Grèce ou le Portugal.

Volotea ne connaît pas la crise

De son côté, Volotea observe une dynamique inversée. Depuis sa création en 2012, la compagnie low-cost espagnole a fait de la France un axe fort de développement. Avec 68 destinations desservies dans l’Hexagone, la compagnie low-cost espagnole est devenue la numéro une en France, devant Air France (58 destinations en 2023).

L’an dernier, son offre de siège a bondi de 18 % par rapport à 2023. Sans communiquer de chiffres précis, Volotea assure que ses lignes domestiques affichent une « croissance soutenue », en particulier pour ses lignes régionales et en direction de la Corse. La compagnie a fait le choix de se concentrer sur la liaison de capitales régionales dont il n’existe pas (ou peu) d’alternative ferroviaire, « un segment historiquement sous-exploité », indique le service communication du groupe.

Les compagnies ont répercuté la taxe sur le prix des billets

Cette nouvelle taxe qui pourrait rapporter 800 millions d’euros à l’Etat va-t-elle rebuter les Français de voyager rapidement dans leur pays ? Hormis EasyJet qui a absorbé cette taxe, plusieurs compagnies aériennes (Air France, Volotea…) ont décidé de la répercuter sur leur client. Chez Volotea, des milliers de billets avaient déjà été réservés avant que la hausse de cette taxe ne soit présentée. La compagnie a notifié ses passagers concernés en expliquant l’évolution de la taxe. Et pour simplifier les démarches, elle a proposé de mettre en place un paiement automatique pour éviter à ses clients de s’en occuper eux-mêmes.

En mars dernier, le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot, avait émis des réserves à l’idée de pérenniser cette nouvelle fiscalité incluse dans le budget 2025. « On ne doit pas taxer certains secteurs qui rayonnent au niveau mondial », avait déclaré le ministre sur le plateau de BFMTV, en faisant allusion à la construction aéronautique (Airbus). Avant de rejoindre le gouvernement, Philippe Tabarot, alors sénateur, s’était opposé à la hausse de la taxation sur l’aérien.