« La faim était présentée comme temporaire »… Elliot raconte son endoctrinement dans le « pranisme »
«Quand j’étais en école d’art, j’étais connu pour ne manger qu’une pomme le midi », relate Elliot. Il y a quelques années, le jeune homme de 25 ans est tombé, avec ses parents, dans le « pranisme ». Cette croyance inspirée de l’hindouisme et parfois appelée le « respirianisme » affirme qu’il est possible de se nourrir de « prana », une énergie vitale qui serait présente partout.
Elliot découvre le pranisme à l’adolescence, en 2016. Sa mère lui montre des vidéos YouTube consacrées à ce sujet, notamment celles d’Alyna Rouelle, selon laquelle « se nourrir de lumière est possible ». Sur le site Breatharian World consacré au mode de vie pranique, la jeune femme prétend avoir passé « un mois entier sans manger ni boire, dans un état de grâce absolument total ».
« Elle racontait que le prana était le principe vital de toute chose, présent partout et que l’on avait été habitué à manger de la nourriture mais, qu’en réalité, on pouvait se nourrir de prana », se souvient Elliot. Petit à petit, Elliot et ses parents diminuent leur consommation de nourriture et essayent de se nourrir de l’univers. « On a commencé à moins manger, à sauter des repas. On essayait de se connecter au monde qui nous entourait et à sentir l’énergie qui nous nourrissait », explique-t-il, précisant qu’il a perdu environ cinq kilos à cette période. La famille se rend même à un stage d’une journée, organisé par Alyna Rouelle lors duquel elle expose son parcours et répond aux questions de la douzaine de participants.
« Je cuisinais pour les autres tout en me privant »
Après son baccalauréat, Elliot prend une année sabbatique lors de laquelle il aide sa mère dans son restaurant. Le jeune homme sert et cuisine, toujours dans un esprit de privation de nourriture. « C’était un peu ironique, je cuisinais pour les autres tout en me privant. Mais je voyais ça comme un test, voire comme un signe. […] J’avais faim mais tout était présenté comme temporaire. La faim était un état temporaire, avant de réussir à devenir vraiment pranique. La perte de poids, aussi. Et après, tout serait vraiment magnifique et merveilleux », témoigne-t-il.
D’après le rapport d’activité 2021 de la Miviludes, le mouvement pranique, créé en 1993 par l’Australienne Jasmuheen, aurait tué au moins sept personnes dans le monde. L’adepte continue à donner des conférences dans le monde entier et prétend vivre avec seulement 300 calories d’apport quotidien. Pourtant, lors d’un épisode de 60 Minutes, une émission australienne, la gourou a fait un jeûne de quatre jours devant les caméras et son état physique s’est considérablement dégradé, au point de frôler l’insuffisance rénale. Une expérience qui n’empêche pas Jasmuheen de continuer à prôner ce mode de vie, depuis sa villa au frigidaire toujours bien remplie, selon les médias australiens.
La pente des croyances new age
La dangerosité du pranisme n’échappe pas à Elliot, qui a commencé à s’y adonner lorsqu’il n’avait que 16 ans. « J’étais encore en croissance, c’était particulièrement dangereux pour moi, glisse-t-il. J’ai eu beaucoup de chance de ne pas développer de trouble du comportement alimentaire quand j’en suis sorti. Ce mode de pensée qui associe la privation de nourriture à quelque chose de pur, de sain, aurait pu rester. » Tout aussi progressivement qu’il est tombé dans le pranisme, Elliot est sorti de ce mode de vie en douceur. Petit à petit, il a recommencé à s’alimenter normalement, tout comme ses parents.
« Je n’en ai pas parlé à mes amis avant cette année parce que je suis gêné… C’est clairement n’importe quoi », s’esclaffe-t-il. Bercé par les croyances new age de sa mère, Elliot explique que la pente était déjà là, bien avant le pranisme. « C’est tellement énorme de dire qu’il est possible de ne pas manger du tout que si on n’est pas déjà un peu dans ces croyances-là, ça ne paraît pas du tout réaliste. Mais pour moi, au fond, le pranisme était en adéquation avec le reste de mon éducation », explique le jeune homme.
Ses parents croient notamment à la loi de l’attraction, selon laquelle on peut influencer sa vie en ayant des pensées positives ou négatives. Antivax, ils ont aussi toujours refusé de le faire vacciner, quelque chose qu’Elliot a pu corriger récemment, dans le secret. Si sa famille s’est aujourd’hui détachée du pranisme, après un tour du côté du crudivorisme qui consiste à ne se nourrir que d’aliments crus, le sujet reste toujours tabou. « J’ai déjà parlé avec ma mère de certaines croyances que j’ai abandonnées et elle était vraiment déçue. Je n’ai pas envie de remettre ce sujet sur le tapis », conclut-il.