« Juste quand c’est urgent »… Qui sont ces piétons « zombies » sur leur téléphone ?

En 2024, 27 % des piétons qui traversent la chaussée utilisent un « distracteur », un chiffre qui grimpe à 35 % chez les 18-35 ans. En 2024, 456 piétons ont été tués et plus de 17.000 ont été blessés.

De notre envoyé spécial à Zombie Land,

Ce jeudi soir d’automne, la nuit commençait à tomber sur Rennes avant même 18 heures. Installés sur un banc de la très fréquentée place de la République, nous avons pris le temps d’observer les passants qui traversaient cet axe souvent encombré par des bus, des taxis et des vélos. Notre objectif ? Identifier les « smombies ». Ce terme, issu de la contraction de « smartphone » et « zombie », désigne les personnes absorbées par leur téléphone en marchant. Toi, moi, eux, nous quoi.

Cependant, cette habitude n’est pas sans danger, surtout lors des traversées. Selon une enquête réalisée par l’Observatoire national interministériel de Sécurité routière (Onisr) en 2024, 27 % des piétons utilisant la chaussée le font en étant distraits. Ce chiffre atteint même 35 % chez les 18-35 ans.

Pour sensibiliser le public, la Sécurité routière a profité de Halloween en lançant une campagne au thème mort-vivant avec un message clair : « Quand vous traversez, ne regardez pas votre téléphone. » Diffusé depuis quelques jours, le clip a été visionné des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux. Pourtant, dans la rue, le constat est saisissant : les zombies sont bien présents. « J’ai vu que la route était bloquée par les bus et que je pouvais passer », affirme Antonio. Quelques secondes auparavant, ce jeune homme de 16 ans avait son regard fixé sur son téléphone au milieu de la rue. « C’est vrai que les gens, ils regardent tous leur écran. Moi, je ne le fais que quand c’est urgent. Là, on avait perdu nos amis. » Cela pouvait clairement attendre cinq secondes.

« J’ai bien regardé avant »

Peu auparavant, nous avions remarqué Adèle, en train de jongler habilement entre un message vocal, un coup d’œil intense à son écran et un nouveau vocal à l’oreille. « C’est vrai que j’étais assez concentrée sur ma discussion. J’ai bien regardé avant de traverser mais après, j’étais un peu happée. D’habitude, je fais vraiment attention. Mais là, je n’étais pas seule », témoigne la jeune femme de 19 ans. La responsabilité de surveiller la route incombait à son amie Manon, qui n’avait pas son téléphone en main à ce moment-là. « Mais ça m’arrive souvent de le faire moi aussi, surtout quand je suis seule. C’est vrai que ce n’est pas bien. Je regarde avant de m’engager, mais ça m’arrive de lire mes messages pendant que je traverse », confie la Rennaise.

Parmi les piétons interrogés, la plupart admettent jeter un œil à leur écran « de temps en temps ». Néanmoins, beaucoup affirment regarder avant de traverser, craignant d’être renversés. « J’ai déjà eu peur de me faire percuter. Avant de traverser, j’enlève toujours un écouteur pour entendre ce qu’il se passe », explique Devan, 16 ans. À ses côtés, Léna assure qu’elle regarde « toujours à gauche et à droite » avant de s’engager. « Je regarde le comportement des conducteurs pour voir s’ils m’ont vue. » Anthony, quant à lui, n’est pas aussi prudent et l’admet sans détour. « J’avoue, je fais pas trop gaffe quand je traverse. Je regarde vite fait mais c’est tout. Je me dis que les gens doivent me voir. »

« On ne se rend plus compte »

A y réfléchir, il apparaît souvent que ce sont des personnes seules qui ont les yeux rivés sur leur écran, même en marchant. Aux abords de la route, la plupart jettent un coup d’œil avant de traverser, puis retournent à leur conversation, souvent en plein milieu de la chaussée. « C’est parfois surprenant. Il y a des gens qui traversent sans même lever les yeux, surtout chez les jeunes. Il faut toujours anticiper », témoigne Pierre (prénom d’emprunt), chauffeur de bus du réseau Star. Il possède bien une clochette pour alerter les piétons, mais parfois « ils ne nous entendent même pas » avec leurs casques sur les oreilles. « Moi aussi, ça m’arrive de le faire quand je suis à pied. On est rapidement absorbés, on ne se rend plus compte de ce qu’il y a autour », reconnaît le conducteur. En Allemagne, des feux lumineux ont été installés au sol pour tenter d’alerter les accros.

Le danger est pourtant tangible. En 2024, 456 piétons ont perdu la vie et plus de 17 000 ont été blessés. Dans un tiers des accidents, le piéton décédé était « présumé responsable ou coresponsable », souligne la Sécurité routière. Dans deux tiers des cas, ils n’étaient pas en faute.

Chez les femmes, l’inattention est mise en avant dans près de la moitié des accidents mortels. Concernant les hommes, c’est encore et toujours l’alcool qui prédomine. Ainsi, pour Halloween, vous pouvez bien sûr vous déguiser en zombie. Mais restez vigilants, afin de rentrer sains et saufs.