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Jugé pour agression sexuelle, Donald Trump peut-il vaciller politiquement ?

« Ce verdict est une honte ! », a dénoncé Donald Trump après avoir été reconnu responsable d’agression sexuelle par un tribunal civil de New York mardi. L’ancien président a essuyé sa première condamnation judiciaire, alors qu’il est poursuivi dans plusieurs affaires allant de son rôle dans l’assaut du Capitole en 2021 au recel de documents classifiés. Son équipe de campagne a immédiatement déclaré qu’il fera appel de cette décision.

Mais cette première condamnation interroge sur l’avenir politique de l’ancien président des Etats-Unis, habitué aux scandales. Est-il le premier président américain à vivre ce type de déboires judiciaires ? A quelles réactions peut-on s’attendre des deux principaux partis politiques des Etats-Unis ? Et à quel avenir politique peut-il encore rêver ? 20 Minutes fait le point pour vous grâce à l’éclairage d’Olivier Richomme, maître de conférences en civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2.

Cette décision de justice est-elle exceptionnelle aux Etats-Unis ?

« C’est effectivement une décision exceptionnelle, ce n’est jamais arrivé. Mais c’est souvent le cas avec Donald Trump », souligne Olivier Richomme. En effet, la liste des affaires dans lesquelles l’ancien magnat de l’immobilier joue le pionnier s’avère particulièrement longue. Ce mardi, il a été reconnu responsable de l’agression sexuelle en 1996 de l’ancienne journaliste E. Jean Carroll, à qui il devra verser cinq millions de dollars de dommages-intérêts.

Fin mars déjà, Donald Trump était inculpé au pénal, notamment soupçonné d’avoir acheté le silence d’une actrice porno avec laquelle il aurait eu des relations sexuelles à l’approche des élections de 2016. En janvier 2021, il faisait face à une seconde procédure « d’impeachment » au Congrès.

Chaque fois, c’est une première pour un président – ou un ancien président – des Etats-Unis. « Dans beaucoup de cas, il est le premier de l’histoire des Etats-Unis. Il est unique en son genre », note l’enseignant-chercheur en civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2. Nouveauté après nouveauté, scandale après scandale, Donald Trump a toutefois su s’imposer dans le paysage politique américain. « Jusque-là, il n’avait jamais été reconnu coupable mais cet évènement s’inscrit dans une crise politique et identitaire des Etats-Unis qui dure depuis longtemps », note Olivier Richomme.

Comment les Républicains et les Démocrates pourraient-ils réagir ?

Comme à son habitude à chaque scandale, l’ancien président évoque une « persécution politique ». « L’interminable chasse aux sorcières du parti démocrate (…) atteint un nouveau palier aujourd’hui », a réagi son équipe de campagne mardi. Malgré ses déboires judiciaires, Donald Trump reste largement en tête des sondages pour la primaire des Républicains, 31 points devant son principal rival, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, d’après un sondage début avril de Yahoo News-YouGov. Or, cette popularité auprès des électeurs républicains lui assure un soutien tacite de son parti. « Sa base électorale est assez importante et, tant qu’elle le sera, les Républicains resteront derrière lui », analyse Olivier Richomme. Car depuis l’arrivée de cet électron libre dans la politique américaine, « le parti s’est progressivement trumpisé. Certains cadres des Républicains sont partis. Mais ceux qui restent ont peu de courage politique, ils n’oseront pas hausser le ton tant qu’électoralement il a l’air d’être en course ».

De leur côté, les Démocrates mettent en lumière les casseroles de Donald Trump depuis son arrivée sur l’échiquier politique. « Ils vont probablement essayer de capitaliser sur cette décision de justice. Mais il n’y a aucune certitude que cela fonctionne », souligne Olivier Richomme. « Chaque parti s’adresse à son type d’électeurs. La politique américaine est incroyablement polarisée. C’est comme des silos : les gens ne se parlent plus, ne consultent pas les mêmes médias, ne vivent pas dans les mêmes Etats », décrypte encore l’expert de la civilisation américaine. Dès 2016, Donald Trump était épinglé pour son sexisme comme dans une vidéo dans laquelle il affirmait que « quand vous êtes une star », les femmes « vous laissent tout faire » et « vous pouvez les attraper par la chatte ». Sept ans et une ribambelle de dérapages plus tard, « on imagine donc difficilement un électeur se réveiller aujourd’hui et estimer qu’il s’agit de la goutte d’eau », tranche Olivier Richomme.

La carrière politique de Donald Trump peut-elle être ruinée alors qu’il brigue un second mandat ?

« Ce qui caractérise la carrière politique de Donald Trump, c’est justement que rien ne semble l’atteindre ! Il est certain que ça ne l’empêchera pas de continuer sa campagne puisque rien ne l’en a empêché jusqu’ici », analyse Olivier Richomme. Plus surprenant encore, ses déboires judiciaires pourraient donner un nouveau souffle à sa campagne. « Quand il a été mis en examen par le procureur de Manhattan, il a décollé dans les sondages de la primaire Républicaine et sa levée de fonds aussi », illustre le spécialiste des Etats-Unis. « Avec Donald Trump, on est dans le monde à l’envers. N’importe quel autre candidat aurait depuis longtemps été mis sur la touche par tant d’affaires. Mais dans son cas, il est possible qu’il n’y ait aucune conséquence politique. Voire qu’elles soient positives pour lui avec plus de donateurs pour sa levée de fonds, par exemple », explique Olivier Richomme.

En France, une peine d’inéligibilité peut être prononcée pour une durée maximale de cinq ans en cas de délit et de dix ans en cas de crime. Aux Etats-Unis, les choses sont bien plus complexes. Qu’il s’agisse de son rôle dans l’assaut du Capitole du 6 janvier 2021, de la tentative d’entraver la présidentielle de 2020 en Géorgie ou du recel de documents gouvernementaux classifiés, toutes ces enquêtes sont fédérales. « Une peine d’inéligibilité paraît très peu probable. Il faudrait que ce soit un procès fédéral pour l’empêcher de se présenter à des élections fédérales », explique Olivier Richomme.

Pour le moment, le ministre de la Justice s’est refusé à attaquer Donald Trump sur sa participation dans l’assaut du Capitole. « Ça serait très risqué et ça ressemblerait beaucoup à une attaque politique », souligne l’expert des Etats-Unis avant d’ajouter : « C’est la question politique et le public qui décidera. » Et jusqu’ici, Donald Trump n’a cessé de jouir d’une grande popularité outre-Atlantique.