France

Journée mondiale du recyclage : Mais que deviennent vraiment nos déchets d’entreprise ?

C’est peut-être un des plus grands mystères de notre quotidien : le recyclage. Nous avons beau trier nos déchets chaque jour, savoir où ils vont après reste encore très flou. Une récente enquête du Guardian publiée en août montrait que le recyclage – notamment du plastique – était un mythe. Le journaliste y mettait en lumière un chiffre : sur les 8,3 milliards de tonnes de plastique produits mondialement, le taux de recyclage était seulement de 9 %. Seulement, tout ce qui n’est pas recyclé tombe dans une industrie obscure, celle des déchets. S’ils ne sont pas détruits sur place en Europe, les déchets sont envoyés en Asie trouver une nouvelle vie.

Mais pourquoi n’arrive-t-on pas à recycler l’ensemble de nos déchets – qui sont pourtant triés à la sueur du front de chaque Français au quotidien ? Prenons le cas des entreprises par exemple. En moyenne, d’après les chiffres de l’Ademe de 2018, la vie de bureau représente 2,4 millions de tonnes des déchets produits en France. Depuis 2016, les entreprises de plus de 20 salariés sont obligées de trier les papiers de bureaux. Et en 2018, de nouvelles catégories de déchets ont été ajoutées à ces obligations : les cartons, les plastiques et les canettes. Or, le taux de recyclage est bien loin des 100 %. Pour les canettes et les bouteilles plastiques, le chiffre est de 61 %, contre un taux de recyclage de 35 % pour les déchets papiers.

Un tri jamais parfait

Pour mieux comprendre où vont nos déchets, rendez-vous dans un centre de tri à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), où 20 Minutes a rencontré Constance Bachoud, directrice de l’innovation, de l’économie circulaire et de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) chez Tri-o Greenwishes. Cette entreprise sert en quelque sorte de conciergerie des déchets. « On prépare le travail pour les industriels du recyclage », résume Constance Bachoud. Si désormais les entreprises ont l’obligation de mettre en place le recyclage dans leurs locaux, le résultat n’est pas toujours parfait. « Même si les salariés le font au mieux, il y a toujours un petit mouchoir qui traîne et il faut absolument qu’on ait une séparation par matériaux ».

Dans ces 2.000 m2 d’entrepôt, les déchets sont collectés, pesés et triés. D’un côté, les bouteilles en plastique, de l’autre les canettes. Puis plus loin, les essuie-mains. Après le tri, les déchets forment une colonne de caisses palettes et une fois son nombre suffisant atteint, tout passe dans une machine d’Intelligence artificielle avec des bras robotiques. Après cela, tout est massifié et prend la forme vertigineuse d’une colonne d’un seul et même matériau. Puis, les déchets triés reprennent la route vers les usines de recyclage situées partout en France.

Le fléau du plastique

Alors pourquoi les taux de recyclage sont-ils encore si bas aujourd’hui ? « Sur les matières qui sont très vieilles et que nous connaissons depuis longtemps – le verre, le métal, le papier, le carton – le système de recyclage est très très bien rodé », explique Constance Bachoud. La bête noire du recyclage aujourd’hui reste le plastique qui existe sous différentes fonctions et formes. « La première utilité, en tout cas pour l’emballage, c’est de protéger un produit », cite la directrice de l’innovation. Or, certains emballages peuvent parfois mélanger différents types de plastique, ce qui rend le recyclage encore plus compliqué.

Prenons le cas des pots de yaourt. Dès qu’ils sont sécables, les emballages sont majoritairement fabriqués en polystyrène, un type de plastique différent des bouteilles par exemple. « Un premier défi, c’est que dès que ça arrive dans le centre de tri, ça va passer par un ensemble de machines. Le pot de yaourt est assez fragile, si tu le balances dans tous les sens, il va se casser. Comment tu vas récupérer ton pot de yaourt quand tu as des énormes machines ? Et est-ce qu’on est prêt à payer le fait de retrier derrière sachant qu’il y a quand même beaucoup de contraintes ? », questionne Constance Bachoud. Pour cette dernière, il reste encore de nombreux investissements à faire sur le plastique, qui représente « un grand challenge ». Si ce n’est le plus grand du recyclage aujourd’hui.

« Pousser la partie réglementaire »

Dans les prochaines années, la loi antigaspillage pour une économie circulaire – dit AGEC – risque toutefois de changer la donne. « Nous allons voir le développement du réemploi », se réjouit Constance Bachoud. En effet, depuis le 1er janvier 2023, les restaurants et la restauration rapide ne peuvent plus servir leur repas dans de la vaisselle jetable… ce qui pourrait à terme diminuer largement les déchets d’entreprise.

Mais pour diminuer l’impact environnemental des entreprises et leurs déchets au quotidien, Constance Bachoud prône également plus de cadres légaux. « Il faudrait pousser la partie réglementaire sur la question de la collecte, que les entreprises soient vraiment obligées de le faire ». Puis, des contrôles plus stricts pourraient également être mis en place au sein même des entreprises pour vérifier que tout le monde joue le jeu.

Et les industriels de l’agroalimentaire dans tout ça ? Pourraient-ils être obligés à l’avenir de développer des matériaux plus faciles à recycler ? Depuis quelques années, ils ont déjà l’obligation d’intégrer de plus en plus de matériaux recyclés. « En plus la France est soumise à une taxe plastique comme les autres pays européens sur le recyclage sur le plastique. Et comme le taux de recyclage sur le plastique n’est pas génial, la France a payé très cher », ajoute Constance Bachoud. Des conversations sont toujours en cours entre les deux secteurs. « Mais c’est très long », regrette notre interlocutrice.