Journée internationale de l’homme : infiltration des masculinistes en novembre.
Ce mercredi, certains sur les réseaux sociaux célèbrent la journée internationale de l’homme. Selon les données de la Drees, les hommes représentent les trois quarts des victimes de suicide, tandis que « 516 femmes de 15 à 19 ans sur 100.000 ont été hospitalisées en 2023 pour gestes auto-infligés (+ 46 % par rapport à 2017), plus de quatre fois le taux observé chez les hommes (113 sur 100.000) ».
Ce mercredi, certains utilisateurs des réseaux sociaux célèbrent la journée internationale de l’homme. Derrière ce terme neutre et un discours axé sur la santé masculine, cette date s’inscrit dans le cadre d’une stratégie des masculinistes : s’approprier le mois de novembre pour promouvoir leur propre agenda politique.
En 1999, Jerome Teelucksingh, un médecin de Trinité-et-Tobago, a contacté l’Unesco pour établir une journée dédiée à « supprimer l’image négative et stigmatisée associée aux hommes dans notre société ». Ce projet n’a entraîné qu’un échange de courriers et n’a jamais été validé par l’Assemblée générale des Nations Unies. Cependant, cette date a été récupérée par des mouvements masculinistes.
Le mois de novembre est également l’occasion de mobilisations. Parmi celles-ci, le mouvement « Movember », qui consiste à ne pas se raser afin de sensibiliser sur les cancers de la prostate et des testicules. « Movember partait probablement d’un bon sentiment, observe Stéphanie Lamy, chercheuse et militante féministe, notamment autrice de *La Terreur masculiniste*. Mais il a conduit à des revendications problématiques et prend une forme stéréotypée, centrée sur la virilité et le port de la barbe. » Plus récemment, des mouvements comme NoFap ou NoNutNovember, qui encouragent l’abstinence de masturbation pendant un mois, relayent également des discours masculinistes et sexistes, comme l’a souligné la chercheuse dans un article de blog l’année dernière.
Pour Stéphanie Lamy, ces initiatives visent à normaliser les discours masculinistes en réponse à ce qui est perçu comme des attaques des féministes : « Les hommes revendiquent cette journée comme s’il s’agissait d’un droit. » Les mouvements masculinistes tirent parti de « manipulation algorithmique pour promouvoir et légitimer leur discours » et accroître leur visibilité, avec des pages sur Wikipédia, des entrées sur le site journee-mondiale.fr, ainsi que quelques articles dans des grands médias. Cette année, le compte X Cerfia, récemment acquis par le fonds d’investissement de Pierre-Édouard Stérin, en est un exemple.
Des tactiques que la recherche regroupe sous le terme de « Normfare » (contraction de « norm » et « warfare ») ou d’astroturfing, que Stéphanie Lamy définit dans son livre *Agora Toxique* comme le fait de « faire croire à une mobilisation organique alors qu’elle est liée à une force dominante ». Même si les médias n’y prêtent pas d’intention, les masculinistes peuvent retourner la situation en affirmant que « personne ne parle de la santé des hommes ».
« C’est une vaste mobilisation pour faire passer la question des droits des hommes aux besoins des hommes, résume Stéphanie Lamy. Ces mouvements détournent les ressources par la captation de l’attention. » Une thèse défendue dès 2016 par le sociologue Michael Salter dans son article « Droits des hommes ou besoins des hommes ? Antiféminisme dans la promotion de la santé masculine en Australie (pays d’origine du Movember) » :
« Ce changement a donné lieu à une forme hybride d’activisme droit/santé, dans laquelle les statistiques de santé et les théories sociales légitiment des attaques contre le féminisme et les services pour les femmes. »
Le mois de novembre suit également le mois d’octobre rose, qui met l’accent sur la santé des femmes, et chevauche la « Orange Week », une campagne contre les violences de genre qui se déroule du 25 novembre au 10 décembre, avec le 25 étant la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Dans cette dynamique, certaines marques deviennent des complices de circonstance, « les entreprises étant particulièrement friandes de ce type d’initiatives pour promouvoir leurs produits ».
Pourquoi se concentrer sur la santé mentale ? « Il est difficile de prouver des discriminations contre les hommes de manière statistique, donc on se tourne vers la question de la santé, qui est plus audible », remarque Stéphanie Lamy, qui souligne également que les hommes ne sont pas immunisés face aux problèmes de santé mentale, en partie à cause « d’un discours sur la masculinité qui encourage à ne pas consulter un psychologue ou un psychiatre, par exemple ».
Les statistiques sur le suicide chez les hommes sont souvent citées. Certes, il est vrai que les hommes représentent les trois quarts des victimes de suicide, selon les données de la Drees, mais le nombre de tentatives chez les jeunes femmes a augmenté depuis 2017. « 516 femmes de 15 à 19 ans sur 100.000 ont été hospitalisées en 2023 pour des gestes auto-infligés (+ 46 % par rapport à 2017), soit plus de quatre fois le taux observé chez les hommes (113 sur 100.000) », indique un rapport de l’organisme. Quoi qu’il en soit, la vraie journée internationale de l’ONU ce mercredi, c’est celle des toilettes. N’y voyez aucune coïncidence.

