France

Journée de lutte contre le sida : « J’ai su que j’étais positif le jour de mes 18 ans », témoigne Georges

Georges* s’en souvient comme si c’était hier : il ne voulait pas retirer le préservatif. Mais son partenaire d’un soir insiste, se disant d’abord allergique au latex, avant de lui faire du chantage. « Tu ne me fais pas confiance ou quoi ? Bien sûr que je n’ai rien », lui lance-t-il. Georges a 17 ans. Son amant, 42. Le jeune homme finit par céder. « C’était la première fois que j’avais un rapport non protégé. Je me suis dit que la probabilité qu’il ait le sida était quand même très faible. »

Quinze jours plus tard, Georges commence à se sentir fiévreux. Il fait des études de biologie et sait ce que cela peut signifier. « J’ai eu peur. » Il décide alors de réaliser une prise de sang. Le jour de son anniversaire, le verdict tombe. « J’ai su le jour de mes 18 ans que j’étais positif au VIH. J’ai éclaté en sanglots. »

« J’ai passé un mois entier à pleurer dans mon lit »

Il contacte son ex-partenaire pour le prévenir. « Je voulais lui dire qu’il avait peut-être le VIH mais il m’a balancé  »je suis sûr que je n’ai rien, tu es en train de tout inventer ». » Le jeune homme plonge : « j’ai passé un mois entier à pleurer dans mon lit. Je ne mangeais plus. Je me sentais faible, détruit. » Un mal-être d’autant plus profond qu’il a appris que son ex-amant connaissait sa séropositivité au moment de leur relation. « Cela a été traumatisant. Le fait qu’une personne puisse décemment détruire la vie d’un jeune de 18 ans à peine m’était trop difficile à supporter. Donc j’ai essayé de lui trouver des excuses, je me suis dit qu’il n’avait sans doute pas fait exprès. »

Pour ne rien faciliter, à cette période, Georges habite dans son pays d’origine, le Liban, dans lequel l’homosexualité est pénalisée et les traitements contre le VIH difficilement accessibles. Le jeune homme cache ses résultats biologiques à ses parents et à ses amis. « J’avais peur qu’ils l’apprennent et que je devienne exclu de la société. » Grâce à sa tante, il parvient à se procurer son traitement, non remboursé, et commence une trithérapie. Rapidement, le VIH devient indétectable et n’est plus transmissible.

Côté professionnel, Georges le sait, il ne pourra pas devenir biologiste médical. Au Liban, la profession est interdite aux personnes séropositives. Alors il poursuit ses études, jusqu’à un doctorat, qu’il réalise en France, à l’âge de 23 ans. « Je me disais que j’avais raté ça (la contamination) dans ma vie et que maintenant il fallait que je réussisse. J’avais envie de prouver que j’étais fort. »

« Si je n’avais pas été contaminé, je n’aurais jamais eu le même parcours »

Très vite, le Libanais constate à quel point les traitements sont plus facilement accessibles dans l’Hexagone. Il se souvient d’une veille de réveillon de Noël où, à court de traitement, il a franchi la porte d’une pharmacie qui lui a refusé son traitement sans prescription d’un infectiologue. « J’ai paniqué, je me suis mis à pleurer et je suis allé au CHU. Là, l’infirmière a senti que j’avais vraiment très peur et elle m’a donné la boîte de médicaments et m’a fixé un rendez-vous. »

Pour en savoir plus sur la Sida

A plusieurs reprises, il a eu droit à des remarques violentes. « Une fois, un homme à qui j’avais refusé des avances m’a balancé  »qui veut coucher avec une personne séropositive comme toi, j’espère que tu vas crever bientôt ». » Depuis, George s’est construit un groupe d’amis auprès duquel il peut être lui-même. Tous sont au courant de son histoire. « Avec du recul, je pense que le VIH m’a poussé à me battre. J’ai un bac + 8, un doctorat, j’ai réussi un concours français très difficile que j’ai eu du premier coup. Si je n’avais pas été contaminé, je n’aurais jamais eu le même parcours. »