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JO de Paris 2024 : Pourquoi la seconde phase de vente des tickets devrait mieux éviter les polémiques

On a longtemps cherché une citation venue de la Grèce Antique pour coller au thème des JO, mais à défaut, voici du latin :  « Errare humanum est, perseverare diabolicum ». Comprendre pour les non-fans de Remus & Romulus : « L’erreur est humaine, mais persévérer dans l’erreur est diabolique ». Tant pis pour la cohérence historique et géographique, une poignée de millénaires plus tard, ce dicton sonne comme une mise en garde pour les Jeux olympiques de Paris 2024.

Ce mercredi, 499 jours très précisément avant la cérémonie d’ouverture, démarre la seconde phase de vente des Jeux olympiques, celles des billets individuels. Et pas question d’un nouveau couac, après une première étape – la vente des billets de groupe – qui a engendré bien des critiques. Dans un communiqué publié la semaine dernière, l’organisation des Jeux olympiques annonce que 3,25 millions de tickets se sont écoulés, dont 400.000 billets vendus à 24 euros et près de 70 % des places parties pour moins de 100 euros. Mais derrière ces chiffres qui sentent bon la réussite, une grosse polémique sur le prix des places, jugée trop chères pour 82 % des Français, selon un sondage Odoxa début mars.

Bis repetitia (oui, on a vraiment bossé notre latin pour l’article) à partir de mercredi ? A 20 Minutes, on pense que non. Et on vous donne quatre bonnes raisons pour ça.

Parce que le système de place individuel est plus simple

Et si le vrai problème de la première phase n’avait pas été le prix des billets mais ce système de pack sans queue ni tête ? En obligeant les acheteurs à se fader trois épreuves au lieu d’une, l’organisation des Jeux olympiques avait précipité les polémiques sur le prix, gonflé par des épreuves non désirées. C’est l’avis de Julien, 29 ans et résident à Paris, qui avait renoncé à la première phase de vente au vu des prix : « Payer 70 balles pour des épreuves d’équitation dont je me fiche complètement pour pouvoir avoir accès à l’escalade, non merci. Je préfère payer 200 euros pour seulement l’épreuve que je veux voir que payer 100 euros le pack de deux épreuves où je vais m’ennuyer à mourir ».

Même constat et combat chez Anthony, 30 piges et prêt à quitter son Montpellier natal pour la capitale l’été prochain, mais pas pour voir n’importe quoi : « Obliger à prendre certaines épreuves pour en avoir d’autres, c’était un non-sens ultime. Bien sûr qu’on est encore plus regardant sur les prix lorsqu’on nous prive de choix. En 2023, imposer des achats, c’était franchement décevant et anachronique ».

Au-delà de laisser le public prendre que ce qu’il veut, ces achats à l’unité ont un autre avantage logique. « L’achat d’un pack augmentait forcément le prix du panier final, on peut donc espérer des achats beaucoup moins chers avec des places seules », atteste Emmanuelle Bonnet Oulaldj, administratrice du Comité National Olympique et Sportif Français et de l’Agence Nationale du Sport.

Parce qu’il y a moins d’illusions sur les prix

En plus de ce système de pack peu pratique, la première phase a souffert « des errements de communication de l’organisation des Jeux olympiques, pointe Pierre Rondeau, économiste du sport. Depuis 2017, on nous vend des JO populaires et démocratiques, avec 600.000 personnes à la cérémonie d’ouverture, un marathon ouvert aux amateurs… A force, ça a joué sur l’inconscient collectif, qui ne s’imaginait que des places pas chères. »

« S’il y a un certain nombre de billets à 24 ou 49 euros, notamment sur les épreuves phares, cette seconde phase sera une réussite. Il ne faut pas donner l’impression que les bas tarifs sont réservés aux épreuves les plus impopulaires », estime quant à elle Emmanuelle Bonnet Ouladj.

Lancement de la billeterie pour les jeux olympiques de Paris 2024, le lundi 28 novembre dans le Salon Gustave Eiffel, Paris.
Lancement de la billeterie pour les jeux olympiques de Paris 2024, le lundi 28 novembre dans le Salon Gustave Eiffel, Paris. – Juliette AVOT/SIPA

Mais puisqu’un public avertit en vaut deux, Julie, 34 ans, se prépare à faire chauffer la carte bleue : « Je sais que les places seront chères, et j’ai très peu d’espoir de chopper une place à 24 euros. Mais tant pis, on ne vit les JO qu’une fois. » Le prix de certaines épreuves a déjà filtré. Comptez entre 50 et 180 euros pour une finale de tir à l’arc, de 45 à 2.700 euros pour assister à la cérémonie d’ouverture, 90 à 320 euros pour du handball, 125 à 980 euros pour la finale hommes du 100 mètres en athlétisme… Voilà, au moins vous ne pourrez pas jouer les surpris ou les déçus.

La première phase a servi de crash-test à pas mal d’illusion, notamment celle du tirage au sort. « C’est un mécanisme assez rare en France », rappelle Pierre Rondeau. D’habitude, lorsque la demande est supérieure à l’offre, on utilise deux autres manières de procédé : le « premier arrivé premier servi », par exemple dans les concerts des stars, et la vente aux enchères. « Dans ces deux cas, il y a moins de frustration, puisqu’on a été battu par plus rapide ou plus riche que nous. Avec le tirage au sort, il y a la joie d’avoir été sélectionné, puis la déception de tomber sur des prix hauts. C’est un ascenseur émotionnel important ». Mais après les multiples montagnes russes de la première phase, le public devrait avoir le cœur mieux accroché, et « savoir qu’être tiré au sort n’est pas synonyme que de bons prix ».

Parce qu’il y aura d’autres priorités

Côté cool, les résultats de la billetterie tomberont à partir du 11 mai, soit entre les traditionnels jours fériés et le retour des soirées ensoleillés, des apéros terrasses et des storys Instagram sunset lover en fond musical, ce qui devrait quelque peu apaiser les âmes et faire relativiser des places un peu chères pour les Jeux.

Côté moins cool, le printemps 2023 s’annonce comme « rouge » du côté de l’inflation, avec une hausse des prix généralement dans l’alimentation. Des tarifs explosifs dans les supermarchés qui devraient être prioritaires dans les critiques et les colères, reléguant la polémique sur le prix des Jeux olympiques, tout de même un peu moins importants dans la vie.

Parce que ce sont les Jeux olympiques, roh !

La première phase de vente a eu beau être jonchée de polémiques, tous les tickets ont trouvé preneurs, et en trois semaines seulement montre en main. Si les Français se sont plaints ou ont trouvé ça trop cher, ils y ont finalement mis le prix. Prix d’ailleurs pas si exorbitants au vu du contexte, selon Pierre Rondeau : « Le prix moyen d’une place pour les Jeux de Londres en 2012 était de 60 livres. Avec l’inflation et le taux de change, on tombe à peu près sur 90 euros, soit le prix moyen d’une place pour les Jeux 2024. »

Et puis les JO, « c’est une fois tous les quatre ans, la première fois en cent ans à Paris… Forcément ça a un coût, tout comme un match de phase finale en Ligue des champions, un concert de Beyoncé, etc. », liste le spécialiste. Ce qui est rare est cher, simple principe de base de l’économie de marché.

Les Jeux se doivent également d’être rentables, comme l’a réaffirmé Tony Estanguet, président du comité d’organisation de Paris 2024, tranchant enfin avec la communication 100 % JO populaire : « La vente de tickets est un programme clé dans le financement des Jeux. La billetterie [1,24 milliard d’euros budgétisés] compte pour un tiers dans nos revenus, c’est un enjeu stratégique ».

Tout va donc rouler pour cette seconde phase ? « Les billets trouveront preneurs », assure l’économiste du sport. Même si « avec une demande aussi forte, pour une offre limitée, il y avait forcément beaucoup de déçus. Tout le monde n’aura pas le bonheur d’avoir un ticket pour les Jeux. » La seconde phase ne contient qu’1,5 million de billets. Si elle devrait pouvoir contourner les polémiques, elle n’évitera pas les frustrations.