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JO de Paris 2024 : C’est quoi, être volontaire ? Tony Estanguet et trois postulants nous racontent pourquoi se lancer

Après la billetterie, une autre phase importante des Jeux olympiques 2024 s’ouvre mercredi avec le recrutement des volontaires. Une tâche colossale, puisqu’il s’agit d’engager 45.000 personnes, dont quelques milliers d’étrangers, pour des missions d’accueil, de transport, d’accompagnement des athlètes, d’aménagement des sites ou de distribution d’équipements. Dans un événement aussi gigantesque que les JO, il y en a pour tous les goûts et tous les profils. Seul prérequis : l’envie.

Lundi, à la veille de la conférence de presse de présentation du dispositif et de la plateforme dédiée aux candidatures, nous avons réuni Tony Estanguet et trois postulants : Patrick Larrieu, 64 ans, retraité de l’aéronautique venu de Bois-le-Roi (Seine-et-Marne) et habitué aux expériences de bénévolat en tout genre ; Laetitia Deniaux, 21 ans, habitante de Brétigny-sur-Orge (Essonne) et étudiante en Staps ; Jérémy Whyte, 29 ans, résidant à Paris et volontaire lors des JO 2016 à Rio. Pendant une demi-heure, ils ont échangé avec le président du Comité d’organisation sur leurs motivations et ce que représente ce rôle de volontaire.

Patrick, Laetitia, Jérémy, le patron des JO est là devant vous. Dites-lui, dites-nous, pourquoi voulez-vous être volontaire ?

Patrick Larrieu : Je suis un fan de sport depuis tout petit. J’ai déjà été volontaire, mais jamais sur les Jeux, et j’ai cette volonté de le faire depuis longtemps. Dès que Paris a eu les JO, je me suis dit « il faut y être ». Et comme il n’y avait aucune chance que ce soit en tant qu’athlète… (sourire)

Laetitia Deniaux : C’est un peu pareil pour moi, je regarde les Jeux depuis toujours, et quand on voit les volontaires à la télé on se dit qu’on aimerait bien être à leur place, au plus près des athlètes ou dans l’organisation. Ce sont eux qui font que tout se passe bien. Pour moi c’est ça, faire partie de cette grande organisation et contribuer à la réussite de l’événement. Je fais partie d’une association dans le milieu étudiant, j’ai pris une année de césure pour justement me consacrer à mon engagement bénévole.

Jérémy Whyte : Pour ma part j’ai déjà participé aux Jeux en 2016 à Rio en tant que volontaire. C’est un super souvenir, donc j’avais envie forcément de revenir sur le terrain. Je ne sais pas encore si ce sera possible en 2024 en fonction d’où je serai à ce moment-là, mais si j’en ai l’occasion je recommencerai sans hésiter.

Tony Estanguet : C’est vraiment chouette d’entendre cette énergie, cette envie. Il y aura sur ces Jeux des missions très différentes, et c’est aussi ça qui est sympa. C’est formateur. Les JO restent un événement hors norme, exceptionnel, on n’a pas forcément dans notre vie l’occasion de croiser toutes ces délégations, des personnalités de différents pays, des médias. Quand on est volontaire, on est au croisement de toutes ces populations qui cohabitent pendant les Jeux.

La motivation première, c’est voir ou aider ?

PL : Les deux ! C’est un tout, être dans cette ambiance générale. J’ai un long passé de bénévole, ce qui est beau est d’être au milieu de tout ça, voir des athlètes, participer, faire des rencontres.

LD : On a forcément envie de pouvoir à un moment donné être dans le stade et profiter du spectacle, même si on donne de notre temps et de notre énergie pour notre poste.

JW : Pour l’avoir déjà fait, c’est vrai que voir les épreuves sportives c’est du bonus, ça fait plaisir, mais ce qu’on vit sur place va au-delà du simple événement sportif. Il y a toute une ambiance autour. On fait partie d’une team de volontaires, on a vraiment cette sensation de travailler en équipe, il y a des relations fortes qui se créent, on partage nos expériences avec les autres. Même si on n’arrive pas forcément à être dans l’enceinte avec les yeux rivés sur la piste, on vit quand même des moments forts quand on est volontaires.

Le président de Paris 2024, Tony Estanguet, échange avec trois volontaires et notre journaliste au siège du comité d'organisation des Jeux olympiques, à Saint-Denis, le 20 mars 2023.
Le président de Paris 2024, Tony Estanguet, échange avec trois volontaires et notre journaliste au siège du comité d’organisation des Jeux olympiques, à Saint-Denis, le 20 mars 2023. – Olivier Juszczak / 20 Minutes

Tony, comment fait-on pour que chacun soit dans le rôle qui lui convient le mieux ?

TE : C’est la clé de la réussite. On a fixé à 45.000 le nombre de volontaires, ça peut paraître énorme mais c’est sensiblement moins que les éditions précédentes (70.000 à Londres, un peu plus à Tokyo). On pense qu’il est important que l’expérience de nos volontaires soit riche, intense. On a vu dans le passé des volontaires qui s’ennuient parce qu’ils sont trois pour une mission basique. C’est marrant un jour ou deux, et puis on se lasse. On a essayé d’affiner au maximum les missions pour que les volontaires vivent une expérience active et enrichissante. Il y aura beaucoup de demandes, et de nouveau sûrement des déçus parce qu’on ne pourra pas retenir tous les candidats, mais il vaut mieux faire ce choix pour qu’à la fin, ceux qui font partie du programme vivent une expérience très forte.

Qu’attendez-vous des volontaires ? On dit souvent qu’ils sont le « visage » des Jeux…

TE : Oui, ils contribuent réellement à la réussite de l’événement et font partie intégrante de l’aventure. Dans le monde du sport de manière générale, on doit beaucoup aux volontaires. Le sport français s’est construit grâce à eux, ces millions de volontaires qui tous les week-ends organisent des matchs, des rencontres pour tous les âges. Il est important qu’ils soient valorisés, reconnus et associés au plus grand événement sportif de la planète. Ils sont le visage des Jeux car souvent, la première personne sur qui on tombe quand on est un spectateur ou un athlète, c’est un volontaire. C’est important qu’il soit content d’être là, enthousiaste, motivé, qu’il sache aussi pourquoi il est là.

PL : Je reviens sur ce que vous disiez Tony, c’est vraiment important qu’on ait des missions et qu’on soit impliqués, qu’on n’ait pas de temps mort. Ce qui tue le plus le volontariat, c’est quand on est frustrés à la fin de la journée, qu’on a l’impression de ne pas avoir fait grand-chose. Ça m’est arrivé de passer 24 heures sur un parking, j’ai vu 40 voitures et rien de l’événement. Notre but, c’est de faire partie de l’événement. Si on vient là, c’est pour être utile aux autres. C’est important que chacun puisse s’impliquer au niveau qu’il souhaite et puisse en retirer aussi quelque chose pour lui.

Le mieux est-il de changer un peu chaque jour ou de se perfectionner dans une tâche bien précise ?

PL : Je viens d’être pris pour le championnat du monde para-athlétisme au mois de juillet [à Paris], ils ont une mission appelée « joker ». Vous n’avez pas de mission attitrée, vous êtes susceptibles de toutes les faire. C’est pour ce poste que je me suis inscrit, je trouve ça intéressant.

TE : Ça dépend vraiment des profils en fait. C’est pour ça qu’on a mis en place cette plateforme avec ce questionnaire, qui est assez long mais qui est une première étape pour mieux comprendre la personnalité, l’envie. En général, on sait à peu près ce qu’on veut faire. Il y a gens polyvalents, qui aiment toucher à tout, d’autres au contraire sont mieux dans une tâche précise, ils sont hyper perfectionnistes et veulent faire toujours la même chose. On doit être à l’écoute de ces différents profils. Ce sont aussi des générations différentes qui vont être ensemble, partager.

JW : A Rio, il y avait énormément de profils différents, déjà dans les langues parlées, pour ceux qui étaient en contact avec des personnes en lien avec le CIO ou les fédérations internationales. Certains savaient déjà ce que représente un événement de cette taille, pour d’autres l’olympisme était un monde inconnu. Il y a une multitude de missions différentes, mais je ne me souviens pas d’avoir croisé un bénévole qui n’était pas content de ce qu’il était en train de faire. Ça peut être parfois répétitif, mais sur le plan humain, les responsables des volontaires sont capables d’apporter un peu de variété, au jour le jour, pour faire en sorte que tout le monde passe un bon moment.

LD : On a vraiment tous des envies qui nous sont propres. Certains le font pour la rencontre, d’autres pour le partage, ou juste pour vivre l’émotion des Jeux. Je crois vraiment que tout le monde peut y trouver son compte. Au final, être dans cette organisation, au cœur des Jeux, on ne peut qu’être content et se sentir privilégié d’en faire partie.

C’est quoi votre rôle rêvé ?

LD : C’est compliqué parce qu’on ne peut pas imaginer l’ensemble des postes qui existent. Je travaille avec des personnes en situation de handicap, alors les Jeux paralympiques me font un peu plus rêver que les Jeux olympiques, déjà. Ce qui fait le plus envie est toujours de pouvoir partager des moments avec les athlètes, mais évidemment c’est le plus demandé et ça représentera la plus petite partie des volontaires. Moi mon but c’est faire en sorte que chaque athlète se sente bien, et ensuite être là pour les spectateurs. Ils prennent des places pour assister à un grand spectacle, et si on peut contribuer à ça, c’est génial.

TE : On a vraiment besoin de tout le monde. Quand on est volontaire, on est un maillon et on contribue à la réussite collective. C’est comme dans toutes les équipes de sport. Tout le monde ne peut pas faire la même chose, ce qui est important est de veiller à ce qu’il y ait suffisamment de partage et de préparation collective pour que les gens aient l’impression de faire partie de cette équipe qui va organiser les Jeux. Ça, c’est notre responsabilité, créer un collectif de 45.000 personnes. Ça ne va pas être simple mais il faut que les gens soient fiers d’en faire partie, quel que soit le rôle qui leur sera dévolu.

Tony Estanguet entouré de Jérémy Whyte (à gauche), Patrick Larrieu et Laetitia Denaux (à droite).
Tony Estanguet entouré de Jérémy Whyte (à gauche), Patrick Larrieu et Laetitia Denaux (à droite). – Olivier Juszczak / 20 Minutes

Il y a un vrai parallèle avec le sport, alors ?

JW : C’est clair que ça demande de l’investissement de la première à la dernière minute. De toute façon, on a envie d’être là. Comme les athlètes, ça leur a demandé énormément de travail pour être aux Jeux. Pour nous, ce n’est peut-être pas comparable, mais comme disait Laetitia, on a passé tout un processus de recrutement, on a envie de remplir notre mission du mieux possible. On a aussi conscience que le comité d’organisation, qui bosse sur l’événement depuis six, sept ans, a besoin de nous pour achever sa mission. Tous ces gens comptent sur nous. On ne se met pas une pression mais on a quand même des responsabilités.

PL : Oui, c’est un vrai engagement. Là ce sont les JO en plus donc c’est décuplé. Mais le volontariat, dans n’importe quelle association, est un vrai engagement. On est au service des autres.

TE : Et nous on a conscience de ça. Ça m’a toujours marqué dans ma carrière d’athlète. Lors de ma première expérience aux JO de Sydney [2000], j’avais 22 ans, je débarquais en Australie, je ne parlais pas très bien anglais, ce n’était pas simple. On est dans une compétition où on ne maîtrise pas du tout les codes, ce gigantisme… Des volontaires m’ont aidé à me repérer, savoir où on avait accès au matériel, les zones médias, les contrôles anti-dopage, etc. Les Jeux peuvent être stressants quand on est athlète, et avoir des volontaires qui sont contents d’être là, calmes, ça fait du bien. Le sport de compétition n’existerait pas s’il n’y avait pas tous ces volontaires, ce tissu associatif qui joue ce rôle.

PL : Je crois qu’il y a trois millions de volontaires en France…

TE : Oui c’est ça. Trois millions de volontaires, des millions de manifestations sportives organisées chaque année grâce à eux. Il faut qu’on arrive à associer celles et ceux qui sont impliqués depuis longtemps et qui rêvent de vivre un jour l’expérience olympique. On a envie de les « récompenser », tout en donnant aussi envie à ceux qui n’ont jamais vécu ça de s’engager dans cette voie. Ils vont apporter un regard frais, nouveau. C’est un équilibre à trouver dans le recrutement, on va s’attacher à ça.

Quel impact peuvent avoir ces JO sur la culture du volontariat en France ?

LD : J’ai l’impression que quand on entre dans le monde du volontariat ou du bénévolat, on y reste toute sa vie. Les JO sont l’occasion de faire venir de nouvelles personnes, et un événement comme ça va leur donner envie de continuer j’espère. On parle d’épuisement du nombre de bénévoles et de volontaires en France, ça peut relancer une énorme dynamique et être bénéfique pour le monde sportif après. On parle beaucoup de l’héritage des Jeux, ça doit en faire partie.

JW : Je suis tout à fait d’accord. Les JO 2016 étaient ma première expérience, et en revenant en France je me suis proposé pour différents événements. Et j’y allais avec envie parce que je savais déjà ce que c’était et ce que ça pouvait m’apporter. Ça a toujours été de super expériences au final.