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Jeux paralympiques de Paris 2024 : « Je repousse mes limites en concourant avec les valides », estime Dorian Foulon

Champion olympique, double champion du monde, chevalier de la Légion d’honneur… On continue ? A 24 ans, Dorian Foulon a un palmarès déjà plus que sympa. Et le paracycliste n’est qu’au début de son règne, puisqu’il a n’a qu’une envie : collecter les médailles aux Jeux paralympiques de Paris, en 2024, devant tous ses proches. Maître de la poursuite individuelle, il ambitionne également de monter sur la boîte lors des épreuves sur route.

Mais l’un des grands objectifs de Dorian Foulon est également de remporter un jour une grande course amateur chez les valides. Oui, car le bonhomme, né avec un pied bot qui lui fait perdre une perte de puissance de sa jambe gauche de 50 % environ, a l’habitude depuis longtemps de courir chez les valides. Et, à terme, on pourrait même le voir aux Jeux olympiques et paralympiques. Une machine, on vous a dit.

Avec cinq médailles, et deux titres, lors des Mondiaux à Saint-Quentin-en-Yvelines, vous avez bien pris vos marques en vue des Jeux olympiques, qui auront lieu dans le même vélodrome…

Oui, ça s’est super bien passé, même mieux que ce que j’imaginais. C’était un peu une répétition grandeur nature un an et demi avant les Jeux. C’était aussi la première fois que mes proches pouvaient se rendre à une grande compétition, j’ai pris mes repères, comme tous mes adversaires, mais surtout prendre l’ascendant mental sur eux. C’était un peu une semaine inoubliable, je ne comprenais pas tout ce qui se passait, car je n’avais pas prévu tous ces résultats.

Est-ce qu’il y a une pression supplémentaire quand on est invaincu en poursuite individuelle ?

Depuis mon premier titre de champion du monde, en 2020, je n’ai jamais été battu. C’est vrai que c’est une pression. Déjà, lors des Mondiaux à Paris, je l’avais car j’étais champion du monde, champion olympique, recordman du monde de la discipline, j’étais chez moi. Donc j’étais très attendu. C’est sûr que c’est dur à gérer, mais j’ai la chance d’être bien encadré et je relativise. Je prends du plaisir avant tout et j’essaie de minimiser l’événement. Une poursuite, c’est un peu toi contre toi-même, même si t’as un adversaire en face, c’est face au chrono que tu te bats. Comme j’ai des repères, j’ai quand même un peu d’avance sur mes adversaires, même si, aujourd’hui, je suis une cible. Leur but, c’est de me battre. Le mien, c’est de repousser mes propres limites pour viser le sommet et essayer de battre mon record du monde.

Est-ce que vous êtes focus sur la piste à un an et demi des Jeux ?

En fait, aux championnats du monde de cyclisme, qui auront lieu en Ecosse fin août, il y aura toutes les disciplines qui seront regroupées au même lieu, que ça soit valide ou handisport, piste ou route. Donc, moi, je vais avoir la piste la première semaine, et la route, la deuxième. C’est le même format que les Jeux, donc encore une répétition grandeur nature. Mon but, c’est de rester au même niveau sur la piste, tout en essayant de venir chercher des podiums, voir même la plus belle des médailles, sur la route.

Comment conciliez-vous les deux ?

C’est toute une gestion. Dans une saison plus ou moins normale, la piste c’est en hiver, et de février à septembre, c’est la route. Comme, avec les Jeux, tout est regroupé ensemble, la préparation est assez complexe. Mais, aujourd’hui, il faut savoir que la poursuite, qui est sur 4 km, se rapproche beaucoup du contre-la-montre, même si ce n’est pas le même temps d’effort et que certaines choses changent, on peut quand même travailler les deux. Par contre, sur une discipline comme la course en ligne où il va y avoir une distance beaucoup plus longue, ça demande un travail de fond, donc ça empiète un peu sur les deux.

Quel est votre objectif de médailles pour les Jeux de Paris ?

Aux Jeux paralympiques, il n’y aura pas le même nombre de médailles qu’au championnat du monde. Il y aura la poursuite et le kilomètre, c’est tout. Le kilomètre, je ne sais pas vraiment encore si je le ferai, car il y a des spécialistes. Et, si je fais une médaille aux Mondiaux, c’est parce qu’il manquait un spécialiste. Est-ce que ça vaut vraiment le coup de faire cette épreuve en ayant peu de chance de médailles et empiéter sur la route, en accumulant de la fatigue ? Mon objectif, c’est vraiment la poursuite individuelle, pour garder mon titre, essayer d’aller chercher l’or sur le contre-la-montre sur route et chercher un podium sur la course en ligne. Donc, mon objectif ambitieux, c’est trois médailles.

Est-ce que vous arrivez à vous projeter sur ces Jeux à Paris ?

C’est quelque chose d’énorme. Déjà, de participer à des Jeux, c’est le projet d’une vie, et tout le monde ne peut pas le réaliser. Alors, en tant qu’athlète, d’avoir la possibilité de participer à des Jeux au sein de son pays, c’est quelque chose d’incroyable, et c’est pour ça que je ne veux pas les rater, car ça arrive tous les cent ans. Je vais être dans la force de l’âge à ce moment là, donc je me mets un peu de pression, mais il y a tout qui est rassemblé pour que je performe.

J’ai vécu les Jeux de Tokyo sans mes proches et mon staff, donc ça a été très dur à vivre. Donc j’ai hâte de leur rendre la pareille et de vivre ces émotions à leurs côtés à Paris. On aura une foule de spectateurs et nous, athlètes paralympiques, on n’a pas la chance de souvent vivre ça. Même pour des Mondiaux, c’est presque vide. Là, je sais que ça sera pas vide, et ça va me booster. »

Vous vous imaginez déjà chanter La Marseillaise après un titre en poursuite ?

On l’imagine quand même un peu, le soir, quand tu cogites. Mais, si ça arrive, je ne sais pas si je serai en capacité de la chanter. Déjà qu’en étant tout seul, à l’autre bout du monde, c’était difficile de la finir, là, ça serait quelque chose d’inoubliable. Mais je fais tout pour y arriver et atteindre mes rêves. Le travail finit toujours par payer.

Vous courrez aussi avec les valides. Qu’est-ce que cela vous apporte ?

De base, je suis né avec un pied bot, et j’ai commencé par un parcours valide, je n’avais pas connaissance de ce milieu de l’handisport. Donc, jusqu’à cadet, j’étais avec les valides, avec des résultats. Et c’est comme ça que j’ai été repéré, qu’on m’a parlé du projet Tokyo, avec l’intégration au pôle espoirs de paracyclisme. J’ai toujours voulu, et eu l’ambition, de passer le rang professionnel, car c’était mon rêve de gamin. J’ai fait de mon handicap une force. Du coup, quand je suis avec les valides, ça me met “en difficulté”, mais ça me permet aussi de repousser mes limites et de continuer à progresser avec un niveau supérieur. C’est pour ça que je veux courir avec les valides, c’est mon choix. J’ai eu la chance de participer au Tour de l’Avenir en 2019, qui est un mini Tour de France, et j’ai été le premier paralympique à le faire. Mais dans ma catégorie, certains étrangers sont professionnels chez les valides en Continental (3e catégorie).

Est-ce que vous avez toujours pour ambition de signer pro dans une équipe valide ?

Cela a été le cas l’année dernière, après Tokyo, car je voulais me consacrer aux valides. Sauf que j’ai eu plusieurs soucis dans ma vie d’athlète, avec six mois très compliqués, donc je n’ai pas pu exprimer mon plein potentiel. Et, aujourd’hui, mon objectif, c’est Paris 2024 et je ne veux pas passer à côté. Après Paris, pourquoi pas, mais les professionnels qui performant chez les valides sont de plus en plus jeunes. Et moi, j’aurai 26 ans, et ça commence à devenir un peu âgé pour devenir pro. Mais je ne ferme pas de porte. Et je continuerai à courir chez les valides. Mon rêve, c’est toujours de gagner une grosse course en amateurs. J’ai déjà fait des top 5, il faut toujours y croire.

Dans le peloton des valides, quelle est la réaction des coureurs en vous voyant ?

Quand j’étais plus jeune, le regard était un peu compliqué. Certains me disaient que je n’étais pas handicapé car je les battais. Donc il y a eu une période où j’ai voulu cacher mon handicap. Et quand j’ai commencé à performer en handisport, à partir de 2016-2017, les gens ont commencé à comprendre et prenaient conscience de ce handicap. Et là, j’ai eu droit à des réflexions du genre : « Heureusement que tu n’as pas deux jambes comme nous, sinon tu nous exploserais. » Le regard a changé, et je suis indirectement fier de ça. Les gens sont donc plutôt admiratifs de ça.

Vous courrez chez les valides sur route, le gap est-il trop important pour que vous fassiez de même sur piste ?

Aujourd’hui, je suis dans le top 8 français en poursuite individuelle chez les valides. Et j’ai cette ambition un peu secrète de faire la poursuite par équipes. J’ai déjà eu la chance de faire un stage avec l’équipe de France il y a un an de ça et, aujourd’hui, ils me suivent, je peux les intéresser. Paris, c’est trop proche, Mais à Los Angeles pourquoi pas, si je suis encore performant et qu’il y a des places qui s’ouvrent, mon ambition serait de participer aux Jeux olympiques et Jeux paralympiques. Il y a cette possibilité, je travaille pour, il faudrait que je descende mon temps pour pouvoir intégrer ce collectif.

Avec les opérations que vous avez eues à la naissance, est-ce que cela se travaille pour récupérer de la puissance dans votre jambe gauche ?

J’ai fait beaucoup de proprioceptions, déjà pour une question d’équilibre. Après, travailler sur une seule jambe, ça m’arrive, mais je ne pourrai jamais combler cette différence entre les deux jambes. Je n’arrive même pas à la diminuer. En s’entraînant, la différence entre les deux jambes s’est agrandie. Le problème des releveurs fait que je ne pourrai jamais compenser ce handicap.

Il y a un travail spécifique pour faire travailler le maximum de muscles. Je suis suivi à ce niveau-là, j’ai un suivi aussi podologique pour avoir des chaussures sur mesure, moulées à mon pied chez un artisan, car j’ai cinq pointures de différence entre les deux pieds. J’ai tout un réglage avec des cales. Si je me mets assis sur un vélo comme un cycliste traditionnel, mon genou part complètement à l’extérieur, donc le bassin aussi. »

Quelle structure vous accompagne aujourd’hui ?

J’ai intégré le pôle espoir de paracyclisme, une structure de la Fédération française de handisport. J’y suis resté jusqu’à Tokyo. Maintenant, je suis dans un pôle au Pays basque, dans une région top pour faire du vélo, dans une maison louée par la Fédération, où j’ai aussi pu suivre mes études en parallèle. Maintenant je suis aussi à l’Armée des champions, au bataillon de Joinville et j’ai cette chance de pouvoir être rémunéré et être déchargé à 100 % pour la pratique de mon sport. Et, dernièrement, j’ai intégré des teams, comme le team EDF pour me préparer au mieux. Ce sont des partenaires privés qui vont me soutenir et me financer notamment des stages de préparation à l’étranger, qui sont nombreux.