France

Jérôme Commandeur livre les six commandements d’une parodie réussie

«The Voice », « Qui veut être mon associé ? », mais aussi les documentaires Netflix, « La Cuisine des mousquetaires » ou les bandes-annonces de films d’auteur… Jérôme Commandeur brasse large dans les programmes qu’il parodie au fil des huit épisodes de son « Monde magique » lancé ce mercredi à 21 heures sur Canal+. A chaque fois, le résultat est hilarant tant l’humoriste, comédien et réalisateur sait viser juste en trouvant le bon dosage entre l’absurde et l’exagération. Un savoir-faire dont il a le secret que 20 Minutes a cherché à percer… Voici, selon Jérôme Commandeur, les six commandements d’une parodie réussie.

Un amour de la parodie tu auras

« Quand on me dit « parodie », je pense à celle des « Dossiers de l’écran » par le Splendid dans Papy fait de la résistance, aux Nuls, aux Inconnus, au Palma Show… Je pense aussi à Il Trio, qui sont les Inconnus italiens. Ma famille est italienne, quand j’étais gamin et qu’on regardait là-bas leurs shows à la télé, je me roulais par terre. La parodie, j’adore ça. Dès que j’ai un coup de mou, j’en regarde, comme celle de « Cinéma cinémas » avec le « bouleversifiant » et Didier Bourdon en Toscan du Plantier… Je m’étais dit que, si un jour je devais proposer quelque chose à une chaîne, ce serait de la parodie. Je suis allé voir Maxime Saada [le président du directoire du groupe] à Canal+ , je lui ai raconté ce que je voulais faire et il a été convaincu tout de suite, je crois. »

A parler à toutes les générations tu chercheras

« J’aimais bien l’idée, un peu à l’ancienne, de récurrence, qui a un peu disparu. Aujourd’hui, en général, on a tendance à voir des soirées spéciales avec des humoristes en un seul prime time. J’ai voulu proposer un rendez-vous avec deux épisodes par semaine. 26 minutes par épisode, c’est assez agréable à regarder. Je voulais parler à tout le monde. Dans les années 1980 et 1990, je regardais « Champs Elysées » et « Surprise sur prise » avec mes parents et ma sœur. J’aimerais que l’émission soit regardée comme à cette époque-là. Rien ne me ferait plus plaisir que de croiser, après la diffusion, une famille me disant « On a suivi Le Monde magique… avec les gamins et les grands-parents pendant les fêtes ». Pour les thèmes et les programmes parodiés, je voulais me faire plaisir. Je me suis dit qu’il fallait du grand public et ce que j’appelle du « au fond du couloir à droite », c’est-à-dire qui n’est pas forcément connu de tous ou, du moins, qui n’est pas un truc immédiat. Je pense notamment aux call quiz du samedi et du dimanche matin sur M6 où les gens appellent pour reconstituer un puzzle en répondant à des questions. »

Des personnalités variées tu inviteras

« Pour les guests, conviés à jouer dans les parodies, j’ai voulu balayer large. Cela va de Lena Situations à Thierry Lhermitte en passant par Panayotis Pascot, Alison Wheeler, Karin Viard, Pio Marmaï ou Guillaume Gallienne. J’étais un peu comme un gamin dans un magasin de jouets. J’aimerais tourner avec tous ceux qui font une apparition. Il y a aussi Laurent Delahousse qui rend un joli hommage à Yves Mourousi, dont il était très fan. Sur le tournage, j’avais l’impression d’avoir ma maison de poupées. »

Le bon ton tu trouveras

« Où placer le curseur pour que la parodie soit drôle et pertinente ? Je pourrais dire « Je n’en sais rien » mais aussi répondre pendant deux heures. C’est tout le travail. Je ne suis pas imitateur. Je ne me suis jamais mis devant un miroir ou un magnéto pour essayer de régler ma voix. C’est plus une question de « climat » : la déco, les costumes, les tics de langage, les respirations. Une parodie réussie, c’est gracieux. J’adore cette phrase : « La baraka fait partie de la bonne gestion », c’est-à-dire que tu as beau avoir tout prévu, si là-haut ça ne veut pas t’aider un peu, ça ne marche pas… Il faut être dans le fluo acceptable, dans le ni trop ni trop peu. Sur tous les tournages que j’ai faits en tant que réalisateur ou comédien il y a toujours quelqu’un qui, à un moment, dit : « Mais non, ça on ne le ferait pas dans la vraie vie » et quelqu’un qui lui répond « Oui, mais on n’est pas dans la vraie vie ». Et au final, la réponse, c’est « On est au service du film ». Là c’est pareil, on est au service de la parodie. Si on reproduit l’émission stricto sensu, ça ne marche pas, et si on la décale trop en en faisant des caisses, ça ne marche pas non plus. Il faut tâtonner. »

De limites, tu ne te mettras pas obligatoirement

« Quand je travaille sur un one man show, il m’arrive de me dire « Tu ne peux pas écrire ça, c’est pas possible, les gens vont trouver ça dégueulasse. » Et puis finalement, au milieu d’un spectacle, une petite goutte de ça, qui, à froid, sur un papier, fait un peu cru, va très bien passer devant 2.000 personnes. A Europe 1, [où il livrait des chroniques humoristiques dans la matinale] on me disait toujours « Fais gaffe, les gens ont la tête dans leur tartine, tu ne peux pas faire n’importe quoi ». Ce n’est pas qu’une question de liberté de ton, c’est une question de code, il faut prendre le rond-point dans le bon sens. Dans l’assemblage des épisodes, on montre des choses dans les épisodes 6 et 7 que l’on n’aurait pas mises dans le premier épisode. Il faut que le téléspectateur soit un peu aguerri à ce que l’on parodie et à la manière dont on le fait. Je dis souvent ce n’est pas parce qu’une vieille dame à envie de s’encanailler qu’on arrive chez elle en mettant les pieds sur la table. »

Ce qui ne sera pas drôle, tu jetteras

« On a tourné des parodies qui n’ont pas marché, mais je ne dirais pas lesquelles ni en quoi elles consistaient. Elles ne figurent pas dans le montage final. On n’en a pas jeté beaucoup – heureusement comme je produis l’émission, ça m’aurait embêté. C’est inexplicable. Tu y vas la fleur au fusil, tu es content de tes invités, de ton scénario, de tes décors, tu tournes la séquence, tu la montes, tu la regardes et tu constates que ça ne le fait pas et tu serais presque incapable de dire pourquoi. C’est tout ce qui fait la magie du truc. »