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« Je ne pouvais plus me lever, me laver, manger ou parler »… L’humoriste Constance revient sur sa dépression

«J’avais l’impression d’être coincée dans de la boue et que les gens me marchaient dessus. » Voilà comment l’humoriste Constance parle de son burn-out puis de sa dépression dans le documentaire « Santé mentale – Briser le tabou », diffusé ce mardi soir sur M6. Dans ce film, plusieurs personnalités, comme Florent Manaudou et Yannick Noah, évoquent leurs troubles psy face caméra.

Constance avait déjà évoqué sa dépression à l’antenne de France Inter en novembre 2022, après de longs mois d’absence pour cause d’hospitalisation en unité psychiatrique. Trois tentatives de suicide plus tard, le diagnostic tombe : elle souffre d’un trouble bipolaire. Une maladie mentale dont elle a fait le principal sujet de son spectacle « Inconstance », qui se jouera au Théâtre de l’Atelier, à Paris, du 5 au 20 juin. 20 Minutes l’a rencontrée.

Quelle image aviez-vous de la maladie mentale avant qu’on vous pose ce diagnostic de trouble bipolaire ?

Pour moi, la psychiatrie, c’était pour les tarés. Et la dépression et le burn-out, une forme de fainéantise. Je disais souvent à ma mère qui souffrait de dépression « secoue-toi ! ». On a été éduqué avec des réflexions du type « ce qui ne tue pas rend plus fort ». C’est pour ça que je n’arrive pas à en vouloir aux gens qui pensent encore cela. On ne peut pas comprendre ce qu’est la dépression tant qu’on ne l’a pas vécue.

Vous expliquez justement : « je n’ai jamais vécu une pire douleur que la dépression ». Comment cela se manifestait-il ?

La douleur est atroce. J’avais l’impression d’avoir été rouée de coups. Je ne pouvais plus me lever, me laver, manger ou tenir une conversation. Je ruminais en permanence des trucs atroces, j’avais des angoisses, de la tachycardie, je pleurais parfois pendant une semaine sans pouvoir m’arrêter. C’est complètement fou, mais il y a un truc chimique qui déclenche ça dans le cerveau. Et c’est rassurant de le savoir.

La pose du diagnostic de trouble bipolaire vous a-t-elle fait du bien ?

Au début, je l’ai très mal vécu. Ma grand-mère était bipolaire, qu’on appelait maniaco-dépression à l’époque ; ma mère est dépressive ; et j’ai toujours entendu dire que mon arrière-grand-mère, qui s’est suicidée, était folle et que c’était la honte. Je me suis dit que j’étais condamnée par ce terrible cercle des femmes qui sont folles.

Mais j’ai réussi à briser ce cercle grâce à la médecine, la psychothérapie et la psychiatrie. Avec mon diagnostic, je me suis dit : « je suis malade, j’ai besoin d’aide et il y a tout ce qu’il faut pour me soigner ».

Pourtant, vous dites que vous avez très mal vécu votre séjour en unité psychiatrique à l’hôpital public…

Oui, je pense que si je n’avais été qu’en hôpital public, j’aurais eu beaucoup de mal à m’en sortir. Le personnel est en burn-out, il n’y a que la télé et on vous gave de médicaments. C’est terrible parce que vous n’êtes déjà pas bien et on vous enferme dans un lieu qui ressemble à une prison. J’ai eu la chance de pouvoir aller dans des cliniques privées mais je suis surendettée parce que j’ai mis tout mon argent dans ces deux années d’hospitalisation. Si mes parents n’avaient pas été là, je serais sûrement à la rue aujourd’hui.

Vous parlez frontalement de vos hospitalisations et de vos tentatives de suicide dans votre spectacle. Mais comment faire rire sur des sujets pareils ?

A l’hôpital psychiatrique, vous vous retrouvez dans des situations complètement improbables. Je prenais un médicament qui me faisait péter en permanence. J’étais en pyjama à 9 heures du matin à faire de la poterie, ça n’a aucun sens. Il y a plein de scènes extrêmement drôles et décalées. En parlant de tout ça, on donne des solutions et on dédramatise.

A mon grand étonnement, mon spectacle est beaucoup plus drôle que ce que je pensais et quand j’ai entendu les gens rire, je me suis dit “bingo !”. Et puis quand je parle avec des gens du public, certains me disent « depuis que j’ai vu votre spectacle, j’ai accepté de prendre des médicaments et je vais mieux ». Qu’est-ce qui peut avoir plus de sens franchement ? Je trouve ça extraordinaire.

Comment allez-vous aujourd’hui ?

Je ne vais pas mieux, je vais enfin bien. Depuis l’adolescence, je luttais en permanence contre un instinct de mort mais une fois qu’on est diagnostiqué, qu’on a le bon traitement et qu’on est stabilisée, on vit vraiment normalement. Franchement, si c’était à refaire, même si c’était terrible, je le referais, parce que je suis tellement heureuse et apaisée aujourd’hui.