« Je me suis senti humilié »… Forcé de vider ses poches, cet agent de nettoyage en veut à Sephora
Il avait été embauché début décembre par une société spécialisée. Sa mission : nettoyer les étals des magasins Sephora de Rennes. D’abord employé au centre Alma, Lorik (le prénom a été modifié) a ensuite été envoyé à la boutique du centre commercial Colombia, dans le centre-ville de Rennes. Un établissement où « tout se passait bien » jusqu’à ce midi du 9 janvier.
Alors qu’il terminait son service, l’agent de nettoyage de la société Onet a été rattrapé par une des managers du magasin, qui a souhaité procéder à « un contrôle » avant qu’il ne quitte la boutique. « On m’a appelé et on m’a demandé de venir devant la caméra de surveillance pour me contrôler. On m’a demandé de vider mes poches. Je me suis senti humilié, rabaissé. J’avais l’impression qu’on m’accusait de voler », explique l’agent.
Quelques heures plus tôt, une autre salariée de sa société avait subi le même sort avant de quitter son travail. Des contrôles qui visent à réduire le risque de vol auxquels ces enseignes sont souvent confrontées.
Une « charte » signée par le personnel
Ce que reproche Lorik, c’est de ne pas avoir été informé de cette pratique. « J’ai travaillé pendant un mois dans une autre boutique et ça faisait six jours que j’étais dans celle-là. Personne ne m’avait rien dit et je n’avais jamais été contrôlé jusque-là. Ni ici, ni nulle part ailleurs », regrette cet homme âgé d’une quarantaine d’années.
La manageuse aurait alors expliqué que cette vérification faisait l’objet « d’une charte » signée par les salariés de Sephora, qui s’applique aussi pour les personnes extérieures. Contactée, la direction du groupe de parfumerie confirme. « Oui, nous pratiquons des contrôles systématiques de notre personnel et des prestataires extérieurs. Ils en sont informés. C’est une pratique courante et croissante dans les grands magasins », assure la direction du groupe, qui se dit « surprise » qu’un agent puisse s’en plaindre.
Dans le magasin concerné, le personnel confirme. « Chez nous, c’est toujours comme ça. On se fait checker. Normalement, c’est l’agent de sécurité qui s’en occupe. Mais s’il n’est pas là, le manager peut le faire. On ne fouille pas les personnes ou les sacs mais on peut faire un contrôle visuel. C’est normal pour nous », explique une employée, qui confirme qu’une charte encadrant ces contrôles est signée par les salariés.
Pourtant, Lorik assure qu’il n’a jamais été mis au courant de l’existence de ce document. Contactée, la société de nettoyage Onet n’a pas répondu à nos sollicitations. Ce qui a peiné l’agent, c’est d’avoir un sentiment de déclassement. « S’il y a un règlement, alors qu’on l’applique à tout le monde. Il y a des commerciaux qui sont passés dans le magasin ce jour-là. Mais quand ils sont partis, personne ne les a contrôlés. Par contre, les agents de nettoyage, on les contrôle eux ». Le soir même, l’employeur de Lorik lui demandera de ne plus venir travailler chez Sephora, lui trouvant d’autres missions auprès d’autres clients.
Ce que dit la loi
Sollicitée, la direction de Sephora explique que ces contrôles doivent être menés « systématiquement » dans les magasins de son réseau. Il nous sera en revanche impossible d’avoir accès à la fameuse « charte » évoquée par les salariés du groupe.
D’après le portail juridique « Droit travail France », l’employeur est en droit d’organiser une fouille de sacs « dans un contexte de disparitions renouvelées et rapprochées d’objets ou de matériels appartenant à l’entreprise ». Mais il est nécessaire « de recueillir l’accord du salarié en présence d’autres salariés ». La charte de Sephora suffit-elle à recueillir cet accord ? Pas simple de trancher. D’autant que selon le syndicat Force ouvrière, « en principe, les fouilles ne peuvent pas être systématiques ». Ce qui semble pourtant être le cas chez Sephora et bien d’autres.