France

« Je dors parfois 16 heures par jour »… C’est quoi l’hypersomnie idiopathique ?

En France, quelques centaines de personnes souffrent d’hypersomnie idiopathique, une maladie rare qui se traduit par un besoin irrépressible de dormir. Parfois plus de 14 heures par jour ! Pour Capucine, tout a commencé presque par hasard. « J’avais besoin d’un certificat médical pour m’inscrire à des cours de patinage, et comme je n’avais pas de médecin traitant, j’ai parlé de ma grande fatigue à un généraliste », raconte la jeune femme de 25 ans. Verdict : antidépresseurs. « Pendant plusieurs mois, je me suis dit que j’étais déprimée, que mon problème c’était dans la tête. »

Ce quotidien a fini par peser sur sa vie professionnelle et sociale. « Le matin, je me connectais au travail seulement à midi », se souvient-elle. Et surtout, une culpabilité permanente. « Je refusais des sorties, je me sentais fainéante, je faisais des nuits de 14 heures. Je me disais : tu n’as pas de volonté, tu dors tout le temps. » Un sentiment partagé par beaucoup, note Alexandre Rouen, médecin somnologue au centre du sommeil et de la vigilance de l’Hôtel-Dieu à Paris : « Les patients sont souvent traités de fainéants ou de fêtards, ce qui retarde le diagnostic de dix ans en moyenne. Certains ratent leurs études à cause de ça. » Pourtant, les symptômes de l’hypersomnie idiopathique dépassent largement la simple fatigue.

« Inertie du réveil »

Selon le médecin, « les patients souffrent d’une somnolence diurne qui fait qu’ils peuvent s’endormir dès qu’ils sont assis quelque part, voire debout ». À cela s’ajoute un temps de sommeil anormalement long : plus de onze heures par jour, parfois jusqu’à seize heures en comptant les siestes. Mais celles-ci ne soulagent pas, bien au contraire. « Le réveil est parfois encore plus difficile qu’avant », explique le spécialiste. Ce moment d’éveil chaotique est bien connu des malades et porte un nom : l’« inertie du réveil », aussi appelée « ivresse du sommeil ». Les patients doivent souvent se réveiller plusieurs fois avant d’émerger vraiment, se sentent désorientés et peinent à retrouver leurs repères. Peu connue du grand public, l’hypersomnie idiopathique reste difficile à diagnostiquer. Elle touche entre 2 et 10 personnes sur 100.000, apparaît le plus souvent à l’adolescence et concerne davantage les femmes.

Quelques mois plus tard, la jeune Lyonnaise est envoyée dans un centre du sommeil. « Électrodes partout, une nuit d’enregistrement, puis cinq siestes forcées dans la journée. Après ça, ils m’ont dit : vous souffrez d’hypersomnie idiopathique », poursuit-elle. Un mot compliqué pour une réalité simple : « Je me suis rendu compte que ce n’était pas normal que mon copain passe plus d’une heure à essayer de me réveiller chaque matin. »

Pour soulager les patients, plusieurs solutions existent. « Le traitement de référence est un agent éveillant, pris le matin et le midi », explique le médecin. Mais Capucine décrit un véritable parcours du combattant. « Aujourd’hui, je prends de l’oxybate de sodium, un dérivé de kétamine. C’est 600 euros par mois, avec un goût affreux, et il faut se lever à 2 heures du matin pour prendre la deuxième dose. On m’avait proposé de la Ritaline aussi, sans résultat non plus. » Entre ordonnances limitées, pharmacie hospitalière et effets secondaires (perte de cheveux, troubles de l’attention), la maladie reste difficile à vivre. « Je teste les médicaments un par un pour savoir si le jeu en vaut la chandelle », souffle la jeune femme.

Quelle en est la cause ?

Malgré tout, le diagnostic lui a permis de mieux comprendre son corps et d’obtenir un peu plus de bienveillance de son entourage. « Mon père, qui me réveillait tôt au ski, est plus doux avec moi. Ma mère, elle, me dit de boire du café », rigole-t-elle. Capucine refuse pour l’instant la reconnaissance de travailleur handicapé, « parce que c’est trop mal vu ».

Reste une interrogation lancinante : comprendre pourquoi. « On m’a éliminé toutes les causes possibles : prises de sang, IRM, psychiatre… Et à la fin on m’a dit : idiopathique. Ça veut dire « on ne sait pas d’où ça vient ». J’aimerais qu’un jour on puisse prouver par A plus B pourquoi je suis comme ça. » Contrairement à la narcolepsie, dont l’origine est aujourd’hui identifiée, l’hypersomnie reste une énigme. « On n’en connaît pas la cause », insiste le spécialiste.