Japon : Le Premier ministre perd sa majorité à la chambre haute du Parlement, forte poussée de l’extrême droite

Pour le Premier ministre japonais, c’est un cuisant revers. La coalition gouvernementale de Shigeru Ishiba a perdu la majorité à la chambre haute du Parlement lors d’élections dimanche. Alors que 125 des 248 sièges étaient renouvelés, le Parti libéral-démocrate (PLD, droite conservatrice) au pouvoir et son allié Komeito (centre-droit) n’ont gagné que 41 sièges, selon les projections des médias nationaux. Or il faut 50 sièges pour conserver la majorité.
Coup dur pour Ishiba
En fonction depuis dix mois seulement, Shigeru Ishiba, 68 ans, pourrait être déjà poussé vers la sortie. D’autant que sa coalition gouvernementale est déjà en minorité à la chambre basse du Parlement, depuis les élections législatives anticipées de l’automne qu’il avait lui-même convoquées, après avoir pris la tête du PLD en septembre.
« La situation est difficile, nous devons l’examiner très humblement et sérieusement », a commenté dimanche soir le Premier ministre japonais. Questionné sur son avenir, il a répondu : « Nous ne pouvons rien faire avant d’avoir vu les résultats finaux, mais je me montrerai conscient de ma responsabilité. »
Percée de l’extrême droite
Le parti populiste anti-immigration Sanseito, au slogan « Le Japon d’abord », fait lui une très forte percée avec 16 sièges remportés selon les sondages sortis des urnes, alors qu’il n’en tient que deux dans l’assemblée actuelle.
Cette formation d’extrême droite, qui empiète sur les votes du PLD, prône des « règles et restrictions durcies » en matière d’immigration, fustige le « mondialisme », dénonce les politiques de genre « radicales », et appelle à refondre les stratégies de vaccination et de décarbonation. Sous pression en raison de positions jugées prorusses, le Sanseito a farouchement nié avoir tout lien avec Moscou.
Quel scénario pour la suite ?
Le Japon pourrait désormais entrer « en terrain inconnu, avec un gouvernement en minorité dans les deux chambres du Parlement, situation inédite depuis la Seconde Guerre mondiale », explique Toru Yoshida, professeur de sciences politiques à l’Université Doshisha.
Faute d’une coalition alternative entre des partis d’opposition fragmentés et incompatibles entre eux, « le scénario probable pourrait désormais être une grande coalition entre le PLD et le Parti démocrate constitutionnel » (centre gauche), principale force d’opposition, estime Hidehiro Yamamoto, professeur de politique à l’Université de Tsukuba.
Minoritaires à la chambre basse, le PLD et Komeito devaient déjà transiger avec l’opposition pour faire voter leurs textes.
Inflation et droit de douane
Cette incertitude politique intervient alors même que la conjoncture s’assombrit : l’inflation reste forte (+ 3,3 % en juin hors produits frais), tirée par une vertigineuse flambée des prix du riz qui ont doublé en l’espace d’un an.
Par ailleurs, l’offensive douanière de Donald Trump a fait plonger d’un quart les ventes automobiles vers les Etats-Unis, un secteur qui représente 8 % des emplois dans l’archipel. La menace de surtaxes généralisées de 25 % au 1er août fragilise le tissu économique nippon, très dépendant des exportations.
Pour atténuer l’impact inflationniste, Shigeru Ishiba a étendu les aides au logement, prolongé des subventions à l’énergie, et s’est engagé à verser des chèques d’aides aux citoyens. Les autorités ont également débloqué une partie des réserves stratégiques de riz pour faire baisser les prix, sans succès pour l’heure.

