France

« J’ai pris conscience que je pouvais complètement faire des vidéos sur YouTube et chanter », confie Styleto

«J’ai peut-être un peu plus d’eau dans les yeux que certaines personnes », glisse poétiquement Styleto lors de l’interview. L’artiste de 26 ans, qui se dit émotive, a sorti début mars Fille lacrymale, son premier album, porté par le tube Faut que tu m’aimes. Avant même que cet opus soit commercialisé, elle a chanté à guichets fermés à La Cigale et à L’Olympia. Sa tournée, lancée ce printemps, fera aussi étape par le Zénith de Paris le 5 décembre. Une prouesse pour un talent dit émergeant, qui était nommée en révélation féminine aux dernières Victoires de la musique. Elle n’arrive pas non plus de nulle part. Depuis 2013, sur sa chaîne YouTube, elle raconte son quotidien à ses 650.000 abonnés. Un lien de proximité qui se tisse aussi dans les salles de concerts…

Votre envie de faire carrière dans la musique était-elle présente avant que vous vous lanciez sur YouTube ? Ou est-elle apparue après, avec la visibilité que votre chaîne vous a offerte ?

C’est un métier qui me faisait déjà rêver petite. J’ai encore les journaux intimes que je tenais quand j’avais 10 ans et où j’écrivais : « métier de rêve : être une chanteuse ». J’ai toujours adoré chanter, même si je n’ai jamais pris de cours de chant ou que je n’ai jamais fait partie d’une chorale. Quand j’ai commencé à faire des vidéos, j’ai mis ce rêve de côté parce que je me disais que je ne pouvais pas faire les deux, que ce serait trop bizarre. Et puis, il y a quelques années, j’ai pris conscience que je pouvais complètement faire les deux parce que j’avais déjà une communauté qui me suivait et que ma musique pourrait lui plaire. Je ne voulais pas non plus que la peur me fasse passer à côté de mon rêve.

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Vous avez commencé en postant des reprises…

C’était une manière pour moi de ne pas directement arriver avec un projet, d’autant plus que je ne savais pas du tout si j’allais en faire mon métier. J’avais juste envie de chanter en fait. J’ai sélectionné plein de chansons de mes artistes préférés, et j’ai fait un EP, Carrousel [sorti en 2022] avec Benoit Constant et Jérôme Achermann qui sont mes amis depuis dix ans. On a mis ces morceaux à notre sauce, en veillant à ne pas les dénaturer. On y a apporté une certaine douceur et une sonorité acoustique, et ça a super bien marché. Ensuite, l’envie de proposer des chansons originales est venue naturellement. Il me fallait aussi essayer de chanter en live devant un public pour m’assurer que je n’aimais pas juste être en studio ou suivre la création qui visuelle qui accompagne un projet musical. Après avoir signé chez Columbia Records, j’ai fait des concerts dans des petites salles. Je me suis sentie moi-même sur scène, en continuant à être un peu maladroite et chaotique, et les gens m’ont portée avec bienveillance. Ils ont découvert ainsi mes nouvelles chansons. Avec le recul, je me dis que c’est fou d’avoir pu faire ça avant même que l’album sorte.

Justement, avant que « Fille lacrymale » sorte, vous avez annoncé une tournée avec un Zénith, vous avez fait rempli une Cigale et un Olympia. Vous n’avez pas l’impression de faire le chemin à l’envers ?

J’ai un parcours atypique mais ça s’explique par le fait que j’avais déjà une communauté et c’est évidemment un avantage énorme. C’était quand même un défi car ce n’est pas parce que des personnes me suivent sur YouTube qu’elles vont aimer mon projet musical. C’est assez challengeant d’essayer de donner envie aux gens de s’y intéresser sans leur imposer non plus.

Vous chantez en duo avec Ben Mazué et Louane. Quelle place occupent-ils dans votre galaxie ?

Après que j’ai posté ma reprise de sa chanson Gaffe aux autres, Ben Mazué a proposé qu’on se voie. Il m’a invité à chanter avec lui sur scène et il m’a donné beaucoup de conseils. Il m’a notamment dit de prendre mon temps, de réfléchir à ce que je voulais faire avec cet album afin que j’en sois encore fière dans dix ans. C’est pour cela que j’ai mis trois ans à le faire, alors que, débordante d’enthousiasme, j’aurais pu être tentée d’aller plus vite. Il est mon chanteur préféré depuis des années et aujourd’hui on est amis, on promène nos chiens ensemble !

Et Louane ?

On se connaît depuis des années mais on s’est vraiment rapprochées quand je me suis lancée dans la chanson. Louane réussit à embarquer tout le monde, à mettre à l’aise. Elle est pleine de conseils notamment pour les jeunes femmes qui arrivent dans l’industrie. Elle m’a vraiment beaucoup aidée.

L’album s’intitule « Fille lacrymale ». C’est le titre qui vous représente le plus ?

Le nom de l’album, ça a été un grand débat pour moi parce que, c’est bête à dire, je voulais qu’il soit un peu stylé. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai fait une fixette sur Houdini de Dua Lipa… « Houdini », c’est un mot moche mais intriguant. Fille lacrymale, qui est une chanson de l’album, est venu comme une évidence parce que « lacrymale » c’est quand même un peu laid et plein de gens ne savent pas ce que ça veut dire, je dois souvent l’expliquer. Mon album a des chansons très joyeuses, solaires, et d’autres plus sombres. Il est comme moi composé de larmes de tristesse, de joie, de stress, de bonheur et moi, j’ai peut-être un peu plus d’eau dans les yeux que certaines personnes…

Les textes de vos chansons évoquent surtout des préoccupations quotidiennes. Il s’agit de partir de soi pour parler au plus grand nombre ?

En travaillant sur cet album, je n’ai pas réfléchi à un fil rouge. Je me suis dit que j’allais parler de ce que je voulais. J’ai écrit vingt-cinq chansons, j’en ai gardé quinze et c’est vrai que les thèmes qui sont ressortis sont assez universels. J’aime bien que des chansons, telle que Trop bonnes par exemple, évoquent un thème sérieux, comme le harcèlement de rue, sur une production solaire, comme une comptine. Ce contraste m’intéresse. Fier de ta mère parle du fait que je ne sais pas si j’ai envie d’avoir des enfants ou non. Avec mes copines, on a toutes entre 20 et 30 ans, et c’est un sujet qui nous préoccupe, on en parle beaucoup. C’est bien si ma chanson peut aider des femmes de mon âge ou plus jeunes à déculpabiliser un peu.

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Est-ce que vous ressentez parfois un décalage entre un texte que vous avez écrit il y a plusieurs années et celle que vous êtes aujourd’hui ?

En faisant la tournée pré-album, j’ai pu m’approprier au maximum les chansons et les bosser énormément. Il y en a plein que j’ai viré parce qu’elles ne me parlaient plus ou me semblaient trop futiles. Dans l’une d’elles, j’évoquais le fait que l’actualité me faisait peur et je disais, en gros, « Les journaux, je ne les lis pas. Les infos, je ne les regarde pas ». Un soir, je suis sortie de scène et je me suis dit que ce n’était pas vrai. J’appréciais le fait de dire que je voulais rester dans ma bulle mais je ne voulais pas que le public se dise que je n’étais au courant de rien de ce qu’il se passe. Je n’avais pas envie de faire passer ce message. Il y a d’autres chansons où j’ai voulu tout réécrire, donc ça a pris des mois. Peut-être que, dans trois ans, on se reverra, j’aurais six gosses et je dirais que cela me semble fou d’avoir écrit Fier de ta mère. Mais, aujourd’hui, je peux affirmer que je suis très satisfaite de chaque chanson.