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« J’ai fait « Un ours dans le Jura » pour me surprendre moi-même », dit Franck Dubosc

Franck Dubosc s’illustre dans un registre où on l’attendait par pour le fort réjouissant Un ours dans le Jura coécrit avec Sarah Kaminsky. Il se dirige entre Laure Calamy et Benoît Poelvoorde dans cette comédie noire où un couple en crise et criblé de dettes découvre un magot et des cadavres sur une route de montagne.

Humour noir et suspense font bon ménage dans ce film qui fait un clin d’œil du côté de frères Coen et offre de fort jolis rôles secondaires à Kim Higelin, Anne Le Ny et Joséphine de Meaux. Après Tout le monde debout (2018) et Rumba la vie (2021) , Franck Dubosc confirme son joli talent de cinéaste qu’il compte continuer à cultiver. Ce sexagénaire chaleureux, en a parlé à 20 Minutes.

Est-ce pour étonner le public que vous avez réalisé ce film à l’humour très noir ?

Je ne me suis pas posé la question de cette façon. J’ai fait Un ours dans le Jura pour me surprendre moi-même. C’est mon moteur quand j’écris. J’avais envie de faire un film de cinéma et c’est sur cette ligne que je suis resté. Je suis arrivé à un stade de ma carrière où je peux satisfaire mes envies professionnelles. Et là, j’avais envie de secouer un peu le cocotier, de pousser les curseurs à fond. J’aime l’idée de placer des personnages dans lesquels je me reconnais dans des situations que je ne pourrais pas vivre. Je ne sais pas bien ce qu’est l’humour noir mais j’imagine que j’en ai fait sans l’identifier.

Est-ce pour cela que vous avez choisi de le réaliser ?

C’est vrai que cela m’a permis de me sentir plus à l’aise parce que j’avais le contrôle total. Si c’est raté, j’en suis le seul responsable. Il m’est arrivé de souffrir d’avoir à défendre des films pas fameux et c’est terrible. Vous voyez dans les yeux des journalistes qu’ils trouvent ça nul. Le pire est que vous êtes d’accord et que ça rend l’échange pénible surtout quand vous voyez les efforts de vos vis-à-vis pour essayer de rester polis. Leurs questions sont alors aussi médiocres que vos réponses. Quand je réalise, je ressens un stress que j’ai surnommé le stress du coupable car j’assume mes erreurs. Quand je suis acteur, je ressens celui du témoin

Pourquoi avoir décidé de jouer l’un des rôles ?

Je finirais sans doute par ne pas jouer dans mes films, mais je n’en suis pas encore là. Ma coscénariste m’a convaincu que ce serait stupide de ne pas le faire. J’avoue aussi que je n’étais pas encore prêt à être longtemps absent des écrans. Cela dit, je reste un peu en retrait. Je ne tiens pas le rôle principal. J’ai confié le plus beau personnage masculin, celui du gendarme gaffeur, à Benoît Poelvoorde.

Comment cela s’est-il passé avec lui ?

Il a tout de suite compris que je n’allais pas le diriger en maillot de bain ! Je suis sérieux quand je mets en scène et c’est parfois ardu car je dois devenir le bon élève qui doit empêcher les autres de faire les idiots. Il est parfois tentant de tout lâcher pour aller m’amuser avec les potes. Benoît est un bosseur et un angoissé même s’il prétend être paresseux. Il me demandait chaque jour de noter sa performance. On avait mis au point un barème de notation par couleur, de rouge pour très bon à jaune pour très mauvais. Il n’a eu que du rouge… Un ocre une fois mais il ne l’a pas mal pris. Il aime qu’on corrige son travail, qu’on l’aide à faire toujours mieux. Benoît est un écorché vif, un homme érudit et réfléchi.

Laure Calamy est-elle faite du même bois ?

C’est une bosseuse aussi. Je l’avais repérée dans A plein temps d’Eric Gravel où elle joue une mère débordée. J’avais été ébloui par son énergie. Elle aussi avait besoin d’être canalisée car elle veut tout faire à la fois, faire rire, faire pleurer. J’ai pu compter autant sur sa drôlerie que sur ses autres émotions. J’étais au milieu à essayer de doser ces éléments. Ni elle, ni les autres ne devaient pas chercher à être amusants. C’est le film qui devait l’être. Eux devaient rester sérieux pour aborder leurs personnages.

Franck Dubosc après l'interview de "20 Minutes"
Franck Dubosc après l’interview de « 20 Minutes »  - Caroline Vié

Teniez-vous à ce que le film ne soit pas que drôle ?

Il était indispensable qu’on ait peur pour cette famille, qu’il y ait des vrais enjeux de vie ou de mort. C’est pour cela que le méchant a l’air si effrayant. On sait qu’il ne plaisante pas ! Pour moi, le cinéma ne doit pas imposer le rire, mais le proposer. En tant que spectateur, j’attends qu’on m’invite à rire, pas m’y sentir contraint. Je n’aime pas qu’on me prenne par la main. Je veux le choix même si je suis poussé dans une direction. C’est une méthode que j’utilisais autrefois sur scène. Faire semblant d’être surpris quand les gens riaient à mes blagues. Cela me protégeait quand un gag tombait à plat et donnait l’impression au public d’être mon complice quand ça fonctionnait.

Où avez-vous mis la limite pour la violence ?

Cela a été dur à déterminer. Nous ne pouvions pas en faire l’économie car Un ours dans le Jura est un thriller avant toute chose. Le méchant devait donc faire mal. L’humour fonctionne bien quand il est associé au drame. Cela le pimente agréablement si on peut l’associer à une intrigue complètement « premier degré ». C’est pour cela que je ne voulais pas que les comédiens adoptent le registre de la comédie.

Avez-vous toujours eu ce sens de l’humour noir ?

Quand j’étais gamin, je tournais des films de gangsters délirants en Super 8 ! Je faisais tourner mes voisins à qui j’allais casser les pieds après les devoirs et le bain. Tous mes acteurs étaient en pyjama mais ils avaient des revolvers. Mes premiers films étaient des polars de HLM en pyjama. J’ai eu l’impression de retrouver un peu mon enfance avec ce film et redonner libre cours à mon amour pour le polar. Comme si un vieux rêve presque oublié devenait une réalité.

Y a-t-il encore des projets qui vous font rêver ?

J’aimerais refaire du théâtre. On me l’a conseillé. Mais je ne vois pas l’intérêt de faire du boulevard alors je suis allé sur une Intelligence Artificielle et j’ai demandé : « Dans quel rôle du répertoire classique, Franck Dubosc serait-il le mieux ? » Et elle m’a répondu Le Misanthrope. Je ne sais pas si je le ferai mais l’idée m’amuse.