Iran : La police des mœurs abolie ? Méfiance

La police des mœurs abolie en Iran ? Pas si vite. De nombreux médias, dont 20 Minutes, ont titré dimanche sur l’abolition de cette police, qui avait arrêté le 13 septembre Mahsa Amini, accusée de ne pas porter correctement son foulard. Le décès de la jeune femme, trois jours plus tard, a suscité une vague de manifestations, qui ont toujours lieu.
C’est le procureur général d’Iran qui aurait annoncé l’abolition de cette police. « La police des mœurs n’a rien à voir avec le pouvoir judiciaire, et elle a été abolie par ceux qui l’ont créée », aurait ainsi lancé Mohammada Jafar Montazeri dans la ville de Qom.
FAKE OFF
Cette citation est apparue samedi sur le site de l’agence de presse iranienne Isna, qui dit s’appuyer sur les relations publiques du bureau du procureur. La déclaration aurait eu lieu lors d’une conférence sur « les dimensions de la guerre hybride dans les troubles récents », selon l’agence.
Cette conférence a bien eu lieu, elle s’est tenue le 1er décembre dans un séminaire dans la ville sainte de Qom. Elle avait été annoncée en ligne et il était possible de la suivre à distance.
Dans le compte rendu de cette conférence, disponible sur le site du séminaire, le procureur général dit l’inverse des propos qui lui ont été attribués samedi. « Le système judiciaire n’a jamais pris la moindre mesure ou prévu de fermer cette patrouille », lance-t-il au sujet de la police des mœurs. 20 Minutes a eu confirmation de la traduction par deux sources persanophones. L’agence Isna a d’ailleurs repris cette citation et ce compte rendu dans un premier article vendredi.
Aucune autorité n’a pour le moment confirmé ou infirmé la suppression de cette police.
Une police « particulièrement violente, insultante »
La police des mœurs a été créée en 2007, mais elle existait sous d’autres formes auparavant, rappelle à 20 Minutes Azadeh Kian, professeure de sociologie à l’université Paris Cité et autrice de Femmes et pouvoir en islam*. Cette police « ne dépend pas du judiciaire, mais du ministère de l’Intérieur », rappelle-t-elle.
Elle veille « au bon respect des contraintes islamiques dans l’espace public, développe Mahnaz Shirali, sociologue et politiste, autrice de Fenêtre sur l’Iran, le cri d’un peuple bâillonné. Les femmes doivent cacher leurs cheveux, ne pas être maquillées, ne pas porter des couleurs vives, et les garçons doivent avoir une coupe de cheveux extrêmement simples, ils ne doivent pas avoir de tee-shirts, de baskets. » Cette force « est particulièrement violente, insultante », note-t-elle.
Si cette police venait à disparaître prochainement, le port du voile lui reste obligatoire. « Une loi votée en 1983 est toujours en vigueur », rappelle Azadeh Kian.
La suppression de cette police ne fait pas partie des revendications des manifestants, rappellent ces deux spécialistes de l’Iran. Ceux-ci ont une demande bien large, la fin du régime.
* Femmes et pouvoir en Islam a été publié en 2019 aux éditions Michalon. Fenêtre sur l’Iran, le cri d’un peuple bâillonné a été publié en 2021 aux éditions Les Pérégrines.