Inquiétude des tireurs sportifs face à de faux policiers
Fin octobre, la Fédération française de tir a été victime d’un piratage de son système informatique, entraînant la fuite des données personnelles de certains membres. Le 5 novembre à Paris, un tireur sportif a reçu la visite à son domicile d’un faux policier qui assurait venir contrôler ses armes à la suite du piratage de données de la FFTir.
Peu à peu, une psychose s’installe dans les stands de tir. Fin octobre, la Fédération française de tir a subi un piratage de son système informatique, entraînant la fuite de données personnelles de certains membres. « C’est une vraie catastrophe pour la plupart des gens qui ont appris que leurs coordonnées s’étaient retrouvées dans la nature. Comme on ignore qui est derrière, cela angoisse profondément une bonne partie des tireurs sportifs », déclare à *20 Minutes* Jean-Pierre Bastié, président de l’Union française des amateurs d’armes et expert auprès des tribunaux. Depuis « trois semaines ou un mois », il reçoit un flot d’appels de ses 75.000 adhérents « qui viennent aux nouvelles ». « Ça n’arrête pas. Les demandes sont très nombreuses. »
Des rumeurs circulent, affirmant que des malfaiteurs se déplacent chez certains licenciés déguisés en policiers pour tenter de récupérer leurs armes. « À l’heure actuelle, il y a surtout des légendes urbaines qui circulent. Tout le monde voit le loup partout », souligne Pierre Bastié. Bien qu’il existe des affaires réelles, celles-ci demeurent limitées. Le 5 novembre à Paris, un tireur sportif a également été visité à son domicile par un faux policier prétendant venir contrôler ses armes suite au piratage des données de la FFTir. La victime a ouvert son coffre-fort et présenté ses armes, tout en contactant en parallèle le gérant de son stand de tir habituel. Quand il a demandé la carte professionnelle du faux policier, celui-ci est parti, les mains vides. Un suspect a été arrêté quelques heures plus tard dans le même quartier.
Le 13 novembre, un tireur sportif de Nice a été dépouillé de cinq armes et de munitions par un faux policier. Il a été contacté par un homme prétendant attendre le renouvellement de son autorisation de détention d’armes. Un complice est ensuite venu chez lui avec un faux formulaire de mise en sécurité et a récupéré les armes. L’amateur de tir a finalement alerté les vraies forces de l’ordre, qui ont rapidement interpellé plusieurs suspects.
Début novembre, à Orléans, une ancienne présidente d’un club de tir a également reçu un appel d’un faux policier. « Il voulait venir récupérer les armes tout de suite », a expliqué à *La République du centre* le commandant Bruno Moindron. « La victime est une personne âgée ; il lui a expliqué qu’à la suite de la cyberattaque, elle était une cible facile pour un cambriolage et qu’il valait mieux sécuriser ses armes. Ils exploitent la peur ou la précaution », a-t-il ajouté.
Se pose la question d’un lien entre ces vols et tentatives de vols et le piratage subit par la FFTir. Jean-Pierre Bastié en doute. « Avant ce piratage de données, il y avait déjà des histoires qui circulaient. Tel ou tel tireur aurait pu être suivi en quittant son club de tir. Mais nous n’avons pas vraiment d’éléments permettant d’affirmer que c’est déjà arrivé. Cela fait partie des risques liés aux clubs de tir. Il peut y avoir des tentatives de braquage de certains clubs, des tentatives d’interception de véhicules de personnes vues partir du stand », explique-t-il. « Il y a des consignes de sécurité à respecter : verrouiller les armes, ne pas répondre aux sollicitations sur le trajet, rentrer directement pour ranger ses armes, ne pas s’arrêter pour faire des courses en chemin. »
Les passionnés d’armes, qu’ils soient « tireurs, collectionneurs ou chasseurs », ont appris à ne pas se confier sur leur passion « pour éviter d’attirer les voleurs », ajoute le président de l’UFAA. « Cela fait longtemps que tous les concernés par le domaine des armes de loisirs sont très inquiets de la numérisation des données », souligne Jean-Pierre Bastié. Selon lui, ce piratage est peut-être « le moins pire qu’il pouvait arriver » puisque seules les noms et adresses de certains membres de la FFTir ont fuité. « Ce qui serait vraiment ennuyeux, et même très dangereux, ce serait un piratage du service informatique des armes, dépendant du ministère de l’Intérieur, qui recense toutes les armes appartenant à des tireurs, avec leurs coordonnées. »
Contactée par *20 Minutes*, la FFTir n’a pas donné suite à nos demandes. Elle a toutefois publié un communiqué le 23 octobre dernier, précisant que « les données susceptibles d’avoir été compromises ne permettent pas de savoir si le licencié dispose d’une arme à son domicile ou non ». Elle a rappelé que la police, la gendarmerie ou la douane n’appelleront « jamais » les usagers pour leur demander leurs armes. Les forces de l’ordre ne viendront jamais « spontanément » chez eux pour vérifier les conditions de stockage de leurs armes. Elle recommande d’appeler immédiatement le commissariat ou la brigade de gendarmerie locale si tel est le cas.
« À un moment, des tireurs voulaient porter plainte contre la Fédération qu’ils tenaient responsable de la situation. Ça s’est un peu calmé », affirme Jean-Pierre Bastié. Le président de l’UFAA espère « que l’enquête sur ce piratage aboutira rapidement et que nous aurons des informations permettant de rassurer les gens qui sont très inquiets ».

