Inondations dans l’Ouest : « C’est honteux »… Les sinistrés écœurés par les badauds qui les prennent en photo
Les images des inondations en Bretagne sont impressionnantes. Depuis ce week-end et la montée des eaux de la Vilaine, de la Seiche ou encore du Meu, des quartiers entiers ont été noyés sous une eau marron à Rennes, Guichen, Redon ou Guipry-Messac. Dans toutes ces communes sinistrées, les habitants tentent de s’organiser pour limiter les dégâts, superposant les parpaings pour surélever leurs meubles et sauver ce qui peut encore l’être. Des efforts qui se révèlent parfois vains car la pluie continue de tomber et que l’eau ne cesse de monter. Depuis dimanche, plus d’un millier d’habitants ont été contraints d’évacuer leur maison en Ille-et-Vilaine, laissant une bonne partie de leur vie à la merci des eaux. Angoissant et particulièrement déprimant.
Dans leur détresse, ces sinistrés doivent en plus affronter le regard pesant des badauds. Et surtout leur fâcheuse manie à prendre des photos. « Le week-end dernier, c’était la folie. C’était la balade du dimanche, le spectacle à voir. Les gens venaient devant chez nous et prenaient des photos, alors que nous, on était en train de galérer. C’est honteux », s’agace Angie, habitante de Guichen. Depuis quelques jours, les réseaux sociaux et les groupes WhatsApp débordent d’images de ces zones inondées.
Cette commune située au sud de Rennes est souvent très fréquentée les week-ends, notamment par les joggeurs, qui apprécient de courir sur le chemin de halage qui traverse le village de Pont-Réan. Avec la montée de la Vilaine, les amateurs de course à pied ont dû trouver d’autres spots. Mais les badauds continuent d’affluer dans cette commune coupée en deux. « Quand on a dû évacuer, c’était un peu la panique. Et là, tu vois des gens qui viennent te prendre en photo alors que tu as de l’eau jusqu’aux cuisses. Non, mais vous n’avez pas autre chose à faire ? », s’indigne Cécile, également victime des inondations. « Les gens, ils ne te proposent pas d’aide. Non, ils ne te parlent pas et ils prennent juste des photos », s’agace Jean-Paul.
« J’aurais pu passer à la télé »
Cet habitant de Pont-Réan a même vu des gens s’amuser dans les rues inondées en voiture, créant des vagues qui submergent les maisons. « Ils ont fini par rester coincés. Franchement, ce n’est pas malin. » La présence de journalistes, nombreux à s’être déplacés pour faire des images des inondations, en agace aussi certains, lassés d’être sans cesse sollicités. Mais dans le café de Pont-Réan, beaucoup s’amusent de voir que leur village fait la une des journaux télévisés. « On a croisé la journaliste de BFM TV tout à l’heure. J’aurais pu passer à la télé », glisse dans un sourire un trentenaire chaussé de bottes.
Précisons tout de même qu’une importante solidarité s’est improvisée. A Pont-Réan, les membres du club de kayak effectuent de nombreux allers et retours pour transporter des personnes, des animaux ou du matériel. A Noyal-Châtillon-sur-Seiche, l’appel aux bénévoles lancé par la municipalité a également été largement suivi.
Au-delà de ces « Instagrameurs de la catastrophe naturelle », les autorités s’inquiètent aussi du comportement parfois dangereux adopté par les personnes s’aventurant près des cours d’eau en crue. « On voit des enfants, des gens avec des poussettes. Ils ne se rendent pas compte du danger », soupire Sophie. « Nous vous demandons d’être très vigilants et de laisser les services de secours intervenir », conseille la ville de Guichen. « Ne vous engagez pas sur les voies inondées, même faiblement, ni en voiture, ni à pied », rappelle la métropole de Rennes, confrontée à des crues inédites. En Ille-et-Vilaine, « des inondations très importantes sont possibles y compris dans les zones rarement inondées », prévenait ce mercredi matin le site Vigicrues. L’arrivée de la dépression Ivo, après les tempêtes Eowynn et Herminia, ne va rien arranger.