Ino Casablanca : « Les gens ne voient pas mes intentions »
Ino Casablanca a sorti trois projets : Demna en 2022, Tamara en janvier 2025, et Extasia en octobre 2025. Âgé de 25 ans, il a commencé à produire seul à la fin du collège et a commencé à écrire deux ans après.
Des artistes émergents commencent à transformer le paysage musical contemporain. Leurs noms se répandent, éveillent la curiosité et s’imposent progressivement dans les programmations ainsi que dans les discussions. Ino Casablanca en fait partie.
Alors que les affiches des festivals de 2026 s’annoncent les unes après les autres, son nom apparaît désormais fréquemment : Rose Festival, Marsatac, Golden Coast, Solidays… En 2025, pour Ino Casablanca, l’année a été marquée par une exposition croissante, mais surtout par une production créative. Elle a été ponctuée par la sortie de deux EP, confirmant ainsi son style, son son et sa direction artistique, avec des productions aux sonorités innovantes, émanant d’un artiste qui se décrit comme « de nulle part, mais de partout ».
Un nom qui devrait résonner longtemps, que 20 Minutes a eu l’occasion de rencontrer avant deux de ses concerts parisiens.
Du violon solitaire au « Nouvo Groove » : une jeunesse bercée par la musique
« Je fais de la musique, du rap et du R & B. » C’est ainsi qu’il commence instinctivement lorsqu’on lui demande de se décrire. « Je suis un mec normal, de nulle part, de partout. Je suis un caméléon. Pour vraiment comprendre qui je suis, il faut passer quelques jours avec moi… » Âgé de 25 ans et désormais installé à Toulouse, il précise : « Ce n’est pas ma musique qui va vraiment dire qui je suis aujourd’hui. Je pense qu’il faudra pas mal d’albums, pas mal de projets pour comprendre. »
La musique a toujours fait partie de sa vie et a sans doute contribué à son développement.
« « J’ai toujours écouté de la musique, comme n’importe quel gosse. Mais je pense que j’avais une sensibilité un peu différente de la moyenne et j’étais très vite passionné par la musique. » »
Enfant, il découvre le violon au conservatoire, une pratique parfois exigeante et solitaire. Cette passion musicale a aussi été nourrie par son entourage : « Internet, mes parents, les amis, les rencontres… et plus tard, les clubs. Tu absorbes un peu tout. » Né en Espagne, Ino Casablanca arrive en France à l’âge de 12 ans. C’est au collège que le rap français connaît son essor. « Lorsque j’arrive en France en 2012, je ressens encore plus l’impact de cette génération-là. » Parmi ses influences figurent des rappeurs emblématiques : PNL, Damso, Hamza, Booba, Fianso, Ninho, Vald, Sneazzy, Alpha Wann, Shay, Kaaris, Niska, Post Malone… Plus tard, il découvre également Rosalía. Ces influences multiples, sans hiérarchie, alimentent déjà une approche musicale libre et sans frontière.
Une identité qui se fabrique dans la pratique
Dès son plus jeune âge, Ino Casablanca se met à produire seul. « J’ai commencé à la fin du collège. Je touchais à tout : de la trap, de la musique électronique. » L’écriture arrive également rapidement : « Deux ans après. J’ai commencé à rapper avec des amis, à écrire avec eux. On se retrouvait toujours chez celui qui avait un micro, et chacun posait son couplet sur des beats. C’est comme ça que tout a commencé. J’aimais ça. Ensuite, j’ai travaillé mon style, mon parcours. »

Ce savoir-faire devient rapidement une force. S’il continue aujourd’hui à tout faire lui-même, c’est aussi pour l’identité artistique que cela lui permet de façonner : « C’est ce qui donne un peu ma patte. J’ai la main sur tout. Évidemment, j’ai des habitudes de production, des habitudes d’écriture. Ces éléments finissent par constituer mon style. Je trouve que ça passe aussi par la production, par la composition. » Cette approche est étroitement liée à sa revendication d’une liberté de création. « J’ai une liberté artistique totale. J’ai la chance d’avoir une équipe qui me laisse faire ce que je veux. »
Une musique qui rassemble, sans calcul
Dans la discographie de l’artiste, trois projets ponctuent déjà son parcours : Demna sorti en 2022, Tamara en janvier 2025, puis Extasia en octobre. « Il y a eu un déclic musicalement avec Tamara. Maintenant, il faut juste découvrir la suite. Franchement, je me découvre en même temps que vous… »
À la sortie de Extasia, Ino Casablanca a écarté toute interprétation forcée de son projet. « J’avais peur d’être perçu comme un artiste un peu bizarre. J’ai rapidement voulu déconstruire cela. Moi, je fais de la musique normale. » Pas de récit imposé, pas d’histoire forcément construite, il précise : « Prenez ma musique comme vous la ressentez. »
Un artiste attentif à son époque
Son regard sur le monde influence aussi ses textes. Dans ceux-ci, il n’hésite pas à critiquer le gouvernement ou les institutions. « Je fais des cauchemars de Macron et de la police », chante-t-il dans son morceau CLUBMASTER. Quand la politique traverse parfois ses paroles, c’est avant tout parce que c’est une part de lui. « Je m’y intéressais déjà à l’époque, » raconte-t-il. « Quand j’étais petit, j’adorais regarder le JT. » Aujourd’hui encore, Ino Casablanca observe, fait des comparaisons : « Il faut analyser tous les médias, comprendre qui dit quoi, prendre du recul. Pour moi, c’est ma personnalité. Que je sois artiste ou non, ce serait la même chose. »
Il a également des critiques à formuler sur l’industrie musicale. À ce sujet, il n’hésite pas à se prononcer : « Les labels doivent oser davantage. Il faut signer des artistes talentueux et arrêter d’attendre qu’ils aient déjà fait leurs preuves. Il est essentiel d’investir réellement dans la musique et d’offrir une chance à ceux qui ont du talent. Il convient également de revoir certaines pratiques, comme celles des beatmakers qui ajoutent trois hi-hats à une production déjà terminée pour demander ensuite des pourcentages. Il est aussi nécessaire de mieux respecter les réalisateurs et les équipes de clips, souvent contraintes de travailler avec des moyens limités, voire gratuitement. »
La scène comme évidence
« J’aime beaucoup la scène. J’aime être entouré de mes amis, voir le public heureux d’être là et savoir qu’il est venu parce qu’il apprécie ma musique. » Donner une autre dimension aux morceaux, les faire vibrer autrement qu’à travers un enregistrement. « Un morceau en studio, c’est génial. Mais les jouer en live, c’est encore autre chose. Ce sont deux plaisirs distincts. » Sur scène, Ino Casablanca embarque tout le monde avec son énergie, souvent à son propre bénéfice : « Les gens me disent se rendre compte que je prends plaisir, que je souris tout le temps. » Cette spontanéité révèle beaucoup sur sa relation avec le public : « J’aime donner vie à ma musique. Être présent. Partager le moment. »
Cette année, les salles de concert se remplissent, les dates s’enchaînent et les festivals se succèdent. À Paris, il est inutile de chercher des places pour ses deux concerts à la Flèche d’Or ou ses deux soirées à La Cigale : tout est complet. Pour découvrir ses morceaux en live, il faudra désormais se tourner vers les festivals estivaux.
À la fin de l’entretien, une question le laisse perplexe : qu’aimerait-il que l’on comprenne de lui, au-delà de la musique ? « J’aimerais que les gens saisissent mes intentions, » conclut-il.

