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Incendies à Los Angeles : La Californie peut-elle devenir inhabitable ?

Des kilomètres de vies parties en fumée. Sur les axes sortant de Los Angeles, d’interminables files de voitures emportent les habitants évacués, résignés à laisser derrière eux leurs maisons se faire dévorer par le feu. Depuis mardi et le début du premier incendie, quatre ou cinq foyers se sont activés au nord de la ville, rasant des quartiers entiers, de Pacific Palisades à Malibu. Dans une zone régulièrement en proie aux flammes, le retour des habitants s’écrit en pointillé.

« Depuis l’incendie de Paradise en 2018, on a vu une augmentation du phénomène des grands feux » en Californie, confirme Pauline Vilain-Carlotti, docteure en géographie et spécialiste des incendies de forêts. Des feux de plus importants, et donc « de plus en plus difficiles à gérer ». En trame de fond, le réchauffement climatique vient aggraver cette dynamique. Après une année 2024 particulièrement chaude, « il n’a pas plu depuis mai à Los Angeles », déjà touchée par des incendies en septembre, relève la géographe.

Le réchauffement climatique, accélérateur de feu

La violence de l’incendie se mesure aussi sur les dommages qu’il cause. Outre les centaines de maisons englouties par les flammes, cinq personnes sont mortes à Los Angeles. « Cette létalité est récente », s’inquiète Pauline Vilain-Carlotti, évoquant les récentes victimes d’incendies à Hawaï et en Grèce. La géographe pointe un « angle mort dans la gestion des incendies » : la prévention et l’adaptation au réchauffement climatique. « Il faut prendre nos responsabilités, 90 % des feux sont d’origine humaine », qu’ils soient accidentels ou criminels.

« D’une manière générale, l’Ouest des Etats-Unis va devenir plus sec avec le changement climatique », appuie le climatologue Jean Jouzel. Les sols et la végétation sèche offrent un terrain d’autant plus propice à la propagation des flammes que le vent souffle fort ces derniers jours. « Il y a une fragilité importante de la Californie aux sécheresses à répétition et aux feux de forêts », affirme-t-il.

Dans le cas de Los Angeles, Pauline Vilain-Carlotti appuie sur « la vulnérabilité socio-spatiale des territoires ». Autrement dit, sur l’étalement urbain de la Cité des Anges, avec de grandes zones « en lotissement pavillonnaire avec de la semi-nature » et « un maillage routier lâche ». Or, ces structures « hâbitat-forêt » sont les plus vulnérables aux incendies, puisqu’elles offrent en permanence du carburant au feu pour s’attaquer aux bâtiments. De plus, les alentours de la ville offrent « un territoire très escarpé », où le feu « se renforce sur les pentes ascendantes des collines ».

L’eau, trop ou pas assez

Les 9.000 pompiers mobilisés ne peuvent plus lutter contre les flammes, d’autant qu’une ressource précieuse manque à l’appel : l’eau. Le niveau du lac Mead, qui approvisionne une partie du sud de la Californie, reste très bas, et les bouches à incendies se sont vite retrouvées à sec. « On se retrouve sur un cas litigieux au niveau politique et médiatique », reconnaît Pauline Vilain-Carlotti, Donald Trump ne se privant pas de vilipender la gestion du gouverneur démocrate Gavin Newsom. « Il ne reste plus qu’à prier pour que le vent s’arrête ou que la pluie tombe », se résout Jean Jouzel. Mais au-delà des incendies actuels, c’est « une guerre de l’eau » qui se prépare, selon Pauline Vilain-Carlotti, qui note « une raréfaction de la ressource en qualité et en quantité » dans cette région.

Il y a un an, la région de Los Angeles se trouvait pourtant sous l’eau, victime d’une tempête accompagnée d’inondations. Un cercle vicieux, explique la géographe. « L’alternance de précipitations extrêmes et de sécheresse peut provoquer des coulées de boues, et avec les incendies les sols dénudés sont plus enclins à provoquer des glissements de terrain. » Se tournant vers la mer, Jean Jouzel se veut plus mesuré sur une autre conséquence du dérèglement climatique : « La montée des eaux est plus ponctuelle, c’est moins une menace pour les villes » californiennes.

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Enfin, un dernier danger guette la Californie : sa géologie. Les collines escarpées qui entourent Los Angeles sont le fruit d’une intense activité sismique au fil des millénaires. « C’est un risque très important, qui n’est pas climatique », observe Pauline Vilain-Carlotti. Plus au nord, « la faille de San Andreas est une épée de Damoclès au-dessus de San Francisco », prévient Jean Jouzel. Autant d’éléments qui rendent la Californie de plus en plus hostile.