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Immeubles effondrés à Marseille : « C’est un grand village, ce quartier »… Le Camas pleure ses huit morts

« Je découvre une semaine après que c’était bien elle. » Les yeux bleus de Michel deviennent humides. Elle, c’est Antoinietta Vaccaro, dit aussi Antoinette. L’octogénaire fait partie des huit personnes décédées dans l’effondrement de plusieurs immeubles rue de Tivoli à Marseille. C’était il y a tout juste une semaine. Ce dimanche, à midi, pendant huit longues minutes, une centaine de personnes s’est tue, à quelques mètres des décombres, au cœur du quartier du Camas, dans un silence recueilli, pesant, brisé de temps à autre par le chant des oiseaux. Huit enfants déposent un à un des fleurs. Puis une salve d’applaudissements parcourt le boulevard Eugène-Pierre.

Près du mausolée de fortune, Michel fond en larmes : « Je suis venue d’abord pour être sûre que c’était elle, l’Antoinette que je connaissais. J’ai été dans le quartier longtemps. C’était la femme d’un ami à moi. Il était artisan, un excellent artisan même. On se fréquentait beaucoup puis on s’est perdus de vue. Mais ce sont des gens qui vous marquent. Je suis venu en hommage, par respect aux relations passées. »

« Ce sont des gens que j’ai croisés »

On dit souvent de Marseille que ce n’est pas une ville, mais un conglomérat de 111 quartiers, avec leurs identités, leurs caractéristiques, leurs habitants qui se connaissent tous, se fréquentent. Alors, quand huit habitants d’une même rue meurent, dans de terribles circonstances, c’est toute une famille qui pleure en ce dimanche de printemps. « C’est un grand village, ce quartier, insiste Nicole, qui a tenu à déposer un bouquet en hommage aux huit morts. On se côtoie, on se croise. Les victimes, je ne les connais pas, mais ce sont des gens que j’ai croisés. Ça reste une perte pour nous tous d’une partie de ce qui fait l’âme de ce quartier. On ne va pas oublier. Ce n’est pas possible. Je passais constamment par là, dans cette rue. Maintenant, je fais un grand détour, parce qu’émotionnellement, c’est très compliqué. »

« Marseille, c’est une ville de quartiers, abonde Yolande. Je suis venu simplement pour dire à ces gens qu’on est touché et qu’on pense à eux. Ces accidents, ce sont des choses qui peuvent arriver à tout le monde. » « Je suis étudiante en médecine à la Timone, et ça aurait pu être des étudiants comme moi, dans ma fac, estime Emma. Je connais aussi des gens qui ont été évacués. Donc, c’était important d’être là. »

« Pourquoi le maire, il est pas là ? »

Et, dans le village du Camas, l’émotion du quartier se mêle aussi à la colère. Car ce rassemblement n’a été organisé ni par la mairie, ni par des habitants du quartier ou des proches des familles, dont certains ont tout de même fait le déplacement. « Pourquoi, le maire, il est pas là ? », s’agace Laurette, venue se recueillir. L’édile est en effet absent, en ce dimanche midi, après avoir été toute la semaine aux premières loges. Seule une membre du cabinet de Benoît Payan surveille ce qui se passe, en retrait.

L’appel a été lancé par une militante associative, connue récemment pour son engagement contre le mal-logement, Kaouther Ben Mohamed. Son association Marseille en colère a été fondée après les effondrements de la rue d’Aubagne en 2018, à cause de l’insalubrité de deux immeubles, dans un autre quartier, celui de Noailles. Ancienne candidate à des élections locales, Kaouther Ben Mohamed est par ailleurs aujourd’hui une chroniqueuse régulière dans l’émission Les Grandes Gueules sur RMC.

« Ils ont pas contacté les familles »

« L’effondrement tragique du 17 rue de Tivoli, dans la nuit du samedi 8 avril dernier, qui a causé la mort de huit personnes, a ravivé l’effroi de la rue d’Aubagne, écrit-elle dans le communiqué qui annonce ce rassemblement. Le 5 novembre 2018, l’effondrement des 63 et 65 rue d’Aubagne avait lui aussi était à l’origine de la disparition de huit Marseillais innocents. » Dans ce même communiqué, la fondatrice de Marseille en Colère affirme avoir pris cette initiative après avoir été contactée « par de nombreux Marseillais, riverains, proches, anonymes, anciens délogés, etc. ».

« Je suis délogé de la rue de Tivoli, et je voulais vous dire que je n’étais pas au courant de ce rassemblement, peste un homme sous couvert d’anonymat. C’est beau. C’est très bien. Mais ils ont pas contacté les délogés. Nous ne voulons pas être assimilés à l’habitat indigne. On parle ici d’une explosion. Nous sommes en train de préparer un vrai hommage, de notre côté. » 

Selon nos informations, un collectif est en cours de constitution et une réunion de ce collectif sur l’hommage à rendre est prévue ce lundi soir. De son côté, l’entourage de Benoît Payan précise que le maire de Marseille se rendra au Vélodrome ce dimanche soir, le temps de participer dans les gradins à la minute de silence prévue en mémoire des victimes de la rue de Tivoli avant le match de l’OM contre Troyes.