« Il y aura peut-être des imbéciles »… La tombe de Jean-Marie Le Pen sera-t-elle vandalisée comme celle de Pétain ?
C’était un espace libre d’accès, dont les portes restaient grandes ouvertes toute l’année. Ce n’est plus le cas. Depuis lundi et sa réouverture, le cimetière de La Trinité-sur-Mer est désormais régi par des horaires et ne sera accessible au public que de 8h30 à 17h30. Cet arrêté municipal pris par le maire de cette commune de 1.700 habitants nichée près de Carnac (Morbihan) fait suite à l’arrivée d’une personnalité clivante parmi les « résidents ».
Pas celle d’Alain Barrière, auteur du célèbre Elle était si jolie enterré à La Trinité depuis 2019. Mais celle de Jean-Marie Le Pen. « Pour éviter toutes dégradations potentielles de la tombe » du leader d’extrême droite, la municipalité avait préféré fermer son cimetière ce week-end, non sans faire quelques mécontents, avant de le rouvrir normalement ce lundi.
« Ni le général de Gaulle, ni une pop star ou une star du foot »
Peu habitués à voir la foule, les locataires du cimetière avaient vu débarquer toute la famille Le Pen samedi, à l’occasion des obsèques de Jean-Marie Le Pen. Mort à 96 ans, le fondateur du Front national a été enterré aux côtés de son père et de sa mère samedi. Dans le cimetière, rien ne distingue le caveau familial en granit gris de la famille Le Pen, hormis une imposante croix celtique qui le surplombe. Dépourvu de toute plante, le site a été largement fleuri à l’occasion de la cérémonie de samedi, qui s’est tenue en petit comité, constitué de la famille et des proches du leader d’extrême droite.
Maintenant que le calme est revenu, quelques questions se posent. Le lieu va-t-il devenir un lieu de recueillement comme la tombe du chanteur des Doors Jim Morrison au cimetière du père Lachaise, à Paris ? Ou bien comme celle d’Oscar Wilde, que des fans venaient embrasser au point de dégrader sa pierre ? « Il y aura peut-être du monde au début pour déposer des fleurs sur la tombe, mais je ne pense pas que cela durera dans le temps », nous confiait récemment Thierry, qui habite près du cimetière. « La Trinité-sur-Mer ne va pas non plus devenir comme Colombey-les-Deux-Eglises, prévient-il. Jean-Marie Le Pen n’est pas le général de Gaulle, ni une pop star ou une star du foot. »
Une carrière ponctuée de propos scandaleux
Ce que l’on peut surtout craindre, c’est que la tombe de Jean-Marie Le Pen soit le théâtre de dégradations régulières, comme c’est le cas pour celle du maréchal Philippe Pétain, enterré sur l’île d’Yeu. Personnage clivant, celui qui aimait être surnommé « le menhir » laisse derrière lui une longue carrière politique empreinte de propos racistes, antisémites et homophobes. Plusieurs fois condamné par la justice, notamment pour ses propos sur le génocide des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Marie Le Pen n’a pas que des amis.
Il est même détesté par une partie de la population, qui ne s’est pas privée de « fêter » sa mort le 7 janvier. « Il y aura peut-être des imbéciles qui voudront s’amuser à dégrader la tombe, nous confiait Laurence, une native de La Trinité-sur-Mer. Mais franchement je ne pense pas. Et s’il y a des dégradations, ce ne sera pas des gens d’ici car on est respectueux », promet-elle.
La municipalité trinitaine espère pouvoir compter sur le civisme des locaux et des visiteurs de passage. « Aucun dispositif de surveillance particulière du cimetière n’a été mis en place par la mairie », précisent ses services. Sur l’île d’Yeu (Vendée), où repose Philippe Pétain, les dégradations sont régulières. Chaque année, des personnes viennent vandaliser la stèle posée au cimetière communal de Port-Joinville. En urinant dessus (ou pire selon l’envie), en commettant des dégradations ou en la taguant, certains veulent rappeler le rôle de l’ancien chef d’État français dans le génocide juif ou la répression de la Résistance, condamné à mort mais dont la peine a été commuée en prison à vie du fait de son âge. Une à deux plaintes sont déposées chaque année.
Accusé de « haute trahison »
La stèle de Jean-Marie Le Pen subira-t-elle le même traitement ? Probablement pas. Car au-delà de l’idéologie de chacun des deux hommes, la différence est grande. D’abord parce que Pétain était frappé « d’indignité nationale » au moment de sa mort, en juillet 1951, pour avoir collaboré par l’Allemagne nazie et dirigé le régime de Vichy. Accusé de « haute trahison », l’ancien gradé a été au pouvoir, ce qui n’est jamais arrivé à Jean-Marie Le Pen.
Qui était à l’enterrement de Jean-Marie Le Pen?
Si on peut critiquer l’idéologie raciste du fondateur du Front national, on ne pourra l’accuser d’aucune trahison ni crime. Rappelons que le père de Marine Le Pen a été condamné à de maintes reprises par la justice, notamment pour apologie de crime de guerre et complicité, provocation à la haine, la discrimination et la violence raciale ou encore contestation de crime contre l’humanité.