France

« Il y a plein de gars dégueulasses dans le métro »… Les mineures pas épargnées par les violences sexuelles

En dix ans, le nombre de victimes déclarées de violences sexuelles a presque doublé (+86 %) dans les transports en commun, selon l’Observatoire national des violences faites aux femmes. Près de la moitié de ces agressions (44 %) a lieu en Île-de-France et cible en très grande majorité des femmes (91 %) dont plus d’un tiers sont mineures (36 %).

Tout sauf une surprise pour les jeunes filles que 20 Minutes a rencontrées ce lundi dans le 14e arrondissement de Paris. « C’est tout le temps comme ça, il y a plein de gars dégueulasses dans le métro », assène Inès qui attend devant son collège du quartier Alésia.

Des multiples formes d’agressions et d’agresseurs

Les témoignages de ces jeunes filles, toutes scolarisées de la 4e à la seconde, montrent toujours, des années après le début du mouvement #MeToo, une forme de banalisation de ces faits, sans que cela n’enlève à l’horreur de leur vécu. Surtout, ces agressions prennent une multitude de formes, et si les agresseurs sont exclusivement des hommes, ils sont de tout âge et viennent de toutes les conditions sociales.

« Une fois, un homme, il avait au moins 50 ans, s’est assis à côté de moi dans la ligne 4. Il bougeait beaucoup et semblait chercher quelque chose. En fouillant dans ses poches et dans son sac, il n’arrêtait pas de me frôler, voire de me toucher la cuisse. Au bout d’un moment, j’ai vu que ses gestes se répétaient et je me suis rendu compte que c’était juste une manière de me caresser », raconte Agathe*, 13 ans au moment des faits.

« Ça m’arrive presque à chaque fois que je prends le métro »

Des propos qui ne surprennent pas ses amies, elles aussi habituées de ce type d’agressions. Toutes relatent « ces vieux pervers » (un qualificatif qu’elles emploient pour les hommes à partir de 30 ans), « ceux qui te regardent de haut en bas », et ne lâchent pas du regard. Ceux que l’on appelait, il y a quelques années encore, les « forceurs ». « Ça m’arrive presque à chaque fois que je prends le métro ou le bus », précise Laura*, 14 ans, qui est dans la même classe qu’Agathe. « Ils te regardent fixement, pendant plusieurs stations, sans jamais arrêter et parfois, quand tu croises leur regard, ils te sourient, c’est dégoûtant », ajoute-t-elle.

Ce qui choque d’autant plus ces jeunes filles, c’est que « la plupart sont « des papas », voire « des grands-pères », parfois très bien habillés en costume et tout. »

Les mineures aussi intègrent les risques très tôt

Evidemment, les agresseurs sont tout aussi nombreux chez les jeunes. « Mais ils cherchent plus le contact direct », précise Sixtine, 15 ans racontant comme elle se fait souvent alpaguer par des garçons de son âge ou jeune adulte, « toujours en groupe ». « Ils nous parlent, cherche à ce qu’on leur réponde, quitte à nous suivre et à nous harceler », ajoute-t-elle. Elle raconte sa peur, ne sachant jamais comment réagir : « Si je leur réponds, ils pensent que la porte est ouverte. Si je ne réponds pas, ils se vexent et insultent. » Le plus souvent, elle sourit et fuit très rapidement les lieux.

« Les vieux, c’est plus dégueu, mais si on les affiche, ils ont honte et ils se calment. Parce que tout le monde les regarde et les juge après. Les jeunes ils s’en fichent », explique Mona.

Toutes avouent avoir intégré ces comportements et adapté le leur de manière plus ou moins consciente. Mona, par exemple, ne prend plus le bus toute seule depuis deux ans. Elle était en 6e lorsqu’un homme s’est touché les parties génitales en les regardant elle et ses amies dans un bus. « Maintenant, je viens à vélo avec un de mes parents. Mais il faudra sans doute que je reprenne le métro pour le lycée. »

Dos à la porte, proche d’autres femmes…

Ana, amie de Mona, s’assure toujours d’avoir le dos collé à une porte ou une paroi dans les transports pour pouvoir voir tout le monde. « Je connais plein de filles qui ont eu des mains aux fesses, donc ça m’angoisse », explique-t-elle tout en précisant qu’elle choisit toujours une place d’où elle pourra s’extraire si elle est embêtée. « C’est plus difficile de bouger dans le bus quand même », ajoute-t-elle.

Agathe, elle, repère autant que possible les familles ou les femmes adultes et se rapproche pour donner l’impression qu’elle n’est pas seule : « Parfois, elles voient s’il y a quelqu’un de bizarre et se collent à nous, comme pour nous protéger. »

Quand l’éducation à l’égalité se heurte à la réalité

Le sujet le plus difficile reste celui des vêtements. Les adolescentes savent qu’une jupe ou un petit haut léger les exposent à davantage de harcèlement ou d’agressions. Mais ne comptent pas pour autant les abandonner comme l’explique Juliette, plus habituée aux vêtements larges et aux doudounes pourtant : « Même habillées comme ça, on se fait embêter alors… » Justine* confirme ne pas vouloir céder, mais s’adapte tout de même : « Quand je m’habille comme ça [elle porte un short court], je mets un manteau long que je n’enlève qu’à la maison ou à l’école. » Ses amies, présentes à ses côtés confirment également la technique.

Un stratagème qui ne ravit pas pour autant la jeune fille. « Je trouve ça tellement injuste. On ne peut pas s’habiller comme on veut. Mes parents me disent que les femmes sont égales aux hommes et qu’on a les mêmes droits, mais ils me disent quand même de faire attention et parfois ils me disent de me changer parce qu’ils ont peur. C’est injuste parce que je n’ai rien fait de mal, et les garçons n’ont pas ce problème. »

Une injustice dont témoigne Marie-Émilie qui attend sa fille en 3e au collège : « C’est un sujet compliqué. À cet âge, elles ont envie d’essayer, elles se cherchent, se construisent, et ont souvent envie de faire comme les autres ou ce qu’elles voient sur les réseaux sociaux. C’est difficile de lui faire comprendre que je suis féministe tout en lui demandant de faire attention à ces choses-là. »