France

« Il y a des habitants qui s’en foutent carrément »… Les maires de France face au fléau des dépôts sauvages

Au Congrès des maires,

Des parpaings, des gravats, des ordures ménagères… La plupart des élus présents ce mardi dans la salle « Liberté », au Congrès des maires de France, en retrouvent régulièrement sur leur commune. Élu en 2020, Gérard Buono, le maire d’Igé, en Saône-et-Loire, se souvient de « deux cas assez sérieux ». Le premier concerne « un camion abandonné dans la forêt ». Son propriétaire « avait fait croire qu’on le lui avait volé ». Après « deux ans et demi de démarches, de sollicitations, de dépôts de plaintes », il a fini par venir chercher son véhicule. Dans l’autre cas, il s’agit d’un homme qui s’était débarrassé dans les bois « des déchets de construction de sa maison ». Il a été identifié car « il avait laissé la plaque de son permis de construire dans les gravats ».

« Il y a des habitants qui s’en foutent carrément. Ils considèrent que ce n’est pas leur problème et ils sont parfaitement conscients de ce qu’ils font », complète Hubert du Plessis, le maire d’Avessac. Dans cette commune de 2.500 habitants située en Loire-Atlantique, se trouve « un gros dépôt sauvage ». « Des gens viennent de tout le territoire pour y déposer leurs poubelles ». L’élu raconte en avoir « chopé un » grâce à des documents à son nom retrouvés au milieu des détritus. « On a lui envoyé une facture forfaitaire pour enlèvement de dépôt sauvage », explique-t-il. Quelle ne fut pas sa surprise de retrouver, quelque temps plus tard, cette facture dans un sac-poubelle laissé… au même endroit.

Un sujet de préoccupation majeur

Une étude, réalisée par la gendarmerie auprès des élus, révélait que pour 62 % d’entre eux, « le sujet de l’environnement, notamment celui des dépôts sauvages, est leur premier sujet de préoccupation », indique le général Sylvain Noyau, commandant du Cesan (commandement pour l’environnement et la santé). Guy Geoffroy, le maire de Combs-la-Ville, en Seine-et-Marne, rappelle que « beaucoup de représentants de l’Etat considèrent que ces dépôts sauvages sont de la responsabilité des maires, compte tenu du fait que nous avons des compétences en matière de déchets ménagers. Or, ces dépôts sauvages n’en sont pas ». Les élus locaux ne peuvent qu’ « assumer » ce sujet, dit-il, avec un sentiment partagé. S’ils ne se débarrassent pas de ces ordures, la situation risque de « s’aggraver ». Mais s’ils le font, les auteurs peuvent avoir l’impression qu’ils ont le droit de « recommencer ».

« Ma commune fait 30 km 2, et 60 % de ses terres sont agricoles et naturelles. Cela fait des espaces bien grands qui permettent des dépôts sauvages », abonde Charlotte Blandiot-Faride, maire de Mitry-Mory, toujours en Seine-et-Marne. L’élue aimerait « que des sanctions tombent » plus souvent afin « que ces événements ne se reproduisent plus ». Mais souvent, regrette-t-elle, trouver « une adresse, un nom dans les déchets ne suffit pas à la justice pour réprimander les indélicats. Elle estime qu’il est nécessaire de « faire avancer la législation » afin de leur « permettre d’établir plus facilement la preuve » de l’infraction.

« Plus de 4.000 gendarmes formés »

La cour de cassation a en effet estimé, dans un arrêt de février 2007, que « les papiers d’identité retrouvés dans une poubelle ne sont pas des éléments suffisants pour démontrer l’implication d’une personne », explique le général Sylvain Noyau, précisant que « certains parquets poursuivent » malgré tout les personnes identifiées grâce à ces documents. La gendarmerie, ajoute-t-il, a décidé de « mobiliser l’ensemble de ses effectifs sur le sujet des contentieux environnementaux ». « Plus de 4.000 gendarmes ont été formés » afin d’appuyer les élus et de mener des enquêtes relatives à la criminalité environnementale du quotidien. Les militaires proposent aussi aux élus des formations en ligne ou en distanciel sur la gestion des dépôts sauvages. L’occasion de leur rappeler le cadre réglementaire et les pouvoirs dont ils disposent.

Des « fiches guides » ont également été mises à disposition des élus sur l’application GEND’élus, ainsi que « modèle de procès-verbal de constatation », des « lettres de mise en demeure » ou d’arrêtés, ajoute le commandant du Cesan. Les gendarmes ont aussi développé Diag’Envi, un outil de diagnostic environnemental consistant à cartographier « des zones sur lesquelles on est susceptibles de retrouver des atteintes à l’environnement », et à « identifier leur nature ». Les militaires pourront ainsi, dès janvier 2025, « imaginer des recommandations » et aider les élus à trouver des solutions, comme des patrouilles sur les lieux identifiés. Et les premiers résultats des expérimentations menées sont très encourageants.