France

Il voulait « déclencher une guerre civile »… Retour sur l’attentat « oublié » de 2019 en plein centre de Lyon

Mohamed Hichem Medjoub. Son nom ne vous dit sans doute rien. Il est pourtant le principal accusé de l’attentat à la bombe qui avait explosé en plein cœur de Lyon le 24 mai 2019. Bientôt six ans après les faits, son procès s’ouvre ce lundi à Paris, devant la cour d’assises spécialement composée, pour tentatives d’assassinats et infraction à la législation sur les explosifs (fabrication, détention et transport), le tout en relation avec une entreprise terroriste.

Que s’était-il passé ce jour-là ? Pourquoi une telle attaque ? Comment s’est passée sa détention ? 20 Minutes vous récapitule.

Que s’est-il passé lors de l’attentat ?

Vendredi 24 mai 2019. 17h26. Un homme à VTT dépose un paquet devant la boulangerie Brioche Dorée, rue Victor Hugo, particulièrement fréquentée, en plein cœur de Lyon, à quelques mètres de l’emblématique place Bellecour. Dix minutes plus tard, à 17h28, le paquet explose. L’engin explosif a été activé à distance par son auteur.

Cette explosion blesse 14 personnes. La majorité d’entre elles sont transportées à l’hôpital pour retirer les objets et éclats de verre incrustés dans leur peau. Ce colis piégé a été réalisé avec 250 à 400 gr de TATP, disposés dans un paquet de Pringles qui contenait 274 projectiles, principalement des vis, des boulons et des billes métalliques. Heureusement, la mauvaise qualité des explosifs a limité les dégâts corporels.

Très vite, un appel à témoin est lancé pour tenter de retrouver l’auteur des faits. Plus de 300 enquêteurs sont sur le dossier et examinent le moindre indice. Les caméras de vidéosurveillance, ainsi qu’un témoin, vont permettre de retrouver rapidement la trace du suspect.

Trois jours après les faits, le lundi 27 mai peu avant 10 heures, un jeune homme de 24 ans est interpellé sur le boulevard Yves-Farge à Gerland, dans le VII arrondissement de Lyon, à sa descente du bus. Surveillé depuis la veille, l’individu a été filé depuis son domicile par les enquêteurs. Son père, sa mère et son petit frère sont aussi placés en garde à vue. La piste se confirme grâce à ses achats et ses recherches sur Internet de produits chimiques ainsi que le vélo avec lequel il a déposé le colis, retrouvé chez lui, à Oullins.

Qui est le suspect, quelles sont ses motivations ?

Le principal suspect de cet attentat s’appelle Mohamed Hichem Medjoub. Né en 1995, il a obtenu une licence à Oran, en Algérie, selon son profil LinkedIn. Il se présente comme développeur spécialisé dans la création de sites internet. D’origine algérienne, il est inconnu des services de police. Arrivé en France en août 2017 pour rejoindre ses parents, ingénieure et expert-comptable, sa demande de titre de séjour a été refusée et il est resté sur le sol français en situation irrégulière.

Après avoir été transféré à la sous-direction antiterroriste de Levallois-Perret, près de Paris, et nié les faits pendant ses trois premières auditions, l’individu reconnaît être l’auteur de cet attentat et confie avoir prêté allégeance au calife autoproclamé de l’Etat islamique. Il est mis en examen le 31 mai 2019 et placé en détention provisoire.

De nombreux éléments sont retrouvés dans son ordinateur, prouvant ses motivations d’attaques meurtrières : des contacts avec le groupe terroriste, des recherches sur comment fabriquer des armes et du poison, ainsi que des vidéos de décapitations réalisées par Daech. Pourtant, le jeune homme assure aux enquêteurs qu’il ne voulait pas faire de morts, seulement « créer une panique », « propager la terreur par un attentat », « deux jours avant » les élections européennes. Il voulait « faire monter l’extrême droite » pour créer une « guerre civile avec les musulmans ». Une mission qu’il estime réussie, rappelle Le Monde, puisque le Rassemblement national est arrivé en tête lors de ce scrutin. Mais comme le souligne le quotidien national, son attentat n’a pas marqué l’opinion autant que son auteur l’espérait.

Comment s’est passée sa détention ?

Mohamed Hichem Medjoub se présente comme un « soldat de l’islam » et résume son « combat » par une phrase : « Chasser les Occidentaux des terres de l’islam et appliquer la loi de Dieu. » Lors de sa détention, sa position ne change pas, au contraire. Les premiers mois, le détenu se montre agressif et participe à des opérations contre les surveillants. En août 2019, il prend dix mois de prison ferme après avoir jeté un mélange d’eau et d’excréments au visage de personnels pénitentiaires.

« Si j’avais voulu, j’aurais fabriqué des explosifs pour détruire la Part-Dieu [l’une des gares des Lyon] », a-t-il rédigé à ses proches, peu après son placement en détention provisoire, rapporte Le Progrès. Il avait ensuite déclaré, toujours en 2019, dans sa cellule : « Si je sors aujourd’hui, eh beh demain je fais un attentat. »

Deux ans plus tard, il continue d’avoir des propos très menaçants. « J’ai la haine. Pas seulement contre les surveillants mais contre toute la France. On m’a humilié, on m’a manqué de respect et donc je vais me venger », a-t-il encore dit en septembre 2021 lors d’une fouille au corps mal vécue, selon le journal local. Après des menaces de représailles envers les gardiens, il écopera de six mois de prison.

Notre dossier sur les attentats

« La détention de Mohamed M. était émaillée de nombreux incidents et divers rapports démontrent la persistance de son adhésion à une idéologie djihadiste, sa propension à la violence, et son comportement prosélyte », indiquait le réquisitoire du Parquet national antiterroriste, daté de novembre 2023, relevé par Le Figaro.

Son procès doit durer jusqu’au 7 avril. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité.