« HPI » : Franck Martins, le vrai commandant de police lillois qui nourrit la série de TF1

Le commandant Karadec, c’est un peu lui. Le héros de la série policière de TF1, HPI, s’inspire, en effet, de l’expérience d’un véritable flic qui travaille dans les services de la police judiciaire de Lille. Ou plutôt travaillait car il vient de partir à la retraite. Et si le personnage joué par Mehdi Nebbou n’a rien à voir avec le caractère du commandant de police Franck Martins, le lien entre les deux hommes a permis de crédibiliser le rôle et de nouer une véritable amitié. Alors qu’une nouvelle séquence de tournage vient de commencer dans le Nord pour la saison 3, 20 Minutes est allé à la rencontre du flic qui nourrit HPI.
Comment a commencé cette collaboration sur la série HPI ?
Notre directeur interrégional de la police judiciaire, Romuald Muller, a été sollicité par une maison de production qui envisageait de tourner une série policière à Lille. Le héros était un commandant de police de la brigade criminelle et l’équipe de tournage menait des recherches documentaires sur le métier. Elle voulait s’approcher le plus près possible de la réalité.
Comment s’est passée la première rencontre ?
Un repas a été organisé avec la commissaire qui me dirigeait et les deux acteurs, Mehdi Nebbou et Marie Denarnaud, qui, elle, devait interpréter le rôle de la commissaire. Je devais évoquer mon expérience personnelle du métier. A l’issu, l’équipe nous a demandé de les aider sur les scénarios. Nous devions les relire et leur apporter une crédibilité. Au départ, c’était surtout un travail technique.
Et votre rôle, dans l’élaboration de cette fiction, a évolué…
Mehdi Nebbou m’a demandé de le coacher directement. Il voulait que son personnage sonne juste et s’imprégner du rôle dans le registre de l’Actors studio. On a passé des heures à travailler et l’alchimie a pris. On est devenu bons copains et mon investissement dans cette série est devenu de plus en plus grand. Je me suis retrouvé sur les tournages pour donner mon avis. De fil en aiguille, j’ai fait partie de l’équipe. Au point de signer un contrat d’auteur au forfait avec la maison de production. Je vais même jouer un petit rôle dans la saison 3.
Comment avez-vous vécu cette plongée dans le monde de la fiction ?
J’y suis entré comme le puceau de la bande. Je n’y connaissais rien, mais j’ai été agréablement surpris de la reconnaissance de la production et du respect de chacun. J’ai eu l’opportunité de rencontrer des réalisateurs et réalisatrices différents. Et, c’est très bizarre mais, quand je regarde chaque épisode, je retrouve la sensibilité de chacun ou de chacune.
Quel est votre avis sur cette série ?
J’aime beaucoup le duo que Mehdi Nebbou forme avec Audrey Fleurot qui joue Morgane : c’est le clown blanc et l’Auguste. Pour pouvoir croire au personnage de Morgane, il faut obligatoirement croire en celui de Karadec. Dans une fiction policière, la part de réalité est primordiale sinon personne n’y croit. Et dans ce genre de séries, le spectateur peut zapper aussi vite qu’il s’est passionné.
Généralement, aimez-vous les séries policières ?
En tant que professionnel, je ne peux pas m’empêcher d’avoir un œil critique. Pour moi, la référence parfaite, c’est Colombo, toujours crédible et très documenté. Mais la meilleure série policière de tous les temps, elle est à venir.
Vous êtes à la retraite depuis quelques semaines, cette expérience vous donne-t-elle des idées pour la suite ?
J’aimerais beaucoup collaborer sur des projets de films, mais je ne m’en sens pas encore légitime. En attendant, j’aimerais écrire, utiliser les 30 ans d’archives que j’ai dans ma tête. A la police judiciaire, on encaisse beaucoup. J’ai besoin de rassembler les souvenirs et de les restituer.
Est-ce le métier qui provoque ça ?
Ce métier m’a beaucoup appris sur l’humain, mais aussi beaucoup sur moi-même. Quand vous interrogez un criminel, vous arrivez à percevoir l’humain à travers le monstre. Ce sont des sentiments bizarres. Je ne garde plus aucune des convictions que j’avais en entrant dans la police. Je pensais qu’il y avait les méchants et les gentils avec des frontières bien délimitées. Or, le monde n’est pas manichéen. Il est évidemment bien plus complexe que celui que je croyais percevoir dans ma jeunesse.
Pourquoi avoir choisi d’entrer dans la police ?
Un peu comme Serpico, le flic new-yorkais. Quand j’étais petit, un jour que je rentrais de l’école, je suis tombé sur un attroupement. Personne ne parvenait à voir ce qui se passait. Et puis, un mec est arrivé et la foule s’est écartée. Je me suis dit : « Lui, il sait. Un jour, moi aussi, je veux savoir et être au cœur de ce qui se passe ». Notre ordinaire de policier, c’est l’extraordinaire des autres.
C’est ce que vous souhaitez mettre en écriture ?
Ecrire, c’est mettre en ordre ses obsessions, se libérer du fardeau qu’on a dans la besace, de la noirceur qu’on a accumulée. Certaines affaires m’ont tellement marqué que j’ai envie de les raconter de l’intérieur, avec la part de romanesque nécessaire, bien sûr. Ce qui m’intéresse particulièrement, c’est de montrer l’humanité qui existe au sein de la police judiciaire, mais aussi de la police en général. On montre rarement l’incidence des affaires, comme les meurtres d’enfants ou les attentats, sur les policiers. On explique très peu à quel point ça peut affecter, voire traumatiser. Je verrai toute ma vie, dans le faisceau de ma lampe, en pleine nuit, le pied d’une petite fille qui avait été enterrée dans un bois.