France

« Hitler a voulu défendre son peuple »… Huit jeunes hommes de « Bordeaux nationaliste » jugés pour des violences

Habillés en noir et pour certains masqués, ils se ruent vers un groupe de noctambules qui discutent sur le trottoir en hurlant « Bordeaux Nationaliste ! » à plusieurs reprises, tout en effectuant des saluts nazis, en pleine rue. C’est l’une des vidéos diffusées ce jeudi dans la salle d’audience où huit jeunes hommes sont jugés pour des violences en réunion et un outrage à caractère sexiste, dans la nuit du 24 au 25 juin dans le quartier cosmopolite de Saint-Michel, à Bordeaux. Trois victimes sont sur le banc des parties civiles, supportées par la Licra, SOS racisme et la Ligue des droits de l’Homme. Un rassemblement était organisé dès 8 heures devant le palais de justice, à leur initiative.

Parmi ces huit jeunes hommes inconnus des services de police, sept sont âgés de 20 à 27 ans et l’un de 38 ans. Dans leurs petits souliers à l’audience, ils expliquent difficilement qu’il s’agissait ce soir-là d’une « soirée festive entre copains » où on « lève les mains comme en manifestation », a tenté de minimiser à la barre Fabien Alos, l’un des prévenus, peu loquace. « Le bras en l’air avec la main à plat, cela ressemble pourtant à un salut nazi », oppose Charles Moynot, le président du tribunal.

« L’intention d’en découdre »

Il a diffusé également une photo du groupe posté ce soir-là sur les réseaux qui pose devant « Le singe vert », un bar connu pour être un fief des antifascistes. Ils ont alors recours à plusieurs gestes de ralliement de l’extrême droite comme les trois doigts levés, en référence au groupe suprémaciste blanc Ku Klux Klan (KKK). Le président a l’air peu convaincu des arguments du prévenu pour parler d’une banale photo de soirée, sans intention provocatrice. Certains sont cagoulés pour « ne pas être reconnus » mais en même temps ils chantent le nom de leur groupe à tue-tête… L’un d’eux porte des gants de moto coqués. « C’est pratique pour faire de la moto, commente le président, mais ils sont aussi appréciés des gens qui aiment les rixes. »

Et d’ailleurs, dans une autre vidéo, on les voit vociférer « Et là, ils sont où les antifas ? », au gré de leurs déambulations. Il est environ 2 heures du matin et la synthèse de l’enquête policière lue en début d’audience parle d’un groupuscule armé et masqué avec l’« intention d’en découdre ». Au moins trois personnes vont regretter d’avoir croisé son chemin ce soir-là. Amine était chez lui et a entendu des cris de singes et des insultes racistes, il descend pour prévenir les riverains du danger mais se retrouve encerclé. Il reconnaît donner un premier coup de poing avant de s’écarter mais il est gazé et reçoit en représailles une pluie de coups. « On ne sait jamais avec les téléphones ça peut aller vite, ils pouvaient nous attendre un peu plus loin », avance Lucas Alos, pour défendre un supposé soulèvement défensif.

Une quinzaine de minutes de violences

Après le coup d’Amine, la réplique des nationalistes dont certains sont munis de barres de fer, est très forte. Elle dégénère en bagarre puis en rixe. La version des prévenus diffère. En garde à vue ils expliquent qu’ils se sont portés au secours d’un couple qui se faisait racketter par des Maghrébins mais dans un communiqué officiel de Bordeaux Nationaliste, publié au lendemain des faits, ce sont finalement des supporteurs de Liverpool qui s’en seraient pris au couple. « Comment expliquez-vous qu’on ne retrouve pas ce moment sur les vidéos ? », interroge, circonspecte, la procureure Aglaë Fradois.

Marie, qui rentrait de soirée, a été contrainte de passer devant le groupe pour rentrer chez elle et s’est fait traiter de « sale meuf, sale pute » avec en fond des slogans comme « On est chez nous, rentrez chez vous ». La troisième victime collatérale, si on en croit son conseil Dominique Laplagne, c’est Guillaume qui a eu le malheur de passer par là au mauvais moment. Il est gazé et frappé de façon gratuite par un des membres du groupe lorsque la rixe de rue éclate. Au total, le président du tribunal a comptabilisé quinze minutes de violences avec des jets de projectiles (pierres, bouteilles en verre, etc.), précisant que « la matérialité de ces violences n’est pas contestée ».

Des autocollants nationalistes sèment le malaise

Des perquisitions ont été réalisées, notamment au domicile de Lucas Alos. Des autocollants et autres documents de la mouvance nationaliste y sont retrouvés. Parmi eux, un autocollant avec une émoticône de Hitler. Quand on lui demande de s’expliquer le prévenu avance qu’il « fait la collection et qu’on le lui a offert ». Il finit par condamner le nazisme du bout des lèvres, tout en ajoutant qu’« Hitler a voulu défendre son pays et son peuple ». Malaise dans la salle… Certains des prévenus, dont Lucas, ont porté plainte après la commission des faits pour des insultes de « sales blancs » à leur encontre, ce soir-là.

« On est passés pas loin de quelque chose de très grave », avertissait avant l’ouverture de l’audience Sandrine Malet, membre du bureau de SOS racisme, qui précise qu’une lettre ouverte au préfet a été envoyée par les associations « pour souligner la gravité des faits. »

Le procès se poursuit jusqu’à ce vendredi. La décision du tribunal pourrait être mise en délibéré.