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Hérault : Dans un département en proie à la sécheresse, un projet de golf ne fait pas l’unanimité

Le projet de golf de Montagnac (Hérault) est-il en train de prendre l’eau ? Dans cette commune de 4.300 habitants, la construction d’un terrain de 18 trous, dans un domaine haut de gamme, est loin de faire l’unanimité. Ce sont les besoins en eau du site, dans un département régulièrement touché par d’inquiétants épisodes de sécheresse, qui font bondir ses opposants. Si la construction du golf et du complexe hôtelier attenant a été validée par les services de l’Etat il y a une dizaine d’années, elle n’a plus lieu d’être, selon eux, aujourd’hui, alors que les alertes sur les ressources en eau se multiplient.

Parmi les élus du coin les plus remontés, Eric Poujade (Génération Ecologie). Ce conseiller municipal du Vigan (Hérault), qui siège à la Commission locale de l’eau (CLE) du fleuve Hérault, dénonce un projet complètement déconnecté de la réalité. « C’est un projet, écologiquement, qui est insoutenable, notamment après ce qu’il s’est passé chez nous, dans les Cévennes », confie-t-il à 20 Minutes. L’été dernier, en pleine sécheresse, les producteurs d’oignons doux avaient, notamment, crié leur désespoir. Ils n’avaient, à l’époque, plus le droit d’irriguer leurs cultures, en raison de la pénurie d’eau.

« Qu’est-ce qu’on va leur dire, à ces agriculteurs ? »

« L’enjeu, c’était de sauver ces gens, qui étaient sur le point de perdre leur gagne-pain, poursuit Eric Poujade. Qu’est-ce qu’on va leur dire, à ces agriculteurs, l’été prochain ? Qu’eux ne peuvent pas arroser leurs champs, mais que les ressources, on les réserve pour une poignée de personnes qui viendront faire un 18 trous bien vert à quelques kilomètres de là ? C’est incompréhensible. Nous demandons l’annulation pure et simple du projet. C’est une aberration. » Sans compter que, note Eric Poujade, ce golf, ce sont « des terres arables bétonnisées pour un public qui ne s’investira jamais localement ».

« On ne peut plus, désormais, faire n’importe quoi avec l’eau », assène, de son côté, Philippe Doutremepuich (sans étiquette), le maire de Causse de la Selle et président de la CLE, qui, lui aussi, est opposé à cette construction. « C’est un projet anachronique du point de vue des contraintes qui pèsent sur nous en matière d’approvisionnement en eau. » Deux fois, l’organisme présidé par Philippe Doutremepuich, qui rassemble des collectivités, des représentants agricoles et des associations, a donné un avis défavorable à la construction de ce golf. « Ce que l’on dit, c’est que l’on ne peut pas consacrer 320.000 m3 d’eau par an, notamment l’été, pour les greens d’un golf », poursuit l’élu.

« Nous ne sommes pas en mesure de satisfaire les besoins en eau du golf », indique-t-on, chez BRL

Du côté de BRL, l’organisme public chargé d’acheminer l’eau, on précise qu’il n’est pas question d’exprimer une quelconque opinion sur le projet de golf. En revanche, ce concessionnaire peut évaluer si oui, ou non, il est en capacité de satisfaire leurs besoins. Et en ce qui concerne le projet de Montagnac, la réponse est, très clairement, non. « C’est une question qui s’est posée, en 2011-2012, lorsque le projet a été soumis à l’autorisation des services de l’Etat, explique à 20 Minutes Jean-François Blanchet, le directeur général du groupe BRL. A l’époque, il y avait une capacité technique pour raccorder le golf et satisfaire ses besoins en eau. Cependant, depuis, le changement climatique s’est renforcé. Et les besoins en eau se sont exprimés de façon plus importante, notamment pour les agriculteurs. Et, parallèlement, les ressources en eau sont désormais plus contraintes, du fait de l’élévation des températures, et d’un cycle de l’eau plus incertain. »

Cette « nouvelle équation hydraulique », « moins de ressources, et plus de besoin », exige une « gestion de l’eau plus précise », note Jean-François Blanchet. « Aujourd’hui, nous ne pouvons que constater que nous ne sommes pas en mesure, dix ans plus tard, de satisfaire les besoins en eau du golf, à partir de nos installations. » D’autant que ces dernières années, avec la multiplication des alertes à la sécheresse, priorité est donnée à l’accès à l’eau potable et à l’irrigation des terres agricoles, note le directeur général.

« Environ 200 emplois [directs] à terme »

Le domaine de Lavagnac, et Luigi Pisano, qui portent le projet de golf à Montagnac, n’ont pas répondu aux sollicitations de 20 Minutes, mardi. Sur BFM TV, Luigi Pisano a mis en avant les créations d’emplois que cela va générer. « La commune est particulièrement pauvre, a-t-il confié. C’est quoi, les retombées ? C’est, aussi, de pérenniser de l’emploi, environ 200 emplois à terme, des emplois directs. Sans compter les emplois indirects. »

« Est-ce que le bassin où va être exploité le futur golf peut se passer d’un investissement global d’environ 250 millions d’euros ? », a-t-il ajouté, sur France Bleu Hérault. Quant à l’argument des besoins en eau du projet, Luigi Pisano a rétorqué sur les ondes de la station héraultais qu’aujourd’hui « la ressource en eau est partagée. Je ne vois pas pourquoi les golfs doivent être exclus, d’office, de ce partage-là. Sachant, aussi, que les mentalités évoluent. Les joueurs de golf sont, aussi, attentifs à ces choses-là. Il fut un temps où [ils] avaient besoin d’un golf qui soit vert fluo. C’est terminé, cette période. »