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Haute Autorité de santé : C’est quoi cette controverse autour de la maladie de Lyme ?

Maladie chronique ou non ? C’est le retour d’une grande polémique médicale qui date de plus de quinze ans autour de la maladie de Lyme. Existe-t-il une forme persistante ? En sourdine depuis les années Covid, le débat reprend en France, après un avis contesté de la Haute Autorité de santé (HAS). La HAS a publié fin février de nouvelles recommandations sur la prise en charge de la borréliose de Lyme, une infection bactérienne provoquée par les morsures de tiques. Des recommandations qui, encore une fois, font polémique dans plusieurs camps. 20 Minutes revient sur cette controverse autour de la maladie de Lyme.

C’est quoi la maladie de Lyme ?

La borréliose de Lyme ou maladie de Lyme est une maladie infectieuse due à une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato transmise à l’être humain par piqûres de tiques infectées, rappelle Santé publique France. Chaque année, plusieurs dizaines de milliers de Français sont infectés et quelques centaines finissent à l’hôpital. L’infection se traduit le plus souvent par une rougeur de la peau vers la morsure, de la fièvre, d’importants maux de tête mais peut aussi causer d’autres troubles, notamment neurologiques et des douleurs dans les articulations. On retrouve par exemple de l’arthrite ou encore des pertes de mémoires.

D’où vient la polémique ?

La prise en charge immédiate de la maladie ne fait guère débat : donner rapidement des antibiotiques aux patients. Mais il existe une polémique autour d’une forme chronique… ou pas. Un nombre conséquent de patients ont en effet des symptômes pendant des mois, voire des années. Pour rappel, une maladie chronique est une maladie de longue durée et évolutive qui peut s’aggraver avec le temps, pouvant être contrôlée mais rarement guérie, selon Santé et Service Sociaux. Pour une petite part du corps médical, souvent soutenue par les associations de malades, cela s’explique par la persistance durable de la bactérie dans l’organisme. Mais cette position, qui n’a jamais été appuyée par des études solides, ne convainc pas la majorité des médecins qui peinent néanmoins à expliquer la présence de symptômes à long terme.

Le précédent avis de la HAS remontait à 2018 et avait mécontenté les deux camps. Il reconnaissait l’existence de symptômes persistants, des termes qui n’allaient pas assez loin pour les partisans d’une forme chronique, mais qui étaient déjà trop affirmatifs pour les principales sociétés savantes. Celles-ci, aux côtés de l’Académie de médecine, avaient carrément publié leurs propres recommandations, un rare désaveu pour la HAS.

Quelle est la position de la Haute Autorité de santé ?

Les recherches autour du Covid long ont donné plus de crédibilité aux symptômes dits « post-infectieux ». Et c’est bien parmi ces derniers que la HAS classe désormais la forme persistante de la maladie de Lyme.

A certains titres, son nouvel avis va plus loin. Elle insiste quant au fait que les symptômes persistants sont une « pathologie reconnue » et impose d’éviter une « errance médicale » aux patients. Ce nouvel avis tend alors à la définition de certaines maladies sans pour autant choquer les médecins comme en 2018.

Qu’en pensent les médecins ?

En phase avec le consensus scientifique sur le sujet, l’HAS ne parle pas de forme chronique et évoque uniquement des symptômes « post-traitement ». La nuance est de taille, car elle écarte l’idée d’une présence de la bactérie à long terme, pour privilégier des hypothèses comme un dérèglement du système immunitaire.

Cet antagonisme nuit depuis longtemps au suivi des patients. L’hypothèse d’une présence durable de la bactérie sert de base à des thérapies à l’efficacité non avérée, proposant des mois de prise d’antibiotiques. Mais, parallèlement, des patients témoignent s’être heurtés à des médecins qui refusent largement d’admettre l’existence de symptômes durables.

Quelle est la position des associations ?

« Dans ces conditions, il nous est impossible d’endosser ces recommandations », a prévenu dans un communiqué transmis jeudi à l’AFP la Fédération française contre les Maladies vectorielles à tiques (FFMVT), bastion des partisans d’un Lyme chronique. La FFMVT, qui a participé aux discussions, dit avoir demandé en vain l’introduction d’un paragraphe évoquant un « dissensus » sur le sujet. Elle regrette, par ailleurs, que la HAS intègre des psychothérapies dans ses recommandations de suivi. Le sujet est sensible car les associations rejettent en bloc l’idée d’une explication psychosomatique dans certains cas.

Cette polémique de fond se double, par ailleurs, d’accusations quant à l’usage de financements dédiés à la recherche sur la maladie, alors que les parlementaires avaient débloqué fin 2023 dix millions d’euros dans ce but. Selon la FFMVT, l’Inserm en a consacré l’essentiel à combler ses frais de fonctionnement. Interrogé par l’AFP, l’institut a contesté cette interprétation, affirmant que l’usage des dix millions serait étalé sur plusieurs années et niant tout « déficit à combler ».