France

Hausse de la taxe sur les billets d’avion : Enfin un moyen de limiter les émission du secteur, réagit une association

Est-ce une bonne nouvelle pour la transition écologique ? Jérôme Du Boucher, responsable aviation de Transport & Environnement France, une fédération mobilisée pour le transport propre en Europe, n’a aucun doute. Il réagit auprès de 20 Minutes, après l’adoption mardi par la commission mixte paritaire d’une hausse de la taxe sur les billets d’avion (TSBA).

Mise en place à partir du 31 mars 2025, elle doit permettre de réaliser environ 900 millions d’euros de recettes supplémentaires pour l’Etat. En classe économique sur les vols en Europe, elle sera de l’ordre de 7 euros par billet (contre 2,63 euros aujourd’hui), de 15 euros pour les destinations intermédiaires et de 40 euros pour les destinations lointaines.

Est-ce que cette mesure peut contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique, même si son niveau est en deçà de ce qui était envisagé à un moment ?

Bien qu’elle a été revue un peu à la baisse, soit 100 millions d’euros de manque à gagner par rapport à la version du gouvernement, cela reste une mesure très positive, d’un niveau inédit, qui va dans le bon sens. C’est le signe d’une ouverture d’esprit sur la possibilité d’avoir une action fiscale sur ce secteur.

Le design de la taxe reflète les émissions en fonction de la distance : plus on voyage loin, plus les émissions sont élevées, donc c’est normal et positif de refléter cet impact climatique sur le niveau de la taxe appliquée. Plusieurs de nos voisins européens ont déjà franchi le pas. Le Royaume Uni il y a longtemps mais aussi les Pays -Bas et récemment l’Allemagne en 2019, puis 2024.

Quels sont les effets escomptés par la mesure ? Cela peut-il conduire à décourager certains voyageurs de prendre l’avion ?

Pour mesurer l’effet de la hausse des prix sur la demande, les économistes utilisent une grandeur économique qu’on appelle l’élasticité des prix. Celle-ci est variable en fonction de l’usage de l’avion (retour dans son pays d’origine, tourisme, activité professionnelle etc.) mais de manière globale, le relèvement du prix des billets va statistiquement avoir un effet sur la demande. C’est bien ce qu’on recherche en demandant cela.

Aujourd’hui le secteur est vraiment extrêmement peu taxé, il jouit d’exonérations fiscales massives et cela conduit à des prix de billets qui sont excessivement peu chers. Pour l’usage des loisirs qui représente la majorité des vols, le choix de la destination peut dépendre du prix du moyen de transport. Aujourd’hui, certains billets sont vendus si peu chers, que cela rend impossible de maîtriser la demande. C’est comme faire rentrer un enfant dans un magasin de confiseries, où tout serait gratuit, en lui demandant de ne pas en profiter car c’est mauvais pour sa santé. C’est voué à l’échec.

Que demande T & E pour aller plus loin dans la régulation du secteur aérien au vu des objectifs climatiques de 2050 ?

On demande progressivement, via la TSBA, de compenser tout le manque à gagner pour qu’il y ait une justice fiscale (à hauteur de sa consommation de kérosène fossile, de ses émissions carbones, et avec une TVA au-delà des seuls 10 % appliqués pour les vols domestiques). On a chiffré les exonérations fiscales à 6,1 milliards d’euros pour la France en 2025. C’est un horizon dont on appelle le gouvernement à se saisir, et la hausse de la TSBA est une bonne étape pour aller vers cet objectif.

On estime que chaque projet de loi de finances devrait être l’occasion de demander un réajustement pour maîtriser la croissance du trafic. Pourquoi ? Parce que les compagnies aériennes renouvellent leurs flottes d’avions ce qui leur permet d’économiser du carburant et de baisser leurs prix, et c’est ça qui stimule la demande. A minima, il faudrait que la fiscalité s’adapte à cet effet rebond, chaque année.

Selon votre fédération, faut-il forcément aller vers une décroissance du trafic aérien ?

Avant de parler de décroissance, on veut limiter la croissance du trafic. Dans notre dernière publication de janvier, on a croisé les prévisions de croissance au niveau européen avec les objectifs d’incorporation de carburants alternatifs adoptés par l’UE, et on voit qu’en 2049 les émissions n’auront pas baissé par rapport à 2019. Tous les efforts réalisés sur les carburants seront effacés par la croissance du trafic.

Toutes nos infos sur le trafic aérien

Si on veut vraiment baisser drastiquement les émissions : il faut faire en sorte qu’il n’y ait pas une croissance effrénée du secteur et en ce sens la fiscalité est centrale. Or, la croissance du trafic c’est vraiment l’axiome sur lequel le secteur s’est construit et il ne veut pas le remettre en cause.