« Guillaume Kasbarian dénonce des Français libéraux ignorants sur le budget »
Dix-sept députés ont voté pour supprimer l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités, tandis que 343 députés ont choisi de maintenir cette exonération. Guillaume Kasbarian a déclaré : « Je ne suis pas convaincu que l’on puisse augmenter les cotisations sur les actifs pour financer l’épargne de certains retraités ».
Dix-sept députés seulement ont voté en faveur de la suppression de l’abattement fiscal de 10 % pour les retraités, tandis que 343 ont opté pour son maintien. Guillaume Kasbarian, qui a « évidemment voté pour la suppression », est convaincu que l’Histoire lui donnera raison et qu’une majorité politique le rejoindra, même s’il fait actuellement figure de minoritaire à l’Assemblée.
Depuis son arrivée au sein de l’Assemblée, cet ancien conseiller d’entreprise a une idée peu commune pour un politique français : réduire la dépense publique. Selon ses mots, il souhaite « la tronçonner », un terme emprunté à Javier Milei, le président argentin anarcho-libéral et « une des inspirations naturelles » de Kasbarian. Cependant, le contexte politique à Paris, très différent de Buenos Aires, rend difficile l’implantation d’un libéralisme marqué. Malgré la polarisation politique actuelle, tous les élus semblent d’accord pour augmenter les dépenses publiques lors de l’examen du budget, comme le souligne l’ancien ministre du Logement. Il cite en exemple le maintien de l’abattement fiscal pour les retraités, la suspension de la réforme des retraites (255 votes pour, 146 contre) et le refus de geler les minima sociaux (308 pour, 99 contre).
Guillaume Kasbarian est donc à l’aise avec les chiffres. La suspension de la réforme des retraites entraînera un coût additionnel de 1,5 milliard d’euros dans les dépenses publiques d’ici à 2027. Le maintien de l’abattement fiscal coûtera entre 2 et 4 milliards en plus. Quant au dégel des minima sociaux, cela représentera 3,6 milliards cette année, puis 6 l’année suivante. Concernant les 25 milliards de revalorisations des retraites en 2024, il rappelle que 19 milliards seront épargnés par les bénéficiaires, se référant aux calculs d’Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics. « Je ne suis pas convaincu que nous puissions augmenter les cotisations pour financer l’épargne de certains retraités », admet Guillaume Kasbarian.
Il suit de près les avertissements émis par Bercy et les instituts économiques : « Nous allons dans le mur. Et quand je vois un mur, j’essaie de l’éviter. Pourtant, ça continue depuis des décennies. » Est-il un Cassandre légitime ou simplement un franc-tireur cherchant à se faire remarquer dans un macronisme en pleine dilution ? « Il s’est trouvé un personnage pour exister, mais il finira par être bombardé comme tous les anciens élus macronistes », critique un ancien ministre de la même mouvance.
Beaucoup reprochent à Kasbarian son appartenance à un parti dont le paradoxe est flagrant : comment prôner la réduction des dépenses publiques tout en appartenant au même camp que Bruno Le Maire, défenseur du « Quoi qu’il en coûte » et du dérapage budgétaire ? Un membre haut placé du Rassemblement National lui fait un reproche : « Il fait partie d’une majorité dont tous les budgets sont qualifiés de dépense publique hors de contrôle par la Cour des comptes. Sa position politique n’a aucun sens ! »
Les actions passées de Kasbarian soulèvent également des critiques. « Les pires déficits hors Covid ont eu lieu quand il était ministre de la Fonction publique », constate un responsable de l’opposition. Actuellement, « il ne propose aucune baisse de la dépense publique, sauf de rares amendements de posture. » Son statut de « seul contre tous » est également moqué, comme le souligne un élu de LFI : « Des macronistes lui parlent, lui sourient. Bien sûr qu’il a du soutien. » À propos de son parti, Guillaume Kasbarian se défend : « Nous avons été le seul groupe à refuser de dégeler toutes les retraites et toutes les prestations. » Concernant Bruno Le Maire, « il est le ministre qui a le plus averti sur les risques de dérapage. »
Son approche jusqu’au-boutiste a aussi des partisans. « Il est très libéral, clairement plus que moi et que la moyenne du groupe Ensemble pour la République », défend un député qui est aussi membre des « 17 ». « Mais il est toujours utile d’avoir sa vision pour équilibrer cette Assemblée pleine de gens qui veulent toujours plus d’impôts et de dépenses. »
Guillaume Kasbarian en fait-il trop ? « Que ce soit à la tronçonneuse, au sécateur, à la serpe, ou d’autres outils », assure-t-il, sauf la faucille et le marteau. « Ce dont je suis sûr, c’est qu’il faut réduire les prélèvements obligatoires et la dépense publique pour permettre aux gens de vivre de leur travail. » Un député de l’EPR nuance : « Clivant ? Il l’est assurément. Trop, je ne pense pas. »
Début novembre, quand Guillaume Kasbarian évoque sur X le record d’expulsion des squatteurs, résultat de sa loi « antisquat » alors qu’il était ministre du Logement, il reçoit de nombreuses menaces de mort. « C’est quelqu’un d’inhumain qui se vante de mettre des gens à la rue », lui rétorque un élu de LFI. Cependant, Guillaume Kasbarian refuse de modifier son discours : « Je ne vais pas regretter de défendre la loi qui a été votée et que j’ai portée, ni de défendre les préfets ni les juges. La propriété privée est une composante de la liberté, c’est un élément fondamental des droits de l’homme. »
Si l’Assemblée nationale se montre donc opposée à sa vision, il espère que la population finira par la soutenir. « Je crois que les Français sont des libéraux qui s’ignorent. Le ras-le-bol fiscal ne sera pas qu’une réalité théorique mais une réalité concrète que chacun ressentira chaque mois dans sa fiche de paie, et à la fin de l’année lors des calculs. À un moment, les gens diront stop », se persuade-t-il. Dans les années 1970, un salarié touchait 69 euros nets pour 100 euros gagnés, contre 54 en 2025, rappelle Antoine Foucher, spécialiste des questions sociales. Guillaume Kasbarian affirme observer des signaux faibles. Le mouvement « Nicolas qui paie » sur X, ou encore le dernier baromètre du Conseil des prélèvements obligatoires, montrent que 78 % des Français estiment payer trop d’impôts, contre 75 % en 2023.
Les courbes démographiques, qui annoncent de moins en moins d’actifs, soutiennent ses théories sur les dépenses publiques, mais cela rend-il son combat impossible ? Comment revendiquer une baisse des pensions de retraite alors que le poids électoral des seniors augmente ? « C’est le rôle des politiques de prendre des décisions parfois difficiles. Sinon, il faut faire le Père Noël. Mon rôle n’est pas de transférer vers les générations futures et sur mes successeurs les problèmes que nous rencontrons. »
Malgré les obstacles, Guillaume Kasbarian reste optimiste : la révolte des actifs se produira. D’ici 2027 ? « Je ne peux pas me résoudre à choisir entre le socialisme de gauche et le socialisme du Rassemblement National. Les Français ne sont pas idiots : quand ils constatent un problème face à des responsables politiques qui ne l’affrontent pas, cela les rend – à juste titre – furieux. Cela signifie qu’il y a de la place pour une offre politique qui le fera. » Il se voit dans cette dynamique, même s’il ne sait pas quelle forme prendra cette force ni quel rôle il occupera. C’est tout le paradoxe de Kasbarian : convaincu de mener un combat juste et nécessaire, mais sans trouver l’endroit approprié pour mener la bataille.

