Guerre Israël – Iran : Le régime des mollahs peut-il tomber si Ali Khamenei est tué ?

«Pour le moment », l’ayatollah Ali Khamenei est « en sécurité ». Et ce même si les Etats-Unis « savent exactement où il se cache », menaçait mardi Donald Trump. Alors qu’Israël et l’Iran s’affrontent par les airs depuis le 13 juin, certains espèrent que cette guerre entraînera la chute – voire la mort – du guide suprême iranien. Benyamin Netanyahou a ainsi assuré que l’élimination de Khamenei, au pouvoir depuis plus de trente-cinq ans, mettrait « fin au conflit ». Le Premier ministre israélien a d’ailleurs appelé les Iraniens à se soulever contre le pouvoir.
En parallèle, l’opposition démocratique iranienne se trouvait au Parlement européen mercredi. « La guerre principale est la guerre du peuple iranien et de sa résistance contre le fascisme religieux au pouvoir », a asséné Maryam Radjavi, présidente élue du Conseil national de la Résistance iranienne (CNRI), devant les députés européens. Hamid Enayat, politologue et fervent soutien de l’opposition démocratique iranienne, assure que si le régime tombait demain, le CNRI pourrait prendre le relais. Il pourrait s’appuyer sur un « programme détaillé », construit depuis quarante ans autour de la séparation de la religion et de l’Etat ainsi que de l’égalité femmes-hommes.
« Toutes les institutions sont liées à Khamenei »
Selon lui, « une résistance puissante est active [et mobilisera] toutes ses forces pour déclencher un soulèvement national » si Ali Khamenei est tué. Le mouvement d’opposition est toutefois en exil. « Le régime est très fragilisé, il était déjà impopulaire et illégitime du fait d’une série de mouvements sociaux dès 2018, analyse Azadeh Kian, professeure de sociologie à l’université Paris Cité, spécialiste de l’Iran. 80 % de la population iranienne souhaite un changement de régime. » Alors, en coupant la tête du régime, Israël le ferait-il vraiment tomber ?
C’est ce que pense Hamid Enayat : « Avec la mort de Khamenei, l’ensemble de son régime s’effondrera. Non seulement parce que les plus hauts responsables des Gardiens de la révolution ont été éliminés, mais aussi parce que toutes les institutions du régime, qu’il s’agisse des pasdarans, de l’armée ou des services de renseignement, sont directement liées à Khamenei. »
Du « militaro-théocratique » au « militaire »
Sur place, la répression semble se durcir. Mercredi, Téhéran a arrêté cinq personnes, accusées d’être des agents du Mossad qui « noircissaient » l’image de la République islamique en ligne. « En pleine guerre, cette même société civile qui avait réussi à fragiliser le régime et était en train de monter en puissance et d’obtenir des acquis est très fragilisée », soupire Azadeh Kian. Pour la spécialiste de l’Iran, la mort d’Ali Khamenei « ne renverserait pas le régime » mais le transformerait, passant d’un régime « militaro-théocratique » à un régime « militaire ».
Car en temps de guerre les Gardiens de la révolution concentrent plus de pouvoir. Ce sont eux qui « ont la main sur les missiles balistiques et les activités de ripostes », rappelle Azadeh Kian. Pour Maryam Radjavi, « la seule solution est le renversement de ce régime par le peuple iranien et sa Résistance. C’est pour cela que nous disons « ni Chah ni Mollahs », ce qui signifie que le peuple iranien n’accepte aucune forme de dictature et aspire à la liberté. »
Le spectre du chaos
La perspective d’un retour de la monarchie ne semble, en effet, pas se profiler en Iran. Malgré ses ambitions, Reza Pahlavi, fils du Chah d’Iran en exil depuis près de cinquante ans, occupe une place restreinte sur la scène politique nationale. De plus, l’héritier du trône renversé en 1979 « a soutenu les bombardements israéliens sur l’Iran, sous prétexte qu’Israël ne visait soi-disant pas les civils. Il avait déjà peu de légitimité en Iran, il n’en a désormais aucune », tranche Azadeh Kian. Son désir d’un retour à la monarchie constitutionnelle semble donc peu probable.
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Sans chah ni démocratie, la mort d’Ali Khamenei pourrait alors plonger l’Iran dans le « chaos », a prévenu Emmanuel Macron mardi. « Tous ceux qui croient qu’en frappant avec des bombes depuis l’extérieur, on sauve un pays malgré lui-même et contre lui-même se sont toujours trompés », a asséné le président français, faisant notamment référence à l’invasion de l’Irak par les Américains en 2003. Une analyse partagée par Azadeh Kian : « Aucun régime démocratique ne peut sortir d’une guerre. Avez-vous souvenir qu’un régime démocratique ait émergé dans la région à la faveur des bombardements ? »