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Guerre Israël – Hamas : Après l’ultimatum de Donald Trump sur les otages à Gaza, « on doit s’attendre au pire »

C’est une bombe qui fragilise un peu plus le maigre fil qui tient encore l’accord de trêve signé entre le Hamas et Israël. Donald Trump a lancé un ultimatum au groupe islamiste palestinien : libérer la totalité des otages d’ici à samedi ou subir « un enfer » dans la bande de Gaza.

Pourquoi le président américain lance-t-il une telle menace ? Quelles peuvent en être les conséquences ? Le Hamas peut-il plier face aux exigences américaines ? Eléments de réponses avec Adel Bakawan, directeur du European institute for studies on the middle east and north africa (EISMENA).

Une réponse aux menaces du Hamas

Après avoir envisagé de reconstruire la bande de Gaza et d’en faire une nouvelle « Riviera », le président américain perd patience concernant le sort des otages israéliens. La libération samedi dernier d’Or Levy, 34 ans, d’Eli Sharabi, 52 ans, et de l’Israélo-Allemand Ohad Ben Ami, 56 ans, extrêmement amaigris et forcés de parler sur une estrade devant les caméras dans une inhumaine mise en scène, a bien failli faire tomber le fragile accord de trêve.

De plus, lundi, le Hamas a menacé de reporter la prochaine libération prévue samedi, en accusant Israël de violer l’accord. Il a néanmoins assuré que « la porte reste ouverte » pour une libération samedi si Israël « s’acquitte de ses obligations ». Des menaces qualifiées de « terribles » par Donald Trump. Le locataire de la Maison Blanche a donc réclamé pour samedi au plus tard la libération de la totalité des otages détenus dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre 2023. Pour rappel, l’accord signé au terme de sinueuses négociations le 19 janvier dernier implique la libération de 33 otages israéliens sur six semaines.

« On passe d’un récit à un autre récit. Alors que les Etats-Unis soutenaient jusqu’ici le cessez-le-feu, se dessine désormais la fin de l’accord de trêve et la reprise des combats, en plus violents », prédit Adel Bakawan. Quelle forme peut prendre cette offensive brandie par Washington ? Les Etats-Unis pourraient-ils intervenir directement ? C’est encore très flou. « On n’a pas d’information, seulement des hypothèses », explique le spécialiste. Parmi les certitudes : le gouvernement de Benyamin Netanyahou se tient prêt à « tous les scénarios » et a envoyé des renforts autour de la bande de Gaza.

Le Hamas « durcira sa position »

Loin de plier face à ses ennemis américano-israéliens, le Hamas pourrait « durcir sa position », alerte Adel Bakawan. Alors qu’il y a encore quelques jours, il se disait prêt à poursuivre le processus de libération des otages à partir de samedi, le groupe terroriste a répondu à Donald Trump que le « seul moyen de faire revenir les prisonniers » c’est de respecter l’accord. « Le langage des menaces est sans valeur et ne fait que compliquer les choses », a ajouté un de ses dirigeants.

Le groupe accuse en effet Israël de ne pas respecter sa part du marché, notamment concernant l’entrée des camions d’aide humanitaire et de permettre le retour de la population gazaouie dans le nord du territoire palestinien.

Désormais militairement affaibli par plus d’un an d’incessants bombardements et de traques de ces chefs militaires, le Hamas « n’a de toute façon plus rien à perdre », constate Adel Bakawan qui ne croit pas que le groupe puisse céder au chantage de Donald Trump. « Le Hamas se bat pour son existence puisque les Etats-Unis et Israël ont d’ores et déjà décidé que l’avenir de la bande de Gaza se fera sans le Hamas et sans l’autorité palestinienne », développe le spécialiste, qui « s’attend au pire ».

Forcer la population au départ

« Nous devons éviter à tout prix une reprise des hostilités à Gaza qui conduirait à une immense tragédie. J’appelle le Hamas à procéder à la libération prévue des otages », a plaidé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, après les propos de Trump. La bande de Gaza est aujourd’hui détruite à 80 %, sa population réduite de plus de 45.000 personnes sur deux millions d’habitants, et les Gazaouis encore vivants, soumis à des conditions sanitaires et humanitaires catastrophiques. Le patron de l’Unrwa avait utilisé le terme « d’enfer sur Terre » pour qualifier les conditions de survie dans le territoire palestinien.

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Mais « il reste 20 % de surface non détruite où les Palestiniens peuvent encore vivre », souligne Adel Bakawan. C’est justement cette surface que Donald Trump entend détruire afin « de transformer la totalité de la bande de Gaza en champs de ruines » et vider le territoire de sa population, analyse l’expert.

C’est d’ailleurs dans cette optique que le chef d’Etat américain rencontre le roi jordanien ce mardi. Son espoir : le forcer à accueillir un maximum de Palestiniens, en mettant dans la balance l’aide américaine accordée à Amman. Au Moyen-Orient aujourd’hui, conclut Adel Bakawan, se dessine « un tableau très sombre sans aucun signe d’optimisme, une impasse totale ».