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Guerre en Ukraine : Thomas Heurtel assume son choix « financier » de jouer en Russie, quitte à être privé des Bleus

Quand Thomas Heurtel donne sa première longue interview depuis la fin de l’Eurobasket 2022, et sa controversée signature dans la foulée au Zénith Saint-Pétersbourg (Russie), il ne fait pas semblant. Ce vendredi dans L’Equipe, l’ancien joueur du Barça, de l’Asvel et du Real Madrid est tout d’abord revenu sur sa signature l’été dernier de la fameuse charte de la Fédération française de basketball, condition sine qua non pour participer à l’Euro en septembre avec les Bleus. Thomas Heurtel attestait ainsi sur l’honneur qu’il ne s’était pas engagé avec un club russe, et qu’il ne comptait pas le faire. Or trois jours après la finale de la compétition perdue contre l’Espagne, celui-ci était officiellement annoncé par le Zénith comme une recrue du club.

« Quand j’ai signé la charte, je n’avais pas encore choisi le Zénith, assure-t-il. Je n’étais pas sûr à 100 % de mon avenir car j’attendais d’autres propositions. Mais c’était l’une des options les plus importantes. » Un point sur lequel l’arrière de 33 ans est donc déjà très limite. Quant aux raisons de ce choix de Saint-Pétersbourg, l’intéressé ne cache pas que le principal motif était « financier », surtout vu que les clubs russes sont privés de Coupes d’Europe cette saison en raison de la guerre en Ukraine. « C’était la meilleure situation pour moi et ma famille. A la fois financièrement mais aussi en termes de projet de jeu. Le coach et le club me donnaient les clefs de l’équipe. »

Thomas Heurtel, ici lors du quart de finale du dernier Euro entre la France et l'Italie à Berlin.
Thomas Heurtel, ici lors du quart de finale du dernier Euro entre la France et l’Italie à Berlin. – Pedja Milosavljevic/SIPA

« Tout le monde aurait fait comme moi »

Quitte donc à tirer un trait sur le Mondial cette année avec l’équipe de France, puis sur les JO de Paris en 2024 ? « Ce n’est pas moi qui ai pris cette décision. C’est dommage mais on va voir ce qui va se passer. Si je reviens ou pas. Je dois d’abord penser à moi. Après, c’est toujours un honneur de porter le maillot de l’équipe de France mais je pense d’abord à ma famille, à mon futur, à mes enfants. Si économiquement et pour le basket, c’est mieux de rester ici, je resterai ici. Et si je n’ai rien d’autre, qu’est-ce que je fais ? » Il est tout de même difficile de croire, au vu de son CV et de ses performances récentes, tant en club que sous le maillot bleu, que Thomas Heurtel ne soit pas désiré par de nombreux clubs européens hors Russie. Sur ce point aussi, il se montre transparent.

Oui, mais pas forcément au prix que je demande. Les salaires qu’ils payent ici c’est différent. Je touche deux à trois fois plus que dans un autre club européen. Moi, je suis plus en fin qu’en début de carrière. Il me reste quoi ? Quatre ou cinq ans… Ou alors on me donne un contrat en France et le gouvernement, vu qu’il ne veut pas que j’aille en Russie, me donne la différence. »

Une audace assumée de manière assez déconcertante, puisque le meneur de jeu annonce vouloir « engranger le maximum pour le futur et la sécurité de ma famille ». « Je pense que dans ma situation, tout le monde aurait fait comme moi, confie même celui qui est donc actuellement privé du maillot bleu. C’est sûr que ça m’emmerde de ne pas être en équipe de France. Surtout après l’Euro, avec le projet qu’on avait avec le coach. Cette situation me rend triste. »

« Je ne prends pas l’argent des gens qui tuent »

Après avoir annoncé en octobre n’en avoir « complètement rien à foutre » des critiques sur les réseaux sociaux quant à son sens moral, au moment de filer en Russie en pleine guerre, il a développé son point de vue quant à son pays d’accueil : « Qu’ils commettent des crimes, forcément je suis contre. Forcément je ne veux pas qu’ils tuent des gens, qu’ils fassent cette guerre. Mais l’important, c’est ce qu’il y a de mieux pour moi et ma famille ». Avant d’oser un parallèle là aussi audacieux avec le journaliste de L’Equipe l’interviewant : « Vous, vous êtes journaliste français, vous ne cautionnez pas pour autant tout ce que fait Macron. Et pourtant vous travaillez en France, vous gagnez de l’argent français. Je ne prends pas l’argent des gens qui tuent. »

En sachant que le Zénith est un club appartenant à Gazprom, la plus grande compagnie d’Etat russe dont les revenus participent en partie à financer la guerre, on pourrait presque lui répondre par l’affirmative. Mais Thomas Heurtel retient « l’hypocrisie » de ces « tocards qui n’ont pas la possibilité d’être à ma place, de gagner ce que je gagne ». On a connu des interviews davantage placées sous le signe de l’apaisement.