France

Guerre en Ukraine : Qu’est-ce que le « Katran », ce nouveau drone maritime ukrainien ?

Le nouveau drone maritime ukrainien peut-il être un « game changer » ? Mykhailo Fedorov, ministre ukrainien de la Transformation numérique, a confirmé sur son compte Telegram l’existence du drone « Katran » capable de détruire des cibles en mer, sur terre et dans les airs. « Les informations sur les missions de ce drone sont classifiées, mais il a véritablement changé la donne en mer », a assuré Mykhailo Fedorov.

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Développé par la société militaire ukrainienne Military Armored Company HUB, ce drone est équipé de torpilles sur ses flancs, d’une mitrailleuse multitubes dans son nez, et de systèmes de missiles antiaériens Piorun (missile sol-air très courte portée appelé aussi MANPADS) montés sur le module de combat.

Il serait capable de parcourir des distances de plus de 1.000 kilomètres, jusqu’à 130 km/heure, et d’effectuer des opérations de frappe et de reconnaissance. Pour sa défense, il dispose également d’un système de pièges à fumée et à chaleur pour échapper aux missiles.

Il « peut atteindre des cibles dans les airs, sous l’eau, et en surface »

Contacté par 20 Minutes, le spécialiste Stéphane Audrand, consultant en risques internationaux (armement et nucléaire) confirme qu’avec « un canon, des missiles antiaériens, des torpilles, ce drone multidomaines peut atteindre des cibles dans les airs, sous l’eau, et en surface ». « Il est très certainement équipé aussi d’une suite de capteurs beaucoup plus évolués qu’une simple caméra, ce qui vient combler une des faiblesses des premières générations de drones ukrainiens, qui ne savaient pas opérer l’acquisition et la désignation de cibles. »

En gros, jusqu’à présent, la caméra optronique des drones maritimes ukrainiens « leur permettait de repérer une cible à vue, à quelques milles nautiques dans le meilleur des cas », poursuit le spécialiste. Ils étaient en revanche incapables de cibler « un bateau paumé au milieu de la mer Noire ». Pour cela, les Ukrainiens doivent s’appuyer « sur un écosystème de l’Otan qui fournit des informations générales sur la situation maritime, et alerte sur la présence d’un bateau russe dans telle zone ». Cette nouvelle génération de drones pourrait donc continuer à opérer, même « si demain l’Otan retire son mécanisme ».

« Premier conflit d’ampleur dans lequel le drone naval joue un rôle significatif »

La guerre en Ukraine « est clairement le premier conflit d’ampleur dans lequel le drone naval joue un rôle significatif », poursuit Stéphane Audrand. Et depuis leur première utilisation en mer Noire en juin 2023, les drones maritimes ukrainiens passent progressivement de « kamikazes » conventionnels remplis d’explosifs à des véhicules multifonctionnels réutilisables.

« L’Ukraine se retrouvant au début de la guerre dépourvue de flotte, et avec un besoin de restaurer son accès à la mer par la force, elle s’est mise à fabriquer à partir de rien une force de drones navals, explique le spécialiste. Elle a suivi le même processus que suivent l’Iran et les Houthis sur leurs flottes de drones aériens, en prenant des technologies civiles sur étagère, pour la propulsion, l’optronique, le guidage… Les Ukrainiens ont ensuite adapté des technologies venant du jet-ski pour la propulsion, du drone aérien pour le guidage, et ils ont fait toute une gamme de drones comme cela, qu’ils ont sans cesse améliorés, obtenant au fur et à mesure des succès militaires substantiels. »

Un tiers de la marine russe en mer Noire aurait ainsi été détruite par ce type d’engins depuis le début du conflit. « Ils ont tapé un peu de tout : des corvettes, des bateaux de transport, en mer et au mouillage. A tel point que la marine russe a dû dégager du port de Sébastopol [attaqué aussi par des drones aériens] car l’endroit n’était plus du tout sûr. »

« La montée en gamme se poursuit »

Pour Stéphane Audrand, il est clair qu’avec ce nouveau drone « Katran », on change de dimension. « On rentre dans des choses qui sont plus du domaine du programme que du prototype, même si on reste dans des cadencements d’innovation extrêmement rapides par rapport à nos standards européens, et dans des cycles de fabrication courts. » « La montée en gamme se poursuit. »

Pour le spécialiste, « la prochaine étape ce sera les drones submersibles, parce que les moyens de lutter contre des drones sous la mer sont beaucoup plus compliqués ».

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Mais s’il reconnaît l’efficacité de ces engins, il y voit aussi des limites. « Dès qu’il y a du gros temps, du brouillard, ils ne peuvent pas sortir. Le contexte de la mer Noire, une mer fermée, est très spécifique. Surtout, on n’est pas sûrs qu’ils soient très doués pour faire la différence entre un navire militaire et un navire civil. Depuis le début du conflit, ils bénéficient de l’éviction complète du trafic civil dans la zone de combat, et s’ils ne tapent pas le bon navire ce n’est pas très grave, car c’est un navire russe. Dans un autre contexte ce serait peut-être moins employable. »