Guerre en Ukraine : Pékin soutient Moscou malgré sa neutralité
Emmanuel Macron est arrivé ce mercredi en Chine pour une visite d’Etat qui doit durer deux jours. Les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint le chiffre record de 240 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de plus de 64 % depuis 2021.
Emmanuel Macron est arrivé mercredi en Chine pour une visite d’État de deux jours. Les discussions avec son homologue Xi Jinping porteront notamment sur la guerre en Ukraine. Le président français devrait une nouvelle fois inciter le président chinois à « peser » sur la Russie afin de persuader Vladimir Poutine d’accepter un cessez-le-feu.
Cette mission s’annonce délicate en raison des relations étroites, notamment économiques, entre Pékin et Moscou. « La Chine fournit à la Russie des matières premières, des composants électroniques et toutes sortes de technologies, ainsi que des machines-outils qui permettent non seulement à l’économie russe de se maintenir mais, plus encore, à l’industrie de défense russe de monter en gamme », explique Marc Julienne, directeur du centre Asie de l’Ifri et spécialiste de la Chine.
La Chine continue également de s’approvisionner en hydrocarbures russes, une situation avantageuse pour Moscou, qui fait face aux sanctions internationales. « Pour la Chine, c’est intéressant car elle achète son pétrole à un prix défiant toute concurrence, souligne Marc Julienne. Cela permet de faire entrer des devises en Russie pour alimenter l’économie ou de racheter des produits chinois avec ces devises. »
Cette collaboration est assumée par Pékin. « La Chine mène une coopération économique, commerciale et énergétique normale et légitime avec les pays à travers le monde, y compris la Russie », avait affirmé un porte-parole des Affaires étrangères, Lin Jian. Selon les chiffres officiels chinois, les échanges commerciaux entre la Chine et la Russie ont atteint un chiffre record de 240 milliards de dollars en 2023, soit une augmentation de plus de 64 % depuis 2021.
« Objectivement, il y a des échanges économiques très importants entre la Russie et la Chine », affirme Marc Julienne. Toutefois, ce soutien peut-il être interprété comme un réel soutien envers un pays allié ? Le spécialiste évoque plutôt un « partenariat intéressé » lié à des enjeux nationaux. « La Chine est dans une situation économique intérieure très compliquée : elle a une production industrielle massive mais n’a pas de demande intérieure. Tout marché d’exportation est intéressant et la Russie en fait partie. »
Des exportations de composants chimiques explosives, de semi-conducteurs, et de machines-outils qui permettent la fabrication de chars et de drones alimentent la machine de guerre russe, au grand dam des alliés de l’Ukraine. Cependant, « la Chine ne transfère pas directement d’armes létales à la Russie », précise Marc Julienne. Cette distinction est essentielle pour permettre à Pékin de maintenir une apparente neutralité dans le conflit entre Kiev et Moscou, tout en flirtant avec les limites.
Le soutien diplomatique et politique de la Chine envers la Russie est également manifeste. Depuis l’annexion de la Crimée par Vladimir Poutine en 2014, « il se retrouve isolé sur la scène internationale et la Chine lui permet de briser cet isolement, de montrer qu’il a des partenaires avec lesquels il peut coopérer, y compris sur le plan militaire. Encore aujourd’hui, il y a des exercices militaires réguliers entre la Chine et la Russie », explique Marc Julienne, qui évoque la « dimension symbolique » de cette amitié face aux Occidentaux.
Les deux chefs d’État se sont rencontrés à plusieurs reprises ces dernières années. Début septembre, Vladimir Poutine était même aux côtés de son homologue chinois lors d’un grand défilé militaire à Pékin commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, la Chine n’a jamais condamné la Russie pour son invasion de l’Ukraine, tenant l’Europe et les États-Unis pour responsables du déclenchement du conflit, et s’oppose systématiquement aux sanctions contre Moscou. « Les deux ont un partenariat stratégique, très important, très solide », nuance le spécialiste de la Chine. « Mais il ne faut pas être dupe de l’image qu’ils cherchent à projeter. »

