France

Guerre en Ukraine : La poutine souffre dans l’ombre de Vladimir

« J’ai perdu 35 à 50 % de mon chiffre d’affaires sur le produit. » Le produit, c’est la fameuse poutine québécoise. Ces mots, ce sont ceux que Christophe Fiegans. Depuis le début de la guerre en Ukraine, qui voit s’opposer les forces de Volodymyr Zelensky à celles du russe Vladimir Poutine, le gérant et créateur des Poutinistes à Strasbourg voit son plat phare être boudé par sa clientèle.

Du côté de Frituur, son point de vente à emporter ouvert il y a quatre ans là où la clientèle est principalement étudiante, la poutine faisait fureur. « Ça a été tout de suite un succès, se souvient Christophe Fiegans, alors expert en frites belge qui avait souhaité diversifier son offre. En 2019, la poutine devenait un peu à la mode chez les jeunes actifs, chez les étudiants qui revenaient du Québec ou sur les réseaux sociaux. »

« On a eu un retour violent, comme des saluts nazis »

Mais voilà, patate tra (vous l’avez ?). La guerre en Ukraine vient contrarier le succès tout frais. « Au début, comme on était surtout sur de la livraison, on a ajouté un petit émoticone après le mot poutine, le drapeau Canadien, mais sans plus communiquer », admet Christophe Fiegans. L’émoji n’aura pas servi : les Poutinistes reçoivent rapidement des remarques désobligeantes sur les plateformes de livraison et sur les réseaux sociaux sur lesquels se trouve leur carte. Puis, aux Eurockéennes ou à la foire aux vins de Colmar, les choses se dégradent. « On y a vraiment eu un retour négatif, parfois violent, comme des saluts nazis. Une personne nous a même dit qu’il fallait rajouter  »SS » après le mot  »poutine », même si la majorité des gens à qui l’on donnait des explications comprenaient », se souvient le restaurateur.

Le désamour de la poutine se poursuit. A la guerre en Ukraine, s’est certainement ajoutée la baisse du pouvoir d’achat, reconnaît le Strasbourgeois qui note tout de même que la frite, elle, garde la pêche. Et Christophe Fiegans n’est pas le seul à subir les drôles de dommages collatéraux de la guerre en Ukraine. Plus au sud, un restaurateur qui proposait habituellement des pizzas dans les Alpes-de-Haute-Provence et qui avait décidé de servir également de la poutine, a dû renoncer après des plaintes. Le propriétaire de l’établissement était sans cesse harcelé sur Facebook et croulait sous les mails de critiques.

« La police était passée en nous recommandant d’être vigilants »

Du côté de la Bretagne en revanche, moins de problèmes. Installé au centre-ville de Nantes depuis près de deux ans, Le Comptoir à Poutine assure continuer son activité sans sourciller. En essuyant parfois quelques remarques désagréables. « Au début du conflit, la police nous avait recommandé d’être vigilants, se souvient Magali, gérante du commerce. La principale remarque dont je me souvienne est venue d’une personne âgée qui nous avait dit que c’était une honte d’appeler le restaurant comme ça. Quand on lui a répondu que c’était une référence à un plat québécois, elle ne nous avait pas crus. » Et la gérante de poursuivre : « On aurait probablement davantage de soucis si on n’avait pas mis devant la vitrine une pancarte marquée « poutine québécoise ». »

A Rennes, au restaurant Poutine Bros, qui a reçu l’an dernier le prix de la deuxième meilleure poutine au monde (hors Canada), les affaires continuent de rouler. « On n’a pas vu le nombre de clients baisser, ça marche toujours très bien, assure l’un des employés. On a parfois des passants qui nous demandent si on a un lien avec la Russie. On leur explique tranquillement que non et ça se passe bien. » Moins de chance donc à Strasbourg, où notre Christophe Fiegans propose désormais une nouvelle version de sa poutine baptisée « very bad frite », une recette très proche du classique québécois avec son sympathique fromage en grains « couic couic ».