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Guerre en Ukraine : La centrale de Zaporijjia déconnectée, risque nucléaire ?

La centrale nucléaire de Zaporijjia, située près de Zaporijjia à l’est de l’Ukraine, est coupée du réseau électrique depuis plus d’une semaine. D’après Rafael Grossi, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la centrale dispose de huit générateurs diesel en fonctionnement, neuf en veille et trois en maintenance.

La plus grande centrale nucléaire d’Europe suscite des inquiétudes. Située près de Zaporijjia, à l’est de l’Ukraine, cette infrastructure sensible est déconnectée du réseau électrique depuis plus d’une semaine, un record. Cette situation est-elle préoccupante ? Que se passe-t-il en cas de perte d’électricité ? Que se passerait-il si la centrale était frappée ? 20 Minutes fait le point avec l’expertise d’Emmanuelle Galichet, docteure en physique nucléaire et maîtresse de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) en sciences et technologies nucléaires.

La centrale nucléaire de Zaporijjia déconnectée du réseau électrique, est-ce dramatique ?

Pas immédiatement. « Aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’il y a un problème de sécurité nucléaire à court terme, mais ce n’est pas une situation durable et souhaitable », souligne Emmanuelle Galichet. Les centrales nucléaires bénéficient d’une grande sécurité. « La sûreté nucléaire répond à des normes de défense en profondeur, avec des systèmes redondants. L’alimentation électrique principale provient effectivement de l’électricité nationale, mais en cas de défaillance, d’autres sources sont disponibles. À Zaporijjia, des générateurs diesel de secours sont utilisés », précise l’experte.

Selon Rafael Grossi, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), la centrale possède huit générateurs diesel opérationnels, neuf en attente et trois en maintenance. D’après le président ukrainien Volodymyr Zelensky, l’un des générateurs est récemment tombé en panne. De plus, il est nécessaire de fournir du carburant à ces générateurs, ce qui constitue un défi supplémentaire en temps de guerre où les approvisionnements peuvent être compliqués. La direction de la centrale, sous contrôle russe, a affirmé à l’agence nucléaire disposer de dix jours de réserve en combustible.

Que se passerait-il s’il n’y avait plus d’électricité dans la centrale ?

Concrètement, les générateurs sont considérés comme la « dernière ligne de défense » de la centrale nucléaire de Zaporijjia, selon Volodymyr Zelensky. Avant la guerre, la centrale fournissait un cinquième de l’électricité consommée en Ukraine, mais elle n’est désormais plus en service. Cependant, qu’elle produise de l’électricité ou non, elle nécessite toujours de l’alimentation pour éviter tout incident de fusion nucléaire. « Les réacteurs de la centrale de Zaporijjia sont à l’arrêt à froid, et le combustible nucléaire est entreposé dans des piscines de refroidissement. La chaleur à gérer est donc moindre », explique Emmanuelle Galichet.

Cependant, l’eau et l’électricité demeurent essentielles dans une centrale nucléaire, même à l’arrêt à froid. « Si l’électricité venait à manquer, les piscines pourraient chauffer jusqu’à ébullition, exposant les assemblages combustibles hors de l’eau – situation qualifiée de dénoyés – ce qui entraînerait une fusion. Ce plasma, similaire à du magma, pourrait alors percer le fond des piscines et contaminer le sol ou les nappes phréatiques », prédit la docteure en physique nucléaire. Néanmoins, une telle dégradation nécessiterait des dizaines de jours. De plus, la centrale est entourée de 11 puits d’eau souterraine qui pompent près de 250 m³ d’eau par heure.

Quel est le risque de frappes ?

La centrale de Zaporijjia est non seulement hors courant, mais elle est également située dans une région contestée de l’Ukraine. Jeudi, le président russe Vladimir Poutine a accusé Kiev de mener des frappes autour de la centrale. « Ils ont encore des centrales nucléaires de leur côté. Qu’est-ce qui nous empêche de riposter ? Qu’ils y pensent », a-t-il déclaré depuis Sotchi, au sud-ouest de la Russie. Cette perspective est préoccupante, d’autant que les « centrales nucléaires n’ont pas été conçues pour résister aux conflits », note Emmanuelle Galichet. Fort heureusement, elles sont assez adaptées à ces risques.

« Les piscines de refroidissement sont protégées par des enceintes de confinement en béton armé d’1,5 mètre d’épaisseur. Elles sont destinées à résister aux explosions à l’intérieur, tout en protégeant des frappes extérieures », explique l’experte. Pour réussir à percer de telles barrières, il faudrait utiliser des missiles, comme la GBU-57 des États-Unis, conçue pour traverser le béton armé.

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Il est donc peu probable qu’un tel accident (qui ne serait probablement pas considéré comme tel, compte tenu de la puissance nécessaire pour frapper) se produise. Tant que la centrale est à l’arrêt à froid, les risques restent minimes. De plus, rassurons-nous, rallumer une centrale « ne se fait pas simplement en appuyant sur un bouton », mais exige une procédure de sûreté prenant plusieurs semaines. De quoi laisser le temps d’agir.