Guerre en Ukraine : Emmanuel Macron en chef de guerre, le rôle de sa vie ?

«Nous sommes en guerre ». La célèbre formule, prononcée par Emmanuel Macron au début de la crise du Covid-19 en 2020, trouve un écho particulier ces derniers jours. Mercredi soir, le président de la République est en effet revenu sur le conflit en Ukraine dans une allocution télévisée, où il a qualifié la Russie de « menace pour la France et pour l’Europe ». Impopulaire dans l’Hexagone, le voici donc qui reprend des couleurs sur la scène internationale.
En s’adressant ainsi à la Nation en milieu de semaine, Emmanuel Macron est resté dans son rôle de chef d’Etat, rappelant au passage qu’il est le chef des armées. « Dans les circonstances actuelles, un président qui se présente comme un protecteur, c’est attendu », analyse Philippe J. Maarek, professeur émérite de communication politique à l’Institut d’études politiques de Fontainebleau. Le format de l’allocution télévisée de mercredi est, quant à lui, devenu récurrent : « Il y a une mise en scène et une dramatisation de l’intervention elle-même, ne serait-ce que par l’effet de surprise. Mais, je le répète, cela correspond à des circonstances géopolitiques exceptionnelles », insiste le professeur.
Un « effet drapeau » qui booste la popularité
Chez les élus d’opposition et sur les réseaux sociaux, ce ralliement n’a pas pris. « La macronie a mis notre industrie à genoux. […], a par exemple tweeté Clémence Guetté, vice-présidente LFI de l’Assemblée nationale. Contre l’économie de guerre de Macron, nous construirons une économie de la paix. » « C’est normal que les citoyens soient préoccupés par des problèmes plus directs comme le pouvoir d’achat, l’idée d’un parapluie nucléaire européen, ça semble lointain », relève Philippe Maarek. Selon un sondage Toluna Harris Interactive pour LCI, l’intervention du président à tout de même convaincu un peu plus de la moitié des personnes interrogées (52 %).
Car « en période de crise, la posture d’un président va toujours lui donner de la popularité », décrit Philippe Maarek. Emmanuel Macron peut aussi bénéficier de « l’effet drapeau ». Ce phénomène, identifié par le politologue américain John Mueller dans les années 1970, montre que les dirigeants connaissent une hausse de leur popularité lors des guerres ou des crises internationales. Selon une autre étude Toluna Harris Interactive pour LCI publiée vendredi, la cote de confiance d’Emmanuel Macron a atteint 37 %, une hausse de six points, au plus haut depuis l’été dernier.
Emmanuel Macron à l’épreuve de la diplomatie
Le locataire de l’Elysée s’est souvent montré à l’aise à l’international, et ce nouvel épisode ne fait pas exception. Selon une étude de l’ONG Rating Group, partagée par le média spécialiste de l’Europe Grand Continent, il est le dirigeant européen qui inspire le plus confiance aux Ukrainiens, avec 77 % d’opinions positives, devant la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ou le président polonais Andrzej Duda. Alors Macron, nouvau « leader du monde libre » comme le disent certains ? « Il est le premier, depuis plusieurs années, à parler des problèmes de l’Otan et de défense européenne, c’est comme s’il avait prévu ce qui allait se passer avec les Etats-Unis, analyse le professeur émérite de communication politique. Cela lui donne une position de force à l’international. Par ailleurs, cela fait huit ans qu’il est au pouvoir. Cette antériorité lui confère un bagage que n’a pas, par exemple, Keir Starmer, le Premier ministre britannique nouvellement nommé. Il a une expérience explicite et implicite de la diplomatie. »
Tous nos articles sur la guerre en Ukraine
Pour soigner encore un peu plus sa cote de popularité, Emmanuel Macron doit-il se contenter des affaires internationales ? Les habitudes ont la vie dure… « Il y a aussi implicitement un repositionnement lié à la politique intérieure : Emmanuel Macron demande au gouvernement d’appliquer, de mettre en oeuvre ce qu’il dit, conclut Philippe Maarek. Ainsi, il se pose en position d’autorité sur le reste de l’exécutif. C’est une tentative pour reprendre la main, la première véritable après l’épisode de la dissolution. » Chassez le naturel, il revient au galop.