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Guerre en Ukraine : Comment la Biélorussie sert de base arrière à Moscou depuis le début du conflit

Samedi, le président russe Vladimir Poutine confirmait que Moscou allait déployer des armes nucléaires « tactiques » sur le territoire de son voisin et allié, la Biélorussie. « Il n’y a rien d’inhabituel ici : les Etats-Unis font cela depuis des décennies », a-t-il justifié, la Biélorussie se trouvant aux frontières de l’Otan, de l’UE et de l’Ukraine. Les réactions internationales n’ont pas tardé, Kiev accusant la Russie de « prendre la Biélorussie en otage ». Et si le président Viktor Loukachenko refuse toujours d’impliquer directement son pays dans le conflit, ce n’est pas la première fois que les troupes russes y sont comme chez elles depuis plus d’un an. 20 Minutes redéroule le fil pour vous.

Janvier et février 2022, des exercices militaires en pleine crise des frontières

Alors que la crise des migrants à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie bat son plein, Minsk indique en début d’année que des troupes russes vont procéder à des exercices « de préparation opérationnelle et de combat » sur son sol. Des manœuvres conjointes, baptisées « Détermination de l’union 2022 », se déroulent du 10 au 20 février sur des bases militaires biélorusses, en réponse au renforcement des défenses de l’Otan. Selon les Occidentaux, environ 30.000 soldats russes, accompagnés de trains chargés d’équipements et de char, sont déployés en Biélorussie à cette occasion.

24 février 2022, un front ouvert depuis la Biélorussie

Aux premières heures de la guerre, les troupes russes progressent dans l’est de l’Ukraine. Rien de surprenant à cela, puisque la guerre civile fait rage depuis 2014 dans le Donbass. Ce qui l’est, ce sont ces colonnes de chars qui apparaissent au nord-ouest de Kiev à l’aube. Les troupes russes avancent vers la capitale, à 150 kilomètres seulement de la frontière, et capturent au passage la centrale nucléaire de Tchernobyl, réveillant la crainte d’un accident nucléaire. « Nos troupes ne prennent aucune part à cette opération », précise Alexandre Loukachenko le jour même, lors d’une réunion avec les chefs de son armée.

28 février 2022, des pourparlers à Gomel

L’armée russe progresse rapidement, les faubourgs de Kiev sont bombardés intensément. Vladimir Poutine propose des pourparlers à Volodymyr Zelensky, dans l’espoir d’obtenir une reddition rapide. A la tête d’un peuple qui souffre, le président ukrainien tente d’imposer ses conditions pour le lieu de la rencontre : « Bratislava, Budapest, Istanbul, Varsovie, Bakou… » Partout, sauf en Russie et en Biélorussie. Question de sécurité, d’honneur aussi. Il accepte finalement qu’une délégation se rende à Gomel, ville biélorusse à 300 kilomètres au nord de Kiev. La diplomatie russe prend ses quartiers en Biélorussie. La réunion ne donnera rien.

4 mai 2022, la Biélorussie lance un nouvel exercice militaire

Rapidement, les troupes russes sont repoussées dans le nord du pays, et l’invasion se concentre sur le sud et l’est de l’Ukraine. Mais Kiev continue de se méfier d’un nouveau front dans son dos : le 4 mai, Minsk lance un exercice militaire surprise dans le but « d’évaluer la préparation et la capacité du personnel à réagir rapidement à une éventuelle crise ».

26 juin 2022, Poutine promet des missiles Iskander à Loukachenko

Le vassal rend visite au maître du Kremlin, à Saint-Petersbourg, au début de l’été. A la suite d’un entretien entre les deux dirigeants, Vladimir Poutine annonce que « des systèmes de missile tactique Iskander-M, qui peuvent utiliser des missiles balistiques ou de croisière, dans leurs versions conventionnelle et nucléaire », vont être transférés en Biélorussie « dans les prochains mois ». Le président russe annonce aussi une modernisation à venir de l’aviation militaire biélorusse.

10 octobre 2022, des troupes russes et biélorusses déployées dans « l’Union »

« L’entraînement en Pologne, en Lituanie et en Ukraine de combattants comprenant des radicaux biélorusses, pour mener des sabotages, des actes terroristes et un soulèvement militaire dans le pays, devient une menace directe. » C’est ainsi qu’Alexandre Loukachenko justifie le déploiement, mi-octobre, d’un « groupement régional de la Fédération de Russie et de la république de Biélorussie ». Le lieu de déploiement de ce groupement, qui comporterait « jusqu’à 9.000 soldats russes » et 170 chars, demeure un mystère, mais le terme d’ « Union » est lâché pour désigner un ensemble formé par les deux pays. « Hier, à travers des canaux non officiels, on nous a prévenus d’une frappe en préparation depuis le territoire ukrainien sur la Biélorussie », affirme également le président biélorusse.

19 décembre 2022, Poutine en visite en Biélorussie

Pour la première fois depuis trois ans et demie, Vladimir Poutine se rend lui-même à Minsk. Les rumeurs vont bon train sur le motif de cette visite, Kiev y voyant une tentative de convaincre Alexandre Loukachenko de se lancer dans la guerre. Des allégations « stupides » et « sans fondement », selon le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. Officiellement, il s’agit surtout de parler du développement du « partenariat stratégique » entre les deux pays, tant sur le plan de la coopération économique que de la « situation militaire et politique ». Mais encore une fois, Alexandre Loukachenko rassure ceux qui y voient une satellisation : « La souveraineté et l’indépendance [de la Biélorussie] sont inébranlables ».

29 décembre 2022, un missile ukrainien abattu

En pleine période de fêtes de fin d’année, la Biélorussie indique avoir abattu un missile ukrainien au-dessus de son territoire, pour la première fois depuis le début du conflit. Un incident qui fait craindre que Minsk ne saute sur l’occasion pour entrer en guerre avec un argument légitime. Alexandre Loukachenko, informé de la situation, n’en fera rien. Le missile abattu était un missile antiaérien S-300, a priori perdu lors d’une interception ratée d’un bombardement russe, et aucun dégât n’a été relevé.

25 mars 2023, l’entrée en jeu des armes nucléaires « tactiques »

L’utilisation de l’arme nucléaire demeure l’un des serpents de mer de cette guerre. La menace grandit puis reflue régulièrement, mais les troupes russes n’ont toujours eu recours à la puissance de l’atome. Toutefois, la décision de Londres d’envoyer des munitions à uranium appauvri à l’Ukraine, selon un responsable britannique, n’est pas au goût de Vladimir Poutine. « La Russie, bien sûr, a de quoi répondre. Nous avons, sans exagérer, des centaines de milliers d’obus de ce type. Nous ne les utilisons pas pour le moment », a déclaré le président russe, menaçant d’y avoir recours si Londres menait à exécution cette livraison.

En attendant, la Russie se calque sur le modèle de l’Otan en disposant des armes chez son allié. « Il n’y a rien d’inhabituel ici : les Etats-Unis font cela depuis des décennies. Ils déploient depuis longtemps leurs armes nucléaires tactiques sur le territoire de leurs alliés », lance Vladimir Poutine. « Nous avons convenu de faire de même », a-t-il ajouté, disant avoir l’accord de Minsk. « A partir du 3 avril, nous commençons à former les équipages » d’une dizaine d’avions embarquant ce type d’armes. « Et le 1er juillet, nous terminerons la construction d’un entrepôt spécial pour les armes nucléaires tactiques sur le territoire de la Biélorussie », planifie le président russe.