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Guerre en Ukraine : Ce que change la présidence russe du Conseil de sécurité de l’ONU

Ce n’était pas un poisson d’avril. La Russie a pris la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU samedi dernier et pour toute la durée du mois. Un rôle plus symbolique qu’autre chose mais qui a déjà soulevé de nombreuses critiques, notamment de la part de Kiev et ses alliés, alors que l’instance est chargée de « maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales », selon sa description officielle.

La présidence du Conseil de sécurité étant une position tournante, par ordre alphabétique, entre les membres permanents et non-permanents, c’est donc au tour de la Russie de revenir à cette place. La dernière fois qu’elle l’a occupée, c’était en février 2022, mois du déclenchement de l’invasion de l’Ukraine.

Quel rôle aura la Russie à la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU ?

La présidence du Conseil de sécurité donne certaines prérogatives en matière d’agenda. Mais en tant que membre permanent, la Russie a déjà la possibilité d’obtenir des réunions d’urgence quand elle le demande. « Le président du Conseil de sécurité n’a aucune responsabilité, quelle qu’elle soit », assure sur LCI Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, qui a déjà présidé trois fois le Conseil de sécurité.

« Il remercie la représentante de la Colombie pour son discours, donne la parole au représentant permanent de la Belgique, c’est à peu près tout ce qu’il fait », illustre-t-il. « On est dans le symbole, ce qui est important », résume Gérard Araud qui dément le fait que cette position permettra à la Russie de pousser ces pions.

Quel est le programme ?

Le pays qui assure la présidence organise aussi en général deux ou trois réunions spécifiques sur des thèmes choisis. La première aura lieu le 10 avril et portera sur les « risques découlant des violations des accords réglementant l’exportation d’armes et d’équipements militaires » et devrait aborder les livraisons d’armes de plusieurs pays à l’Ukraine, affirme BFMTV.

Sergueï Lavrov est annoncé pour présider une autre réunion, le 24 avril, sur « la défense des principes de la charte de l’ONU ». « Un autre événement clé de la présidence russe sera le débat public de haut niveau du Conseil [de sécurité] sur « Un multilatéralisme efficace à travers la défense des principes de la Charte des Nations unies ». Cette réunion sera présidée par le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov », a déclaré jeudi à la presse sa porte-parole, Maria Zakharova. Elle a souligné que Sergueï Lavrov comptait aussi présider une session de débats sur le Moyen-Orient le 25 avril.

Quelle a été la réaction de l’Ukraine ?

« Une mauvaise blague. » Voilà comment le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, a réagi après l’annonce. « Il est difficile d’imaginer quelque chose qui prouve [davantage] la faillite complète de telles institutions », a lancé pour sa part le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky.

« Il n’y a aucune forme de terreur que la Russie n’ait déjà exercée », a-t-il poursuivi, appelant à une « réforme des institutions mondiales, y compris du Conseil de sécurité de l’ONU ». Cette « réforme qui se fait évidemment attendre consiste à empêcher un Etat terroriste […] de détruire le monde. Les terroristes doivent perdre, doivent être tenus pour responsables de la terreur et ne présider nulle part », a martelé Volodymyr Zelensky.

« La présidence russe du Conseil de sécurité des Nations unies est une gifle au visage de la communauté internationale », a également déploré sur Twitter Dmytro Kouleba. Il appelle « les membres actuels » de l’organe exécutif de l’ONU à « contrecarrer toute tentative » de la Russie d’« abuser de sa présidence ».

Et ses alliés ?

Tout comme Kiev, ses alliés voient dans cette présidence un risque. A commencer par l’Union européenne qui « s’opposera à tout abus » de Moscou. « L’arrivée de la Russie à la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU est digne d’un poisson d’avril », a ainsi affirmé dimanche le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell sur Twitter. « Bien qu’elle soit membre permanent du Conseil de sécurité, la Russie ne cesse de violer l’essence même du cadre juridique de l’ONU », a-t-il dénoncé.

« Comme vous le savez, la Russie préside le Conseil de sécurité depuis le 1er avril. C’est comme un poisson d’avril », a répété lundi devant la presse l’ambassadrice américaine à l’ONU Linda Thomas-Greenfield. « La vérité, c’est que c’est un siège tournant. Nous nous attendons à ce qu’ils se comportent de façon professionnelle », a-t-elle reconnu.

« Mais nous nous attendons aussi à ce qu’ils utilisent leur siège pour propager de la désinformation et pour promouvoir leur propre agenda en ce qui concerne l’Ukraine, et nous sommes prêts à pointer du doigt à chaque fois qu’ils tenteront de le faire », a-t-elle affirmé. De son côté, Gérard Araud rappelle que plusieurs pays tout aussi controversés que la Russie de Vladimir Poutine ont également été à la présidence du Conseil de sécurité de l’ONU, tels ceux dirigés par « Staline, Mao Zedong, Mouammar Kadhafi, Saddam Hussein… Et je n’ai jamais entendu personne protester. »

Comment se défend Moscou ?

Du côté du Moscou, la position de l’Union européenne ou des Etats-Unis est « dans la veine du récit occidental », a déploré l’ambassadeur russe Vassili Nebenzia. Il accuse à son tour les alliés de Kiev de « répandre de la désinformation » notamment « sur la situation des enfants ukrainiens soi-disant kidnappés en Ukraine et emmenés en Russie contre leur gré ».

« La Russie n’abuse pas des prérogatives de la présidence. Il y a d’un côté la position nationale et de l’autre le rôle de la présidence du Conseil », a martelé l’ambassadeur russe lors de la conférence de presse qui marque le début de chaque présidence tournante du Conseil.