Guerre en Ukraine : Augmenter le budget de la défense, nouvelle mission impossible pour François Bayrou ?

Déjà un nouveau casse-tête pour François Bayrou ? Mercredi, Emmanuel Macron a prévenu les Français qu’il faudra « des réformes, du choix, du courage » dans la « nouvelle ère » qui vient. Face à la « menace russe » et au désengagement des Etats-Unis en Europe, le chef de l’Etat souhaite une hausse des dépenses pour renforcer les armées et défendre l’Ukraine. Une évolution jugée « indispensable » par le président de la République…. mais politiquement inflammable, car elle fait ressurgir les précédents débats budgétaires.
« Une volonté de dramatiser »
Emmanuel Macron a donc promis des « investissements supplémentaires » en matière militaire. Le budget de la défense s’établit à 50,5 milliards d’euros en 2025, soit un peu plus de 2 % du PIB. Selon le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le « poids de forme » de l’armée française serait d’« un peu moins de 100 milliards d’euros », soit près de 3,5 % du PIB. L’exécutif doit alors trouver entre 30 et 40 milliards d’euros supplémentaires par an pour être dans les clous.
Une ambition délicate à tenir, car si le président de la République a convaincu une partie des Européens avec son projet de défense, il reste affaibli sur la scène nationale. « Il y a une volonté de dramatiser sur l’urgence et l’union nationale, mais tout le monde comprend qu’il essaye de faire oublier qu’il a perdu deux élections (européennes et législatives), qu’il n’a pas de majorité, et qu’il n’est plus vraiment légitime », tranche ainsi le député insoumis des Hauts-de-Seine Aurélien Saintoul.
Le retour des débats fiscaux
L’élu de La France insoumise interroge sur le financement de ces moyens : « On a une crise internationale réelle donc oui, on pourrait imaginer un consensus. Mais pour les 30 ou 40 milliards évoqués, qui va payer ? On peut commencer par aller chercher l’argent dans les poches des plus riches ». A gauche, plusieurs responsables ont ainsi réclamé que la hausse des dépenses militaires voulue par l’exécutif soit financée par l’imposition des plus fortunés. « Il va falloir que les amis de Monsieur Martin [Patrick Martin, le président du Medef] payent le prix de l’impôt », a demandé François Ruffin, l’ex-insoumis aujourd’hui chez les Ecologistes. Le patron du PS, Olivier Faure, a lui appelé sur X « au patriotisme fiscal et (à) faire contribuer les ultra-riches […] C’est ce que Roosevelt (a) eu le courage de faire pour financer une économie de guerre », a-t-il rappelé.
Mais François Bayrou a déjà balayé l’idée d’augmenter les impôts pour trouver de nouvelles recettes. Au sein du bloc central, on craint d’ailleurs de revivre les débats budgétaires stériles des derniers mois, qui ont poussé le Premier ministre à utiliser le 49.3 à plusieurs reprises. « Avec la gauche, c’est »toujours plus d’impôts ». Cela fait cinquante ans, depuis Mitterrand, qu’elle garde ce même logiciel », soupire Eric Pauget, député LR des Alpes-Maritimes.
Un emprunt national ?
La Commission européenne a indiqué cette semaine qu’elle était prête à laisser les Etats membres accroître leurs dépenses militaires sans que cette somme soit prise en compte dans le calcul de leur déficit public, en principe limité à 3 % de PIB. Une marge de manœuvre inédite, mais François Bayrou a rappelé vendredi qu’il ne souhaitait pas aggraver la dette. « On ne peut pas laisser les finances publiques dans l’état de délabrement, dans l’état de déséquilibre dans lequel elles sont », a-t-il précisé sur Cnews vendredi matin.
« Notre boussole doit plutôt être l’allègement de l’État-providence au profit du régalien. Et pourquoi pas orienter une partie des placements financiers, l’épargne, vers la défense », propose le député LR Eric Pauget. François Bayrou a confirmé que l’emprunt national était une « possibilité ». Une manière de faire « appel aux Français » pour financer l’effort militaire… et de contourner les sempiternels débats budgétaires à l’Assemblée nationale.