Guerre à Gaza : La « double frappe » utilisée par Israël, nouvelle preuve de « l’impuissance du droit international » ?

Lundi, l’hôpital Nasser de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, a tremblé deux fois. L’armée israélienne a tiré sur cette structure de soin une première fois à 10 heures du matin. Avant de frapper de nouveau, dix minutes plus tard. Au moins vingt personnes ont perdu la vie dans ces nouveaux bombardements, dont 5 journalistes. Cette méthode est un schéma bien identifié : celui de la « double frappe », utilisée par l’armée russe en Ukraine mais aussi par l’armée israélienne.
Fin juillet, les sites d’investigation israéliens + 972 et Local Call révélaient que ce mode d’action était considéré comme une « procédure standard à Gaza ». Or, cette méthode est particulièrement cruelle. Elle consiste à frapper une cible une première fois avant d’attendre que les premiers secours et témoins, souvent les soignants et les journalistes, soient sur place pour les tuer à leur tour.
« Afin d’augmenter la probabilité qu’une cible meure, l’armée effectue régulièrement des attaques supplémentaires dans la zone d’un bombardement initial, tuant parfois intentionnellement des ambulanciers et d’autres personnes impliquées dans les efforts de sauvetage », dénonce + 972.
« Finir le travail et induire la terreur »
« Israël est déjà en violation du droit humanitaire international en visant un hôpital. C’est une infrastructure civile et même s’ils assurent que des combattants du Hamas s’y cachent, il n’y a aucune preuve qu’il s’agit d’une réponse proportionnée », tranche d’emblée Céline Bardet, juriste internationale notamment spécialiste des crimes de guerre. « Quant à la double frappe, il s’agit d’une technique qu’ils utilisaient déjà à Gaza en 2009 en attendant six ou douze heures avant de viser à nouveau des immeubles pour « finir le travail » et induire de la terreur », explique-t-elle.
L’association Reporter sans frontières a accusé Tel-Aviv de « cibler délibérément » les journalistes. « Jusqu’où iront les forces armées israéliennes dans leur entreprise d’élimination progressive de l’information à Gaza ? Jusqu’à quand défieront-elles le droit international humanitaire ? », s’interroge-t-elle après ce nouveau drame. Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a déploré un « accident tragique » et annoncé l’ouverture d’une enquête. Mais l’ONU a rétorqué n’avoir encore jamais « vu de résultats ni de prise de responsabilité » suite à l’ouverture d’une enquête sur ce type de crime en Israël.
« Le droit international est impuissant »
« En Ukraine comme à Gaza, on voit deux acteurs étatiques qui s’affranchissent complètement du droit international humanitaire et qui, en plus, ont développé des doctrines militaires qui ont pour seul but de viser les civils », dénonce Céline Bardet. Depuis le début de la guerre à Gaza, au moins 247 journalistes palestiniens ont été tués, selon l’ONU. Et, d’après le porte-parole du bureau des droits humains des Nations unies, Thameen Al-Kheetana au moins trois journalistes ont effectivement « été tués lors de la deuxième frappe ».
« Une fois qu’on a dit que c’était une violation du droit humanitaire international, que fait-on ?, s’interroge Céline Bardet. Le droit international a fait tout ce qu’il pouvait, il y a notamment émis un mandat d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou. Mais cette double frappe montre encore que le droit international est impuissant. » Une réponse politique pourrait compenser le manque de mesures coercitives du droit international mais à cet égard, la réponse reste timide. Particulièrement en comparaison aux sanctions imposées à la Russie.
Notre dossier sur Gaza
Si l’Allemagne a fini par annoncer la cessation de ses livraisons d’armes à Israël le 8 août, après près de deux ans de guerre, la France continuerait à fournir certains matériels militaires à Tel-Aviv, selon plusieurs ONG et médias d’investigation. Et en juillet, les 27 ministres des Affaires étrangères ont décidé de ne pas imposer de sanctions à l’échelle de l’Union européenne. La vraie question pour Céline Bardet n’est donc plus celle du droit international mais bien : « Quelle horreur faut-il qu’on atteigne pour qu’il y ait une réaction ? »

